Opération Halliburton

Conséquence du ralliement du GSPC à al-Qaïda, les intérêts occidentaux – et américains en premier lieu – sont désormais pris pour cible par les djihadistes.

Publié le 19 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Pour l’Algérie désormais « réconciliée », l’attentat de Bouchaoui, le 10 décembre, est indiscutablement un tournant. L’attaque contre un bus transportant des employés étrangers de Brown Roots and Condor (BRC), un joint-venture spécialisé dans la construction qui regroupe le groupe pétrolier public Sonatrach (51 %) et l’américain Halliburton (49 %), a été revendiquée, dès le lendemain, par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), l’antenne locale d’al-Qaïda que commande Abou Moussab Abdelwadoud. Elle a surpris par sa témérité, son efficacité et son mode opératoire.
L’attaque, qui a coûté la vie à deux personnes (un Algérien et un Libanais) et fait une dizaine de blessés (des Canadiens et des Britanniques, pour la plupart), a eu lieu dans une zone particulièrement surveillée. Résidence de nombreux ministres et de personnalités, le complexe du Club des pins, symbole de la toute-puissance de l’État, se trouve en effet à moins de 1 km à vol d’oiseau de Bouchaoui. La veille, Abdelaziz Bouteflika y avait tenu une séance de travail avec les walis (« préfets »), en présence du gouvernement au grand complet.
Le fait que quatre terroristes à bord d’un véhicule stationné à contresens aient pu, grâce à un téléphone cellulaire, faire exploser une bombe pour immobiliser le premier bus d’un convoi, qui en comptait trois, vider plusieurs chargeurs d’armes automatiques sur ses passagers, puis s’évanouir dans la nature, est plus que préoccupant pour les services chargés de la lutte antiterroriste.
Le choix de la cible n’est pas moins symbolique. D’abord, parce que BRC est actuellement au centre d’une fâcheuse affaire de surfacturation. Ensuite, et surtout, parce qu’elle est une filiale du groupe Halliburton, que dirigea de 1995 à 2000 le vice-président américain Dick Cheney. De là à y voir un simple instrument aux mains des ultraconservateurs de Washington…
L’opération n’avait évidemment rien d’improvisé. Elle a même nécessité de minutieux préparatifs et une logistique conséquente. Comment les services de sécurité ont-ils pu ne rien voir venir ? C’est d’autant plus surprenant que, depuis l’annonce par l’Égyptien Aymen Zawahiri, le 11 septembre, du ralliement du GSPC à al-Qaïda, ils sont en état d’alerte maximale.
Apparemment, ce ralliement s’est traduit par une redéfinition des objectifs du djihad. Autant que le régime algérien, il s’agit désormais de frapper les intérêts des Occidentaux – et notamment des Américains – en Algérie, bien sûr, mais aussi au Maroc et en Tunisie. Venant du Sahel (Mali et Niger), une colonne du GSPC composée d’une centaine de combattants mauritaniens, maliens, nigérians, tchadiens et marocains a été repérée, mi-novembre, entre El-Oued et Biskra. Pourchassé depuis plusieurs semaines, le groupe a réussi à abattre un hélicoptère de reconnaissance de l’armée, tuant trois membres de l’équipage. En vrais desperados, ses membres ont également assassiné trois gardes municipaux. Pour autant qu’on sache, la colonne envisageait de gagner l’est du pays, près de la frontière tunisienne. Elle en a été empêchée. Traquée par les forces de l’ordre, elle s’est scindée en plusieurs groupes, aujourd’hui localisés et encerclés (pour la plupart). Mais l’ouest du pays intéresse également le GSPC. Une trentaine d’individus ont été interpellés dans la région de Tlemcen. Leur objectif était manifestement de rallier le Maroc afin de prêter main-forte aux djihadistes locaux.
L’attaque de Bouchaoui a contraint les autorités à renforcer les dispositifs de protection des travailleurs étrangers. Avec la multiplication des grands chantiers, le nombre de ces derniers ne cesse en effet d’augmenter et atteint plusieurs dizaines de milliers. Le département d’État américain et le Foreign Office avaient anticipé l’attentat de Bouchaoui. Le 22 novembre, les services de Condoleezza Rice avaient évoqué de sérieuses menaces planant sur leurs ressortissants en Algérie. Mais ce sont les Britanniques qui, le 3 novembre, après les attaques aux camions piégés contre des commissariats de la banlieue d’Alger avaient, les premiers, sonné l’alarme.
Apparemment, l’attentat de Bouchaoui n’a provoqué aucune panique dans la communauté étrangère. Des départs massifs sont très improbables. Mais le GSPC a au moins trouvé le moyen de se rappeler au (mauvais) souvenir de ceux qui l’avaient sans doute enterré un peu vite.

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