Comment Sarkozy a créé Ségolène
Ségolène Royal semble avoir trouvé une formule magique qui répond aux contradictions de la société française. Sa force vient de sa capacité à incarner en même temps un rejet radical des partis politiques traditionnels, sinon de la politique en général, et une interprétation souple de la « rupture » avec le passé en ce qui concerne les réformes structurelles.
Dans le débat sur la continuité et le changement, qui sera la clé de l’élection, sa formule s’oppose directement à celle de son adversaire de droite, Nicolas Sarkozy. Sarkozy s’est mis en évidence depuis si longtemps au centre de la politique française qu’il lui est difficile, en tant que double héritier de François Mitterrand et de Jacques Chirac, de se présenter comme un porte-parole du changement par rapport au système politique traditionnel. Les Français sont en humeur de rejet, sinon de punition, et Sarkozy est un « éléphant » du système politique. En revanche, lorsqu’il parle de « rupture », il peut paraître trop brutal. Sa tentative de rapprochement avec George W. Bush à un moment où le peuple américain s’apprêtait à dire « non » au Parti républicain, lors des élections de la mi-mandat, a été mal perçue par la plupart des Français.
Selon un récent sondage, une majorité est aujourd’hui convaincue que, pour échapper au déclin, la France doit engager de profondes réformes économiques. Si l’Allemagne elle-même le fait, la France ne peut rester une exception. Il est intéressant de noter que ce sont les jeunes qui sont le plus opposés au changement et qui ont le plus peur de l’avenir : ce qui n’est pas forcément de bon augure pour la France, mais peut expliquer en partie le côté rassurant de Ségolène Royal. En tant que femme et ne figurant pas parmi les vieux routiers de la politique, elle peut paraître proposer un changement complet, mais sans heurts. Si une « rupture » est vraiment nécessaire, peut-elle la mener à bien plus doucement que Sarkozy ? Au pire, elle permettrait à un pays qui, dans ses profondeurs, préfère la continuité à la « rupture » d’éviter le changement. Au mieux, elle pourrait être « le bon choix » pour un pays prêt à accepter en 2007 les réformes auxquelles il s’est farouchement opposé en 1995.
La popularité actuelle de Ségolène peut aussi être inspirée par une modification subtile de la perception qu’ont les Français d’eux-mêmes et de leur rôle dans le monde ou, plus fondamentalement, de la nature de la politique.
Le principal handicap de Sarkozy, à part l’hostilité du président Chirac et les querelles tribales à la Capulet-Montaigu entre sarkozystes et chiraquiens, est Sarkozy lui-même. Il polarise l’opinion et fait peur à beaucoup. Sa formidable énergie, sa compétence et son imagination sont spectaculaires, mais il ne rassure pas une France qui veut être dirigée d’une main à la fois ferme et protectrice. Son dilemme est que plus il en fait, plus il risque de perdre des partisans. Quant à Royal, moins elle s’expose, plus elle préserve sa popularité.
On pourrait dire que c’est Sarkozy lui-même qui a créé Ségolène Royal. La seule personne qui pouvait le battre en termes de modernité et d’attirance auprès du public ne pouvait être qu’une femme, et seule une femme a une chance de résister à un débatteur aussi exceptionnel.
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