M6 et les superwalis

Publié le 19 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Le 30 septembre 1976, au lendemain de la Marche verte organisée en vue de récupérer pacifiquement les « provinces du Sud » occupées par les Espagnols, Hassan II avait fait adopter une Charte communale qui donnait le coup d’envoi de sa politique de décentralisation. Trente ans après, alors que le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental vient tout juste d’être rendu public, Mohammed VI a lancé, le 12 décembre à Agadir, lors de l’ouverture des Rencontres nationales des collectivités locales, une nouvelle réforme de l’organisation territoriale du Makhzen (l’État chérifien) : la régionalisation.
« Sans exagération, on peut parler d’un nouveau chantier du règne, commente un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Pour accroître l’efficacité de l’action publique, il s’agit de donner davantage de pouvoirs aux instances locales et de déléguer un grand nombre de prérogatives de l’État aux unités territoriales régionales. Villes et régions doivent être des locomotives du développement. La tradition centralisatrice héritée du protectorat français provoque des dysfonctionnements qui handicapent le Maroc dans la compétition internationale. Politiquement, même si les deux dossiers ne sont pas liés, l’annonce royale est opportune. Elle désamorce la jalousie que les autres provinces auraient pu éprouver à l’égard du statut privilégié dont bénéficiera bientôt le Sahara. »
L’idée n’est pas nouvelle. Dans le passé, Hassan II avait déjà envisagé de créer des unités administratives comparables aux länder allemands. Cette fois, il s’agit de passer de la parole aux actes. Le roi ayant donné les grandes orientations, c’est Chakib Benmoussa, son ministre de l’Intérieur, qui est chargé de piloter la réforme en s’efforçant d’y associer élus locaux et associations. Les prérogatives des seize walis provinciaux vont être considérablement renforcées. Coordonnateurs des services extérieurs de l’État, à l’instar des préfets français, ils n’avaient pas jusqu’à présent le pouvoir d’engager des dépenses. La réforme va les doter d’un budget qu’ils géreront en toute autonomie.
La vérité est que les walis constituent l’instrument privilégié du dépoussiérage du Makhzen entrepris par Mohammed VI. Dans le passé, ils n’étaient souvent que de simples licenciés en droit des universités marocaines. Aujourd’hui, ils sortent des meilleures écoles françaises ou américaines. Jeunes, polyglottes, fonceurs, ils ont déjà fait leurs preuves dans le privé, possèdent de solides réseaux et disposent d’un accès direct au Palais. On leur doit quelques-unes des plus belles réussites du nouveau règne : l’essor de Marrakech et le développement des provinces du Nord. Si la déconcentration va à son terme – selon une indiscrétion, la réforme sera bouclée avant les législatives de l’automne 2007 -, cette technostructure régionale est appelée à s’émanciper de plus en plus du contrôle gouvernemental. L’action publique devrait y gagner en efficacité, mais la démocratie y trouvera-t-elle son compte ? Contrairement aux élus, les supergouverneurs ne tirent pas leur légitimité du suffrage universel, mais de leur nomination par le roi

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