[Chronique] Coronavirus : le grand retour des médecins cubains en Afrique
Après l’Angola et le Togo, La Havane a dépêché plus de 200 médecins et soignants en Afrique du Sud pour faire face à la pandémie de Covid-19. Un remix du vintage « Hasta la victoria siempre » ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 28 avril 2020 Lecture : 2 minutes.
Révolu le monde bipolaire des seventies ? En ces mois de 2020 où les oracles annoncent une société internationale inédite et où des pays africains commencent à célébrer le « soixantenaire » des indépendances, le monde nouveau a parfois un goût de « reviens-y » idéologique. C’est l’impression ressentie par les moins jeunes des Africains qui viennent d’apprendre que des centaines de docteurs cubains débarquaient en Afrique, comme à la « belle époque ».
C’est en Afrique du Sud que plus de 200 médecins et soignants cubains sont arrivés ce lundi pour participer à la lutte contre la pandémie actuelle. Proche de Cuba depuis la chute du régime de l’apartheid, le pays de Madiba est, à ce jour, la nation la plus touchée par le Covid-19 – en nombre d’infections -, avec près de 4 800 cas testés positifs au coronavirus.
Épidémiologistes venus de La Havane, mais aussi experts en santé publique, médecins généralistes et techniciens spécialisés dans le matériel médical viennent soutenir les efforts sud-africains contre la propagation du virus, au moment où la levée progressive du confinement national est annoncée pour le 1er mai.
Angola, Algérie, Guinée-Bissau
Une madeleine de Proust encore plus flagrante ravivait déjà, il y a quelques jours, les souvenirs de la guerre froide : l’envoi de personnel soignant cubain en Angola. Pendant la guerre civile de ce pays d’Afrique australe, ce sont des milliers de soldats que La Havane avait dépêchés en soutien au régime du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). Plus ou moins à la même époque, des soignants avaient travaillé en Algérie ou en Guinée-Bissau.
En réalité, au-delà des campagnes de prosélytisme marxiste de la guerre froide, l’internationalisme médical cubain initié par le régime castriste, dès les années 60, n’a pas cessé après la chute de l’empire soviétique. En 2016, 50 000 médecins cubains étaient encore présents dans 62 pays pour des coopérations souvent couplées avec des opérations d’alphabétisation.
Bien sûr, si ces services rapportent à Cuba plus de dix milliards de dollars par an (et lui coûtèrent la fuite de pas mal de médecins), la politique n’est jamais loin. Qu’importe le flacon de la coopération, pourvu qu’on ait l’ivresse des plaidoiries en faveur d’un assouplissement des sanctions et des restrictions en vigueur contre l’île. C’est ce que vient d’ailleurs de suggérer Michelle Bachelet, haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, afin d’aider Cuba à développer des traitements contre la maladie. Utilisé sur l’île dans le traitement d’autres pathologies, le remède « Interferon Alpha-2b Recombinant » est étudié dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.
Dans ce vaste mikado géopolitique, les baguettes ne sont pas qu’africaines. Depuis le début de la pandémie actuelle, les rouages de la médecine cubaine – réputée en matière épidémiologique contre le choléra ou Ebola – ont été « appelés à la rescousse » par la Jamaïque, le Nicaragua, l’Italie ou la France.
Faut-il se méfier d’un présumé opportunisme médical sur le continent africain ? Cernés par tant d’internationalismes cupides, l’Afrique n’est pas si dupe. Elle est rompue aux rythmes afro-cubains.
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