Al-Hurra : un fiasco américain

Publié le 19 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Les Américains l’avaient lancée en grande pompe le 14 février 2004. Dotée d’un budget avoisinant 50 millions de dollars, Al-Hurra (« la libre ») était censée concurrencer Al-Jazira et Al-Arabiya, et « propager un message de liberté et de démocratie dans le monde arabe ». C’est raté. Boycottée par les téléspectateurs, critiquée par les congressmen pour ses coûts exorbitants et fragilisée par une affaire de malversations financières, la dernière-née des chaînes de propagande américaine vient de se séparer de son directeur, l’Américain d’origine libanaise Mouafac Harb. Sa gestion approximative lui a attiré les foudres du Government Accountability Office (GAO), l’organisme parlementaire chargé de contrôler l’utilisation des fonds publics. Il a été remplacé par Larry Register, un ancien de CNN et de NBC.

Il avait pourtant reçu carte blanche de Kenneth Tomlinson, l’ultraconservateur président du Broadcasting Board of Governors (BBG), l’organisme de contrôle de l’audiovisuel américain à l’étranger. Las, il s’en est servi pour placer ses amis, comme Élie Khoury, patron de la franchise libanaise Saatchi & Saatchi. Favoritisme, népotisme, emplois et prestations fictives, surfacturations. Les limiers du Congrès ont également découvert des gaffes retentissantes. À l’antenne, un présentateur s’est montré incapable de prononcer correctement le nom de l’ancien secrétaire d’État – Colin Powell -, dont il n’avait manifestement jamais entendu parler. Plus grave, en mars 2005, un correspondant de la chaîne accrédité auprès du Pentagone a annoncé que les États-Unis s’apprêtaient à bombarder la Syrie pour venger la mort de Rafic Hariri !

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Même les responsables du département d’État réservent souvent la primeur de leurs informations à sa rivale Al-Jazira. Les diplomates, qui n’ont jamais été associés à ce projet inspiré et imposé par le lobby néoconservateur, doutent ouvertement de son utilité.

Diffusée par les satellites NileSat et Arabsat (mais aussi sur certains réseaux câblés européens), la chaîne revendique 20 millions de téléspectateurs hebdomadaires – estimation que les instituts indépendants ne confirment pas. Conçue dans l’urgence sur le modèle de Radio Free Europe, qui émettait à destination des pays du bloc communiste au temps de la guerre froide, Al-Hurra ne correspond pas aux attentes arabes. Alors qu’Al-Jazira dispose d’une trentaine de bureaux régionaux, sa concurrente, dont le siège a été curieusement installé à Springfield, Virginie, n’en compte que trois, à Bagdad, Amman et Dubaï. Aucun journaliste arabe ne prendrait aujourd’hui le risque de se compromettre avec une chaîne considérée comme un médiocre outil de propagande.

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