Le Caire, un cauchemar urbain

Publié le 19 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Quelques images arrachées à la nuit mourante, le long du Nil, quand le train est encore loin du Caire, font oublier pendant quelques trop brefs instants l’insupportable vacarme. La houe sur l’épaule, des colonnes de fellahs marchent vers leurs champs. L’eau scintille dans le quadrillage parfait des canaux d’irrigation. L’Égypte des paysans du Nil survit aux portes du Caire. Mais la ville s’annonce trop vite par des monceaux de détritus jetés là sans que quiconque ne songe à regretter le viol que ces montagnes d’ordures infligent au paysage.
Rapidement, la voie de chemin de fer disparaît sous les immondices. On passe des ponts branlants. On traverse d’immenses territoires couverts d’immeubles surpeuplés, insalubres avant même d’être terminés. Les palmiers, le long de la voie, exposent toute une variété de sacs en plastique gonflés d’ordures, accrochés à leurs branches, à leurs troncs. Les déchets colonisent les rues, les maisons, les toits, les routes et le fleuve. Le Nil, quelques kilomètres avant la gare Ramsès, est un cloaque.
Le Caire est la plus grande ville d’Afrique. Personne n’est en mesure de dire combien d’êtres humains y vivent. Les estimations varient de 12 millions à 18 millions. Cette masse humaine s’accumule ici sans bénéficier du moindre service public. Les transports sont embryonnaires, les égouts débordent et la collecte des ordures n’est plus assurée depuis que l’on a interdit aux coptes, dont c’était la fonction, d’encombrer les rues avec leurs charrettes tirées par des ânes. Le Caire, dont le khédive Ismaïl, au milieu du XIXe siècle, voulait faire un autre Paris, est devenu un cauchemar urbain qu’un géographe a qualifié « d’objet urbain non identifié et non maîtrisé ». À chacun ici de se faire sa place, en espérant échapper aux maladies infectieuses, à l’effondrement des maisons que personne n’entretient, aux chauffeurs de taxi qui ne comptent que sur Allah et son Prophète pour épargner la vie de leurs clients et des piétons.

En arrivant au pouvoir, Nasser avait fait amener près de la grande gare du Caire une statue monumentale de Ramsès II. Il voulait que son peuple s’inspire de l’exemple du plus glorieux des Pharaons. La statue a été déménagée au mois d’août dernier. Les experts ont estimé qu’elle ne résisterait pas très longtemps à la pollution. Les passionnés de l’Égypte ancienne se désolaient, eux, de voir la merveilleuse statue disparaître peu à peu sous les emballages vides et les fruits pourris. Comme Ramsès II, les riches et les puissants d’Égypte fuient la ville. La pression de la population pauvre est trop forte pour que leurs quartiers réservés restent des havres de paix et d’harmonie. L’île de Zamalek, le Neuilly du Caire, devient sale et laide. Les villas de Maadi s’abandonnent à des familles qui seraient allées s’installer dans des tombes s’il y avait encore eu de la place pour elles dans la Cité des morts. Entre 300 000 et 2 millions de personnes vivent dans les anciennes nécropoles à l’est de la ville.

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