[Tribune] Six propositions pour une réponse africaine créative au Covid-19
L’Afrique, de par sa pyramide des âges et son économie encore peu financiarisée, fait face à une urgence sensiblement différente de celle rencontrée en Occident, et doit élaborer sa voie propre pour surmonter le défi pandémique. Voici quelques propositions, en guise de jalons, pour protéger au mieux nos populations.
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Christian Nouboue
Christian Nouboue est un ancien consultant en stratégie qui s’intéresse aux problématiques de développement en Afrique. Il exerce des responsabilités couvrant une dizaine de pays du continent.
Publié le 27 avril 2020 Lecture : 3 minutes.
Face au coronavirus, l’Afrique subsaharienne présente un profil radicalement différent de celui des nations occidentales.
D’une part, sa population très jeune paraît moins vulnérable au Covid-19 – seulement 8 % des Nigérians ont plus de 55 ans –, ce qui implique une mortalité moins importante.
Notre capacité d’assistance aux patients est probablement inférieure à 1 cas sur 1 000.
D’autre part, notre capacité réelle d’assistance aux patients souffrant de la version extrême du Covid-19 est probablement inférieure à 1 cas sur 1 000 : le sous-continent compte en moyenne 0,25 docteur et 1,4 lit d’hôpital pour 1 000 personnes.
En outre, les marges fiscale et monétaire sont réduites, avec des conséquences économiques indirectes du Covid-19 de l’ordre de -3 % à -8 % du PIB, selon la société de conseil McKinsey. En tout état de cause, nos économies informelles et encore peu financiarisées posent des problèmes inouïs pour distribuer efficacement tout stimulus.
Enfin, le respect d’un confinement total paraît illusoire.
Par conséquent, nos pays devraient, afin de surmonter ce défi, se montrer créatifs et adopter un faisceau de mesures pour limiter la propagation du virus, restreindre l’impact économique et mobiliser toutes les énergies.
1 – Sensibiliser
L’urgence absolue est de limiter coûte que coûte la contagion. Cela passe par des campagnes de sensibilisation soutenues, dans toutes les langues locales et sur tout support (en particulier radio, télé, affichage, réseaux sociaux, SMS…). Et ce sur la maladie, ses symptômes, les gestes barrières, les réflexes à développer en l’absence d’un professionnel de santé. Ces protocoles pourraient également être utiles pour répondre à de futures pandémies ou menaces majeures (terrorisme, accidents industriels…).
2 – Fournir des masques
2- À défaut de pouvoir fermer les marchés traditionnels ou d’organiser un confinement général, une quarantaine ciblée doit être privilégiée, centrée sur les plus âgés et les plus vulnérables (environ 10% des populations). Cette mesure doit être accompagnée d’une distribution massive de masques ainsi que de l’instauration de stricts dispositifs policiers et sanitaires pour réduire les attroupements dans les lieux de forte densité (marchés, bidonvilles…), tout en permettant la poursuite des activités commerciales.
3 – Tester
Afin d’optimiser nos très faibles ressources, des tests échantillonnés doivent être privilégiés. Tels des sondages, ils permettront, à partir d’un échantillon représentatif, de déduire des données plus générales pour estimer la pénétration de la maladie dans les quartiers, les villes et les régions qui en ont le plus besoin.
4 – Assurer la continuité des services critiques
Il est crucial pour nos États d’assurer la continuité des services critiques (sécurité, soins de santé, administration, alimentation…), en concertation avec le secteur privé et la société civile. Cela implique, entre autres, de mobiliser les forces publiques pour protéger les biens et le matériel (bureaux, boutiques, champs agricoles, usines). Il en va de même pour les professionnels de santé dans les centres d’intervention, dont certains doivent être exclus du traitement du Covid-19 et dévolus aux autres besoins (paludisme, naissance…).
Afin d’éviter des situations d’extrême détresse, il faut des plans d’urgence pour assurer l’approvisionnement en nourriture et en médicaments, avec la mise en œuvre de chaînes logistiques exceptionnelles pour transporter les surplus de production des zones de production vers les villes et depuis les ports et les aéroports (fret).
5 – Soutenir le secteur informel
Un stimulus monétaire et fiscal ciblé est nécessaire. Cela implique des « dévaluations préventives » pour donner une plus grande marge monétaire aux opérateurs économiques locaux. Au minimum, les banques centrales devraient éviter d’imposer davantage de restrictions sur les devises, ce qui constituerait un fardeau supplémentaire pour le secteur privé.
Il faut, en parallèle, s’assurer que les injections de capitaux des États censés soutenir l’activité économique parviennent également au secteur informel. Il est possible d’y parvenir en imposant aux entreprises de transférer une partie des avantages fiscaux reçus à leurs fournisseurs, souvent issus du secteur informel. Des facilités de crédit pourraient aussi être accordées aux petits distributeurs du secteur informel « dépendant » des entreprises sur la base des garanties fournies par ces dernières.
6 – Incarner le leadership
Dans la bataille face au Covid-19, il est urgent d’instaurer un « leadership incarné » : une personnalité (président, ministre, haut fonctionnaire…) doit s’imposer comme l’interlocuteur direct et régulier des populations, mais également être présente à toutes les réunions clés et impliquée dans l’ensemble des décisions prises en réponse à la pandémie. Cela est indispensable pour rassurer les populations et assurer le suivi des recommandations faites par les autorités.
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