Tout le monde a compris sauf bush

Publié le 19 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Pour qui a lu le réquisitoire habilement formulé mais implacable du rapport Baker sur la politique américaine en Irak, il est clair que l’échec est patent. Sans un changement complet de politique, les États-Unis courent à une défaite humiliante au Moyen-Orient. Personne ne saurait en douter. Personne, sauf George W. Bush.
Le président semble incapable de mesurer l’étendue du désastre. Son entourage et lui rejettent sur les Irakiens et sur l’Iran la responsabilité des échecs américains. Ils s’obstinent à considérer que l’intérêt national américain et l’hégémonie israélienne au Moyen-Orient sont une seule et même chose. Pour faire bonne mesure, Bush ne veut pas entendre parler d’une conclusion essentielle du rapport Baker : pour stabiliser la région et reprendre la main en Irak, les États-Unis doivent parler avec la Syrie et, avant tout, avec l’Iran. Ce n’est pas seulement que Bush rejette avec mépris la bouée que lui tend l’ancien secrétaire d’État de son père – cela relève plus de la psychanalyse que de la géopolitique. Car il existe une possibilité terrifiante que cette administration transforme la mésaventure irakienne en une catastrophe régionale et internationale en attaquant l’Iran, ou en donnant son feu vert à une attaque de l’Iran par Israël. Certes, Robert Gates, le nouveau secrétaire à la Défense, a déclaré qu’il n’existe pas de plans d’attaque contre l’Iran, sauf en « dernier ressort absolu ». Mais ce n’est pas totalement rassurant.
Le problème va au-delà des soupçons, au demeurant justifiés, concernant les ambitions nucléaires de l’Iran. Washington a été incapable de traiter avec Téhéran depuis la révolution de 1979, la crise des otages de 1980-1981 et les attentats de 1983-1984 contre les marines et les diplomates à Beyrouth. Cette hostilité a été exacerbée par le fait paradoxal que l’invasion de l’Irak a largement renforcé l’influence de l’Iran chiite dans tout le Moyen-Orient. Washington tempête contre les mollahs, mais a besoin de l’Iran pour tenir l’Afghanistan de l’Ouest et empêcher une implosion totale de l’Irak. Israël, cependant, a convaincu l’administration Bush que l’Iran menace son existence et pas seulement son hégémonie – une argumentation corroborée par la négation scandaleuse de l’Holocauste par le président Mahmoud Ahmadinejad.
L’Iran est, pourtant, un problème aussi important au Moyen-Orient que l’Union soviétique l’était en Europe. Il faut lui apporter une réponse sans faiblesse, mais raisonnée. Attaquer l’Iran entraînerait une cascade de représailles et une longue guerre d’usure dans la région et au-delà, et ne permettrait même pas, très probablement, de donner un coup d’arrêt sérieux à son programme nucléaire bien protégé. Reste le dialogue. L’objectif, comme l’indique le rapport Baker, est de négocier avec l’Iran des accords de sécurité mutuelle efficaces qui le détournent de la voie nucléaire et l’incitent à la coopération dans une région où son rôle serait reconnu. Ce n’est pas de la faiblesse, mais de la bonne vieille diplomatie. Cela vaut la peine d’essayer.

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