Elle se gare toute seule !
Un bijou de technologie qui annonce l’automobile de demain, et le débat à venir : jusqu’où l’électronique peut-elle remplacer l’homme ?
La nouvelle Lexus LS 460 habite au sommet de la pyramide automobile, là où le prix est stratosphérique et le client raréfié. Pour le commun du public, elle est trop chère (100 000 euros), trop volumineuse (5,03 m). Trop puissante aussi avec ses 380 ch qui lui donnent la vivacité d’une ballerine : 5,7 secondes pour passer de 0 à 100 km/h. La LS 460 appartient donc au genre de voitures devant lesquelles rêvent les visiteurs des salons automobiles, avant de revenir à la réalité. Pourtant, elle mérite mieux qu’un regard admiratif. Par son contenu technologique, cette rivale de la Mercedes Classe S annonce en effet les automobiles que nous conduirons demain. Car à l’exemple de la direction assistée ou des airbags, les nouveaux équipements sont d’abord réservés à des véhicules de luxe. Puis, au fil des années, gagnent l’ensemble de la production. Il suffit donc de patienter
Première particularité de la LS 460, un radar est logé dans son bouclier avant. Quand il détecte un obstacle sur la route, mobile ou à l’arrêt, une alerte sonore se déclenche. Aussitôt, direction et suspensions se durcissent pour aider le conducteur dans sa manuvre d’évitement. Puis, quand le radar estime que le risque de collision est avéré, la LS 460 bande ses muscles, comme pour se préparer au choc : elle amplifie le freinage du conducteur, contracte la ceinture de sécurité autour de son torse, avance l’appuie-tête pour soutenir sa nuque. Idem en cas d’obstacle survenant par l’arrière, grâce à un radar disposé en dessous du coffre.
La LS 460 surveille la route, mais aussi l’état de vigilance du conducteur. Deux dispositifs y participent. D’abord, ses radars calculent en permanence l’écart qui la sépare des bandes latérales délimitant les voies sur autoroute. Lorsque le véhicule s’écarte lentement de sa trajectoire, une alerte sonore retentit. Et si le conducteur tarde à réagir, la Lexus exerce une légère force sur la direction assistée pour se replacer elle-même au milieu de sa voie ! Deuxième dispositif, une caméra fixée sur le volant analyse les mouvements latéraux du visage du conducteur. Si ses yeux quittent l’axe de la circulation et que dans le même temps le radar frontal identifie un obstacle, même lointain, l’alerte sonore lui enjoint de regarder la route.
La LS 460 sait aussi soulager le conducteur lors de deux manuvres qui rebutent souvent les automobilistes : démarrages en côte et créneaux. Dans le premier cas, la Lexus analyse la force transmise aux roues motrices par la pédale d’accélérateur et desserre le frein à main automatique de manière progressive. Dans le second, il suffit de s’arrêter le long d’une place disponible. Les radars calculent si l’espace est suffisant pour loger ses 5,03 m. Le conducteur enclenche alors la marche arrière sur la boîte automatique, enlève les mains du volant, le pied de la pédale d’accélérateur, et appuie sur une touche disposée sur l’écran de contrôle. La LS 460 se met en mouvement en effectuant braquage et contre-braquage nécessaires pour faire son créneau. Le conducteur garde tout de même une responsabilité : freiner en fin de manuvre pour stopper la Lexus.
Un tel raffinement électronique laisse pantois, puis interrogateur : pourquoi ne pas aller encore plus loin ? Lors d’un créneau, le radar arrière pourrait très bien activer les freins dès qu’il estime la Lexus à bonne distance de la voiture garée derrière elle, sans intervention humaine. Idem pour le radar frontal en cas d’obstacle sur la route. Plutôt que de prévenir le conducteur, il pourrait enclencher sans tarder un freinage d’urgence. « Bien sûr, l’électronique saurait en certains cas totalement remplacer le conducteur, répondent les ingénieurs japonais, mais ce n’est pas souhaitable » Se dessine alors le grand débat des années à venir : sachant les possibilités infinies, comment ne pas aller trop loin en matière de gestion électronique de la conduite d’une voiture ?
Un avion peut évoluer en pilotage automatique. Il est possible d’imaginer une voiture en faire de même sur autoroute. Le radar avant la maintiendrait à distance constante du véhicule qui la précède. Le conducteur pourrait s’assoupir, lire un journal. Et ne reprendre le contrôle de son véhicule que pour sortir de sa voie, par exemple lorsqu’il quitte l’autoroute ou s’arrête à une station d’essence. Mais une route n’est pas un univers dégagé comme l’espace aérien. Et la trajectoire d’une voiture n’est jamais rectiligne : elle épouse les sinuosités du parcours. Peu importe qu’une défaillance d’un calculateur fasse dévier un avion d’un ou deux degrés. Le pilote s’en aperçoit et le remet dans la direction souhaitée. En revanche, la même défaillance sur une voiture aurait des conséquences immédiates. Et Lexus n’entend pas être poursuivi en justice parce que le radar, croyant détecter un obstacle, a enclenché la procédure de freinage d’urgence d’un véhicule pris dans le flot de la circulation. Ou n’a pas mis fin à temps à une manuvre de parking automatique
Toujours, l’électronique de la LS 460 laisse le conducteur responsable. C’est une sage précaution, pas seulement d’un strict point de vue juridique. Car l’assistance à la conduite est saine, mais la déresponsabilisation du conducteur néfaste. Et entre les deux, la frontière est mince. Maints procès ont ainsi été intentés par des automobilistes qui imputaient un accident au dysfonctionnement de leur régulateur de vitesse. Aucun n’a conclu à la responsabilité des constructeurs. Selon les experts, l’allure restant constante une fois le régulateur enclenché, le conducteur est tenté de retirer le pied droit de la pédale d’accélérateur. Lorsque survient un obstacle ou une barrière de péage, de bonne foi, il croit freiner. Mais son pied, posé sur le plancher, a dévié de quelques centimètres sur la course le menant au pédalier pour se poser sur l’accélérateur ou l’embrayage Erreur humaine, donc, mais provoquée par un dispositif électronique qui assiste le conducteur au point de lui faire oublier son devoir de vigilance. Voilà pourquoi la Lexus LS 460 reste volontairement en deçà des possibilités offertes par l’électronique. Car il ne doit rester qu’un seul maître à bord : le conducteur.
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