Le géant et ses voisins

Publié le 20 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

« Typiquement nigérian » : l’expression a cours chez les hommes d’affaires ou les visiteurs venus en voisins traiter avec le poids lourd de l’Afrique de l’Ouest et, à bien des égards, de l’Afrique tout court. Sans appel, souvent lâchés dans un soupir, accompagnés d’un geste de dépit, ces deux mots nourrissent la singulière réputation que traînent les Nigérians au-delà de leurs frontières : arnaqueurs, menteurs, voleurs, filous, mais aussi ingénieux, rusés, fortunés Au Bénin, au Niger, au Tchad comme au Cameroun, l’État le plus peuplé du continent – 131,5 millions d’habitants au bas mot – est un « pays de bandits ».
Il n’est pas facile de vivre à l’ombre d’un géant. Et il est encore plus difficile de respirer si ce dernier abuse de sa puissance ou n’arrive pas à la contrôler, ce qui revient au même. Les Nigérians sont presque vingt fois plus nombreux que les Béninois et les Tchadiens (7 millions et 8 millions d’habitants respectivement), plus de dix fois plus nombreux que les Nigériens (11 millions) et huit fois plus que les Camerounais (16 millions). Plus grand, plus gros, plus riche Un monstre pour les nains d’à côté.
Lorsque, en février 2006, un cas de grippe aviaire est officiellement annoncé à Kano, dans l’État du même nom, c’est la panique à Yaoundé. Les éleveurs du Cameroun – qui partage 1 200 kilomètres de frontières avec le grand frère terrible – doutent que les services sanitaires nigérians puissent contenir l’épidémie comme ils le prétendent.
Essence trafiquée, cuvettes en plastique, pièces détachées, alcool frelaté, vêtements contrefaits, verroterie Le péril vient d’Abuja. Ce grand pourvoyeur est aussi un grand acheteur. L’essentiel des cargaisons qui arrivent au port de Cotonou est vendu aux 131,5 millions de consommateurs nigérians. Les mauvaises langues qui disent du Bénin qu’il est « l’entrepôt de son voisin » n’ont pas toujours tort : le négoce entre les deux pays représente la moitié de la richesse nationale du Bénin, et seulement quelques poussières du PIB nigérian. En août 2003, Abuja pique une colère et, sous prétexte que Porto-Novo détiendrait un homme d’affaires nigérien véreux qui aurait volé des voitures au Nigeria et braqué la fille du président Obasanjo, ferme la frontière. Pendant une semaine, les échanges avec le Bénin sont suspendus. Les automobilistes qui font le plein avec de l’essence trafiquée importée du Nigeria attendront.
En août 2005, au plus fort de la crise alimentaire, Niamey croit avoir trouvé un bel exemple de la filouterie de son incontrôlable voisin : des négociants nigérians achètent à un prix bien supérieur à celui du marché les céréales que les producteurs nigériens retiennent dans leur grenier pour faire grimper les tarifs. Et la pénurie s’aggrave. Niamey ne décolère pas, mais oublie de dire que s’il y a un acheteur, il y a un vendeur.

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