Alan Davies : « Simandou est le projet phare de Rio Tinto en Afrique »
Après la signature du mégaprojet d’exploitation de fer en Guinée, le groupe anglo-australien table déjà sur l’exportation vers la Chine et l’Europe à l’horizon 2018.
Le 26 mai, l’Australien était à Conakry pour la signature du cadre d’investissement du projet mené par son groupe dans la région du Simandou, avec ses partenaires Chinalco et la Société financière internationale (IFC). Le directeur général « diamants et minerais » du géant minier (51,71 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013, soit 37,5 milliards d’euros) revient pour Jeune Afrique sur les défis à relever pour mener à bien le plus important projet d’extraction de fer du continent.
Propos recueillis par Christophe Le Bec
Jeune Afrique : Pourquoi les négociations ont-elles mis autant de temps à aboutir ?
Alan Davies : Les deux tiers des coûts de développement du projet du Simandou [environ 20 milliards de dollars, soit près de 15 milliards d’euros] portent sur les infrastructures du projet et seulement un tiers sur la mine. Il nous a fallu discuter de toutes les options possibles pour le financement, la construction et l’exploitation de la voie ferrée de 650 km qui reliera la mine à l’océan Atlantique et au port en eau profonde, prévu au sud de Conakry. Rio Tinto a l’habitude de ce type de montages complexes, mais le gouvernement guinéen, pour lequel ce projet est unique et stratégique, souhaitait prendre son temps. Nous avons donc formé un groupe de travail avec les autorités et les grands partenaires du projet. Il a avancé à son rythme et abouti le 26 mai, au bout de douze mois de discussions, à la définition de ce cadre d’investissement.
L’accord signé prévoit l’utilisation de ces infrastructures par d’autres usagers que Rio Tinto. Est-ce un point que vous avez difficilement accepté ?
Cette exigence guinéenne d’infrastructures multi-usagers était légitime, puisque d’autres projets – miniers et agricoles – pourraient en profiter. Initialement, l’État comptait financer 51 % des infrastructures, avec un gestionnaire public, et tenait à une égalité de traitement entre les usagers. Mais, seul, il n’a pas pu lever suffisamment de fonds. Avec l’accord signé, Rio Tinto devient le pilote du groupement financier et opérationnel chargé des infrastructures. Compte tenu de son implication, il bénéficiera d’un régime avantageux par rapport à ceux qui obtiendront par la suite un droit d’accès à ces infrastructures.
Quelles sont les prochaines étapes du projet du Simandou ?
L’accord doit être ratifié par l’Assemblée nationale guinéenne. Ensuite, nous comptons parvenir à la création d’un consortium d’investisseurs pour les infrastructures à la fin de l’année 2015. J’ai rencontré une trentaine de partenaires intéressés. En parallèle, nous préparerons le lancement d’un appel d’offres pour la construction de ces infrastructures. Le modèle choisi est celui du build, operate and transfer [BOT, « construire, exploiter et transférer »], qui prévoit une exploitation des infrastructures pendant trente ans, avant un transfert à l’État guinéen. Les prétendants à l’appel d’offres préciseront la durée de la construction ; nous estimons qu’elle pourrait se réaliser en quatre années. Le démarrage de l’exploitation devrait être opérationnel vers la fin 2018.
Les deux tiers des coûts de développement du projet du Simandou portent sur les infrastructures .
Pour la construction et la gestion de ce projet, êtes-vous également en contact avec des sociétés occidentales telles que Bolloré Africa Logistics ?
Nous avons discuté avec la plupart des grands acteurs internationaux et ne voulons pas nous focaliser sur un acteur en particulier. L’appel d’offres, transparent, sera remporté par le mieux offrant. Il n’y a pas de marché réservé aux Chinois ou aux Occidentaux.
Rio Tinto a lancé une action au tribunal d’arbitrage de New York contre le groupe minier BSGR et la société brésilienne Vale, relative aux conditions dans lesquelles ils ont obtenu les blocs 1 et 2 du Simandou, qui vous avaient été initialement attribués. Cela aura-t-il un impact sur votre projet actuel, qui concerne les blocs 3 et 4 ?
Ce sont deux choses séparées. Nous voulons obtenir des dommages et intérêts de BSGR et Vale et non récupérer en justice les blocs 1 et 2. J’ai écrit au ministre guinéen des Mines et de la Géologie, Kerfalla Yansané, pour lui indiquer que Rio Tinto respectera la décision des autorités relative à l’attribution de ces gisements. Quel que soit l’opérateur choisi, nous garantissons qu’il aura accès aux infrastructures.
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Avez-vous vraiment renoncé à l’exploitation de ces blocs 1 et 2 ?
Nous concentrons nos efforts sur la réussite de la construction des infrastructures et le développement des mines des blocs 3 et 4. Ce projet nécessite un travail intense. Ce qu’il adviendra des autres blocs n’a pas d’impact sur notre implication. Si le gouvernement nous contacte à ce sujet, nous verrons quelle réponse lui apporter. Mais là n’est pas notre préoccupation actuelle.
Quelle importance aura le projet minier guinéen par rapport aux autres gisements de Rio Tinto ?
C’est notre projet phare en Afrique. Il ne sera pas en compétition avec notre complexe de Pilbara en Australie, qui exporte un mélange, le Pilbara Blend, issu de plusieurs gisements, idéal pour les aciéries. Le projet guinéen verra l’extraction d’un minerai à haute teneur en fer [62 %], directement exportable, et très apprécié par les Chinois. La proximité du Simandou avec l’Europe sera également intéressante, car elle nous permettra d’y exporter une partie du fer.
Les 10 étapes principales du projet Simandou
Sources : Rio Tinto et Jeune Afrique
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