Femmes non grata

Selon un rapport du Pnud, les citoyennes « ne contribuent pas encore pleinement à la prospérité et à l’essor de leur pays ».

Publié le 19 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Peut mieux faire : c’est la conclusion du nouveau Rapport sur le développement humain dans le monde arabe publié par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Dernier volet d’une série de quatre, cette étude examine la situation de la femme arabe, en s’intéressant particulièrement à sa participation à la vie politique et économique, à son niveau d’étude et à sa santé. Certes, des avancées ont été réalisées, mais, affirme le rapport, les femmes « ne contribuent pas encore pleinement à la prospérité et à l’essor » de leur pays.

Politique C’est indéniable, la participation des femmes à la vie politique se renforce. Au Maroc, en Jordanie et en Tunisie, le recours au système de quotas a permis de conforter de manière significative leur rôle dans la vie parlementaire. Dans le royaume chérifien, la proportion des députées a grimpé de 1 % en 1995 à 11 % en 2003. En Jordanie et en Tunisie, elle est passée sur la même période respectivement de 2,5 % à 5,5 % et de 6,8 % à 11,5 %. Mais en dépit de ces progrès, la représentation des femmes arabes reste inférieure de quelque 10 % à la moyenne mondiale. Même cas de figure au sein des gouvernements. « La participation des femmes est généralement symbolique, limitée à de petits portefeuilles ministériels et circonstanciels », indique l’un des auteurs du rapport. L’accès aux postes clés reste, dans certains pays arabes, notamment du Golfe, un défi quasi impossible à relever. Mais, preuve qu’il y a un début à tout, le Koweït a nommé, le 12 juin 2005, Maasouma Moubarak au poste de ministre de la Planification. Idem à Bahreïn, qui compte aujourd’hui deux femmes dans son gouvernement. L’Arabie saoudite reste le plus mauvais élève puisque les Saoudiennes ne disposent même pas du droit de vote. Pourquoi autant d’ostracisme ? Selon le rapport, certains États arabes – qui ne sont pas nommément cités – craignent que la participation des femmes à la vie politique ne représente une menace pour les dirigeants en place.

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Économie La place des femmes dans l’économie demeure marginale. Une sur trois seulement est salariée ou travailleuse indépendante, soit deux fois moins qu’en Afrique subsaharienne ou en Asie de l’Est. Les femmes continuent de faire l’objet de discriminations dans le monde du travail. En cause, notamment, certaines dispositions contraignantes en matière du droit du travail et de statut personnel : elles doivent demander à leur père ou à leur mari la permission de travailler ou de voyager. Toutefois, dans certains pays, la tendance est nettement à la promotion des femmes d’affaires. Ainsi, en Tunisie, elles sont plus de 5 000 patronnes. L’Arabie saoudite n’est pas en reste : elle compte près de 30 000 femmes chefs d’entreprise, qui n’ont toujours pas le droit de conduire une voiture.

Éducation et santé En dépit de plusieurs signes de progrès (augmentation du taux d’inscription, meilleurs résultats aux examens pour les filles), le monde arabe demeure tout en bas de l’échelle sur le plan international. Des écarts importants subsistent entre les différents États. Dans plusieurs pays producteurs de pétrole, ainsi qu’en Jordanie, au Liban, dans les Territoires palestiniens et en Tunisie, le taux de scolarisation des filles dépasse celui des garçons. Les étudiantes tunisiennes ont même devancé leurs camarades masculins dans les établissements d’enseignement supérieur (55 %). Inversement, l’absence d’accès à l’éducation est plus marquée dans les pays les moins développés, comme Djibouti et le Yémen, ou les plus densément peuplés, comme l’Égypte, le Maroc ou le Soudan.
Dans le domaine de la santé, la situation des femmes arabes peine à s’améliorer. Le taux de mortalité maternelle – 270 décès pour 100 000 naissances vivantes – est vingt fois plus élevé que dans le monde occidental.
Les experts arabes, auteurs de ce quatrième rapport, restent toutefois optimistes et préconisent un recours temporaire à la discrimination positive afin de garantir une participation féminine effective dans tous les domaines. Lors de la présentation du rapport, le 28 novembre, à Paris, ils ont rappelé d’une seule voix que les droits des femmes ne sont en rien une « importation » occidentale, en contradiction avec la culture arabe. En revanche, sur la place des femmes dans le discours islamiste, les avis divergent. La tension était particulièrement palpable entre les deux rapporteuses, Islah Jad, qui ménage les mouvements islamistes, et Naila Silini, sa consur tunisienne, qui ne cache pas son hostilité à leur égard.

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