Mort de Léopold Sédar Senghor

Publié le 20 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

A 95 ans, Léopold Sédar Senghor était au plus mal. À la mi-décembre 2001, il avait été hospitalisé à Caen, capitale de cette région de l’ouest de la France où il vivait depuis qu’il avait abandonné ses fonctions de président du Sénégal, le 31 décembre 1980. Le 20 décembre, il s’éteignait à Verson, non loin de Caen, où il coulait des jours tranquilles dans la propriété familiale de son épouse Colette, qui, depuis que sa santé avait grandement décliné, l’entourait de son affection.
La nouvelle de sa mort bouleversa des millions de gens à travers le monde. Senghor appartenait en effet au cercle très restreint des hommes politiques qui se sentent d’abord des hommes de lettres et qui, le moment venu, n’hésitent pas à renoncer à la chose publique au profit de leur passion. Sa poésie, somptueuse évocation d’une Afrique ancrée dans ses traditions immémoriales, a marqué des générations d’écoliers africains. Mais pas seulement. S’il restait charnellement lié à sa terre natale, ce Sine omniprésent dans ses versets, Senghor était fou amoureux du français, langue à laquelle, grâce notamment à l’emploi d’un lexique subtilement choisi, il sut donner une consonance magique. Cette uvre incomparable lui avait valu une forme de consécration en 1983 avec son élection à l’Académie française. Il sera le premier Africain à entrer sous la célèbre coupole dorée.

Une semaine après sa mort, le 29 décembre, les Sénégalais se pressaient sur le parcours du cortège funèbre qui conduisait l’ancien président à sa dernière demeure, le cimetière de Bel-Air de Dakar, où il allait reposer auprès de son fils Philippe-Maguilen, décédé accidentellement en 1981 à l’âge de 22 ans. Dans la cathédrale du Souvenir africain où était bénie la dépouille de ce fervent catholique, toute la classe politique sénégalaise était rassemblée pour rendre un dernier hommage à celui qui avait inscrit durablement la démocratie dans le jeu politique national. Certes, sous sa présidence, entamée en 1960 avec l’indépendance du pays, Senghor avait un temps imposé le système du parti unique. Mais, dès 1974, il avait autorisé la création d’un parti concurrent, le Parti démocratique sénégalais de Me Abdoulaye Wade, avant d’officialiser, en 1976, le multipartisme.
Justement, Abdoulaye Wade, parvenu à la tête de l’État en avril 2000, après avoir été l’opposant le plus acharné à Senghor et à son successeur Abdou Diouf, avait tenu à saluer la mémoire du « père de la nation » lors du passage du véhicule mortuaire devant la présidence de la République. De nombreux dirigeants africains avaient fait le déplacement, notamment les présidents Alpha Oumar Konaré du Mali, Maaouiya Ould Taya de Mauritanie, Pedro Pires du Cap-Vert. La présence des chefs d’État de ces pays voisins rappelait à chacun le rôle joué par Senghor en faveur de la paix dans la région, mais aussi dans l’ensemble de l’Afrique.

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L’absence de représentants de haut rang de la République française apparaissait d’autant plus choquante. L’Histoire retiendra que ni le président Jacques Chirac, ni son Premier ministre Lionel Jospin, ni leurs prédécesseurs n’avaient daigné faire le voyage de Dakar. Or il ne s’agissait pas seulement d’un très grand écrivain et d’un chef d’État africain exceptionnel que l’on portait en terre ce 29 décembre 2001. Membre de l’Assemblée nationale française dès 1946, secrétaire d’État à la présidence du Conseil en 1956, Senghor avait même participé à la rédaction de la Constitution de la IVe République. Et, au cours des vingt années qu’il avait passées à la tête du Sénégal, il avait manifesté une amitié sans faille pour l’ancienne « mère patrie ». Ce que ses adversaires lui avaient d’ailleurs toujours vertement reproché.
Certes, une séance de rattrapage eut lieu le 29 janvier 2002 à l’église Saint-Germain-des-Prés de Paris. Une bonne partie du personnel politique hexagonal ainsi que de nombreuses personnalités du monde culturel assistaient à l’office aux côtés du président Wade et de son prédécesseur Abdou Diouf. Mais, comme l’écrira Le Monde, la France avait raté son rendez-vous avec l’Immortel.

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