Une économie à bout de souffle

Publié le 19 octobre 2004 Lecture : 2 minutes.

Deux chiffres donnent la mesure du retard accumulé par l’Égypte depuis vingt ans. Alors
que sa population représente 24 % de celle du monde arabe, elle ne produit annuellement que 14 % de sa richesse. Selon la Banque mondiale, la plupart des autres indicateurs vont
dans le même sens. Le revenu par habitant est ainsi de 40 % inférieur à la moyenne régionale, l’urbanisation de 28 %, le secteur de la haute technologie de 60 % et la consommation d’énergie de 46 %.
Il a fallu attendre la montée en puissance de Gamal Moubarak pour que le parti au pouvoir entreprenne de mettre au point une stratégie de réformes et de planification économiques. C’est en effet sous l’impulsion de son fils que le chef de l’État a donné, le 14 juillet, le coup d’envoi d’un programme de modernisation dont la mise en uvre a été confiée à un Premier ministre jeune et libéral : Ahmed Nazif (52 ans). « L’Égypte est aujourd’hui prête à entrer dans le XXIe siècle », jure Youssef Boutros Ghali, le ministre des Finances. De fait, en moins de trois mois un délai exceptionnellement court , le gouvernement a réformé le code douanier de fond en comble. À la mi-septembre, le montant des droits de douane a été réduit et toute une série de procédures inutiles ont été abrogées : depuis trente ans, elles n’avaient servi qu’à favoriser la corruption. Et ce n’est apparemment qu’un début. Devant les chefs d’entreprise, Gamal s’est engagé à réduire
de moitié des impôts sur les revenus et les bénéfices
Hélas ! les attentats du 7 octobre dans le Sinaï ont beaucoup assombri le tableau. Pour l’Égypte, le tourisme est en effet essentiel. C’est à la fois la première ressource en devises du pays (4,5 milliards de dollars en 2003, plus de 5 milliards prévus en 2004), le premier employeur (2 millions de travailleurs, soit 15 % de la population active) et le principal secteur d’activité (11,3 % du PIB). En 1997, les attentats de Louxor avaient fait fuir les touristes (cinq cent mille visiteurs en moins) et entraîné une perte sèche équivalente à 1% du PIB (7 milliards de dollars).
L’impact des attentats ne se limite pas à la baisse de fréquentation des hôtels, mais affecte l’économie tout entière. La perte de confiance dans la capacité du régime à assurer la sécurité intérieure décourage les investissements privés, nationaux ou étrangers, à court ou à moyen terme. Après les attentats du Sinaï, le gouvernement d’Ahmed Nazif a donc intérêt à réagir vite et fort, faute de quoi le mouvement de réformes et le redressement de la croissance risquent de subir un coup d’arrêt.
Toujours selon la Banque mondiale, il faudrait à l’Égypte une croissance supérieure à 6 % (deux fois plus qu’actuellement) pour parvenir à juguler le chômage et à réduire la pauvreté. Le taux de croissance démographique étant de 2 %, cinq cent mille jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail. Le chômage progresse régulièrement depuis 1999 (de 8 % à 11% des actifs) et les débouchés à l’extérieur se tarissent. Les clandestins égyptiens en Libye sont systématiquement expulsés, et ceux qui vivent dans
la région du Golfe ils sont entre six et sept millions sont confrontés à de sérieuses difficultés, comme en témoigne l’inéxorable diminution du montant de leurs transferts financiers : 5,7 milliards de dollars en 1993, 3,6 milliards l’an dernier. Ahmed Nazif et Gamal Moubarak n’ont donc pas le choix: ils vont devoir à tout prix diversifier l’économie, beaucoup trop tributaire du coton, de l’industrie textile et du tourisme.

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