Kamikazes anonymes

Publié le 18 octobre 2004 Lecture : 2 minutes.

Il y a eu 125 attentats suicide contre les forces américaines en Irak depuis seize mois, dont la plupart ont été probablement commis par des sunnites. Cela mérite réflexion. Il y a dans le monde arabo-musulman et en Irak une sorte de chaîne de production de suicidaires qui recrute les candidats, les met en contact avec des faiseurs de bombes et les déploie tactiquement contre des cibles américaines et irakiennes, quasi quotidiennement.
Ce qui est encore plus déroutant avec ces kamikazes, c’est que, contrairement aux militants du Hamas, qui distribuent des vidéos, expliquent leurs raisons d’agir et disent adieu à leur famille, presque tous les Irakiens se font sauter sans même nous dire leur nom.
Nous ne savons pas comment ils sont choisis, formés, endoctrinés, armés et envoyés à la mort. Ce que nous savons, c’est qu’ils ont tué et mutilé des centaines d’Irakiens, dont beaucoup faisaient la queue pour s’enrôler dans la police ou dans l’armée, et que, ce faisant, ils ont contribué plus que quiconque à bloquer les efforts déployés par les États-Unis pour reconstruire l’Irak.
En deux mots, l’Amérique fait face à un ennemi qu’elle ne connaît pas et qui reste invisible, mais qui met en péril la totalité de la mission. En toute justice, un tel réseau est dur à démanteler, surtout qu’il jouit du soutien de nombreux sunnites, mais les difficultés que rencontrent les Américains témoignent d’une ignorance plus générale sur les changements qu’a connus la société irakienne.
Lorsque je suis allé en Irak après la guerre, ce qui m’a le plus frappé, c’est l’état de ruine total dans lequel se trouvait le pays. Les trente-cinq années de dictature de Saddam, dont dix ans de sanctions de l’ONU, ont démoli l’infrastructure physique et sociale de l’Irak. Les jeunes tueurs masqués qui tranchent les gorges aujourd’hui ont grandi dans ce vide, qui a été comblé par la religion – une partie injectée par Saddam pour des raisons qui lui étaient propres, une partie venue de l’étranger, principalement d’Arabie saoudite, de Syrie et d’Iran.
Lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak, l’islam avait conquis une forte présence. L’Irak n’était plus le pays majoritairement laïc, prêt à ouvrir les bras à l’Amérique, qu’avaient connu les exilés.

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