Sur le front de la diplomatie

Publié le 20 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

En 1960, à peine né à la souveraineté internationale, le Nigeria envoyait déjà des soldats pour le maintien de la paix au Congo – dont un jeune officier du nom d’Olusegun Obasanjo, aujourd’hui chef de l’État. La puissance militaire du pays, qui n’est plus un secret, a nécessité, en 2005, une enveloppe de 738 millions de dollars pour entretenir une force de 76 000 soldats – 60 000 dans l’armée de terre, 7 000 dans la marine et 9 000 dans l’armée de l’air. Avec un tel dispositif, Abuja est toujours en première ligne dans les situations d’urgence en Afrique de l’Ouest. Notamment en 1989, quand il devient le bras séculier de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
En 1990, pour contenir la guerre civile au Liberia, les pays membres de cette organisation d’intégration régionale décident de mettre sur pied une force d’interposition, l’Ecomog, dont le Nigeria fournit l’essentiel des effectifs. C’est le début d’une longue série d’interventions des troupes nigérianes dans la sous-région : Sierra Leone, de 1997 à 2001, où elles parviennent à réinstaller Ahmad Tejan Kabbah dans le fauteuil présidentiel ; Guinée-Bissau, où elles débarquent en 1999, avant un retour à Freetown en 2003 pour en prendre le contrôle ; et au Liberia, pour surveiller le cessez-le-feu jusqu’au départ en exil de Charles Taylor, en août 2003.
Tout au long de la décennie 1990, le maintien de la paix à la nigériane n’a pas été exempt de reproches. En 2000, un rapport au Conseil de sécurité de l’ONU rédigé par le major général Vijay Jetley, commandant de la Force des Nations unies en Sierra Leone (Minusil), dénonce la collusion entre le général nigérian de l’Ecomog et les rebelles du Front uni révolutionnaire (RUF) du tristement célèbre Foday Sankoh, mort en 2003. Selon Jetley, « l’armée nigériane voulait rester en Sierra Leone, en raison des bénéfices substantiels qu’elle tirait du commerce illicite de diamants ».
Il serait cependant injuste de pourfendre l’action de tout un pays sur la base de ces quelques manquements. L’implication nigériane en Afrique de l’Ouest a permis de prévenir de nombreuses morts. Et a pesé lourd dans le budget fédéral : pas moins de 1 million de dollars par jour à la fin des années 1990. Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, l’a reconnu : « La contribution du Nigeria à l’Ecomog est si importante que, si elle devait décliner, c’est la viabilité militaire de l’organisation qui serait menacée. »
Bien sûr, les dirigeants nigérians, pour la plupart issus des casernes, ne sont pas insensibles au retour sur investissement de leur engagement dans les missions de maintien de la paix. Olusegun Obasanjo est en compétition avec son homologue sud-africain Thabo Mbeki pour un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et pour le leadership du continent. Le nombre important de missions onusiennes auxquelles les soldats nigérians ont participé (même en dehors du continent) est un argument qui pèse dans la balance. Les longues négociations du processus de paix au Darfour – bien qu’aujourd’hui remis en cause – ont été abritées à Abuja. Parmi les quelque 7 000 soldats de la force africaine présents dans cette province soudanaise, beaucoup sont nigérians. Ce qui, aux yeux de certains, mérite un coup de chapeau. Même si, pour ce pays qui a connu vingt-neuf années de régime militaire en quarante-sept ans d’indépendance, c’est une manière de trouver une occupation à des troupes pléthoriques et par trop portées à jouer un rôle politique

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