Jean-Christophe Kugler : « Le Ghana, le Nigeria et l’Angola sont des cibles prioritaires pour Renault »
Avec la fusion de ses deux zones africaines en une seule, « Euromed-Afrique », le constructeur français Renault, très présent au Maghreb, compte étendre son leadership aux grands pays subsahariens.
Automobile : ces marques qui croient en l’Afrique
Les positions du groupe au losange sont contrastées sur le continent. Au Maghreb, ses deux marques – Renault et Dacia – caracolent en tête des ventes, mais il est beaucoup moins connu au sud du Sahara, et même quasi absent dans la zone anglophone. Le constructeur automobile français, qui était auparavant organisé en deux zones distinctes, les a rassemblées en juin 2013 en une seule et même région, « Euromed-Afrique », sous la houlette de Jean-Christophe Kugler, dont les responsabilités englobent également l’Europe centrale. Sur son « territoire », il supervise à la fois l’ingénierie, les usines et les ventes, ce qui représente 32 000 salariés. En Afrique, le groupe a vendu 193 530 véhicules en 2013, dont 86 % au Maghreb. Objectif : s’inspirer du succès commercial dans cette région pour réussir plus au sud, et optimiser l’outil industriel et les flux logistiques du groupe en Afrique.
Propos recueillis par Christophe le bec
Jeune Afrique : Quel bilan commercial tirez-vous de l’année 2013 pour votre groupe et vos marques, Renault et Dacia ?
Jean-Christophe Kugler : L’année 2013 a été plutôt bonne. Nous avons amélioré nos taux de pénétration avec de nouveaux produits, qui ont reçu un accueil très favorable : la Clio 4 et le dernier Duster [lancé en 2013 en Afrique du Sud]. Tous deux se vendent très bien sur le continent. En Algérie, nous avons écoulé 102 000 de nos véhicules et conservé 26 % de part de marché. Et les modèles économiques Sandero et Logan continuent de séduire. Au Maroc, nous avons vendu 47 000 véhicules et augmenté nos parts de marché de 36 % à 39 %. La Clio 4 a reçu un très bon accueil en Afrique du Sud, où notre marché était devenu très faible. Elle a d’ailleurs permis d’y redresser nos ventes. Sur le continent, nous estimons notre part de marché à 13 %.
Nos véhicules sont pensés pour les pays émergents.
Avez-vous adapté vos véhicules aux consommateurs africains pour mieux percer sur le continent ?
Les nouveaux véhicules de marque Renault ou Dacia sont pensés pour les pays émergents. Qu’ils soient marocains ou brésiliens, les clients de la classe moyenne ont des besoins similaires. Sur le continent africain, la sensibilité au prix, à la motorisation et au design est très forte, trois points sur lesquels nous sommes très compétitifs. La « tropicalisation » des véhicules permet un usage de ces motorisés hors des villes. Il est vrai que le 4×4 Duster ou le Sandero sont mieux adaptés à un « multi-usage » en Afrique subsaharienne, où les conditions de conduite peuvent être difficiles. Des produits plus citadins, comme la Clio 4, conviennent d’abord pour la ville et les routes bitumées.
Vous avez l’objectif de croître fortement dans les grands pays d’Afrique subsaharienne, anglophone et lusophone…
Nous avons ciblé quatre pays à fort potentiel dans lesquels nous voulons impérativement progresser : le Ghana, le Nigeria, l’Angola et le Kenya. À l’exception de l’Angola, où notre présence est historique et où nous avons écoulé 2 205 voitures en 2013, nos ventes dans ces pays s’établissent seulement à quelques centaines… En 2013, nous avons repensé l’ensemble de nos accords de distribution dans ces pays et choisi de nous allier avec des groupes locaux pas forcément spécialisés dans l’automobile mais qui connaissent extrêmement bien leur marché, à l’instar du très diversifié groupe Dana, au Nigeria. Depuis le début de l’année 2014, nous ouvrons de nouvelles concessions sur ces territoires, où nous estimons, à terme, pouvoir passer à 10 % de part de marché.
Envisagez-vous de fabriquer des automobiles au Nigeria, où vos concurrents PSA Peugeot Citroën et Toyota affichent cette ambition ?
Si les autorités nigérianes imposent une limite d’âge aux véhicules d’occasion importés, comme l’ont fait l’Angola et le Ghana, le marché nigérian peut passer de 50 000 véhicules neufs vendus aujourd’hui à 200 000 d’ici à un ou deux ans. La question d’une usine se pose donc à court terme. Nous étudions dès aujourd’hui cette possibilité avec notre partenaire, l’industriel Dana [aussi présent dans la métallurgie et l’agroalimentaire].
D’où viennent les modèles Renault vendus sur le continent ?
Les monospaces Lodgy et les camionnettes Dokker sont fabriqués à Tanger, les modèles Logan sont conçus aussi bien au Maroc [à Casablanca] qu’en Roumanie. Quant aux Duster, la plupart d’entre eux arrivent de Roumanie. Enfin, les Clio 4, Mégane [monospace] et Fluence [berline] proviennent majoritairement de l’usine turque de Bursa. Aujourd’hui, un tiers des véhicules vendus en Afrique par le groupe proviennent du continent, mais nous voulons augmenter cette proportion grâce à notre implantation industrielle de Tanger. Nous venons d’y démarrer la production de Sandero. Nous voulons également affiner nos flux logistiques et éviter que des véhicules quittent Tanger pour Le Havre ou Rotterdam avant de revenir sur le continent, comme c’est parfois le cas. Nous négocions en ce sens avec les compagnies maritimes et le port de Tanger.
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Quel est votre bilan de cette nouvelle usine marocaine, deux ans après son ouverture ?
Le groupe est fier de la réussite de son site de Tanger, qui atteint un niveau de qualité comparable aux meilleures usines de l’Alliance Renault-Nissan. Aujourd’hui, c’est tout un écosystème automobile qui est présent au Maroc. Le niveau d’intégration locale est appelé à croître, la seule limite à cette évolution étant les moteurs et boîtes, qui continueront de venir de nos usines mécaniques européennes.
Pour ce qui est du volume, l’augmentation de la production de Tanger a été plus lente que prévue à cause de la crise en Europe. En 2012, nous avons fabriqué environ 50 000 voitures, 100 000 en 2013, et nous devrions atteindre 200 000 en 2014. L’objectif de 340 000 voitures peut être atteint en 2015 si la reprise des marchés se confirme.
La production de votre usine algérienne [près d’Oran] pourra-t-elle être lancée en novembre prochain, comme prévu ?
Nous serons à l’heure ! Sur place, le génie civil et les bâtiments sont déjà achevés, et les premières lignes de fabrication en cours de dédouanement. Nous avons commencé à assembler les premiers véhicules dans le local de formation. Cent nouveaux salariés algériens viennent d’être envoyés en Roumanie pour s’acclimater à nos méthodes. Et nous cherchons également des fournisseurs qui nous permettront d’augmenter le niveau d’intégration locale. Il sera toutefois moins élevé qu’au Maroc, l’usine ne comprenant pas les opérations d’emboutissage et la tôlerie, comme c’est le cas à Tanger.
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