Jacob Zuma en sursis

Le vice-président survivra-t-il politiquement au procès de son ancien conseiller poursuivi pour lui avoir versé des dessous-de-table ?

Publié le 18 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

L’ANC et l’Afrique du Sud devront-ils trouver, à la présidentielle de 2009, un autre candidat que Jacob Zuma, vice-président et successeur désigné de Thabo Mbeki ? Le déroulement et l’issue du procès le plus retentissant de l’histoire de la nation Arc-en-Ciel qui s’est ouvert le 11 octobre à Durban pourraient apporter un élément de réponse. Le numéro deux du pays n’est pas sur le banc des accusés, pas plus qu’il ne figure sur la liste des cent cinq témoins attendus à la barre. En revanche, son nom apparaît sur chacune des quarante-cinq pages de l’acte d’accusation qui met en cause Schabir Shaik, son ancien conseiller financier. On reproche à cet Indien devenu prospère homme d’affaires d’avoir versé illégalement à son ancien patron plus de 1,3 million de rands (160 000 euros) entre le 1er octobre 1995 et le 30 septembre 2002, ainsi que d’avoir facilité la négociation d’un pot-de-vin de 500 000 rands par an entre l’entreprise française Thalès et Zuma dans le cadre des contrats d’armement.
Pendant les longs mois que durera le procès (un juge à la retraite a même été rappelé pour mener tranquillement les débats qu’on prévoit interminables), l’héritier politique de Mbeki, lui, apparaîtra devant un tribunal plus sévère encore : celui des médias et de l’opinion publique.
Depuis que l’enquête des Scorpions (l’unité d’investigation des services de renseignements) sur les contrats d’armement signés par l’Afrique du Sud a été révélée au public, en 2000, les journaux s’en donnent à coeur joie, titrant successivement sur les nombreux rebondissements de « l’affaire Zuma ». Le pays se trouve ainsi plongé dans une controverse où la corruption et les juteux contrats polluent le débat sur la succession du chef de l’État, dont le second et dernier mandat arrive à terme en 2009.
Peu importe donc que Zuma n’apparaisse pas devant une juridiction, son procès comme futur candidat de l’ANC à la prochaine présidentielle est déjà ouvert au sein du parti. Alors que le gouvernement se retranche derrière la présomption d’innocence et prévient : « Nous espérons que les médias respecteront la dignité de la fonction de la vice-présidence – et celle des institutions judiciaires – et ne troubleront pas son intégrité sur la base de rumeurs non confirmées dans une cour de justice. » Une précaution utile au regard des affrontements internes qui avaient suivi les premières accusations de corruption contre Zuma.
En août 2003, le procureur général Bulelani Ngcuka avait déclaré que malgré l’existence de forts soupçons de corruption pesant sur la personne du numéro deux du pays, il ne le poursuivrait pas, les preuves en sa possession étant trop faibles. Une sortie perçue comme un affront qui fit monter au créneau les plus fervents défenseurs du vice-président. Avec à leur tête l’ancien ministre Mac Maharaj et Mo Shaik, ancien membre des services secrets de l’ANC et frère de Schabir, qui lancèrent contre Ngcuka une accusation encore plus grave : le magistrat aurait été espion à la solde du régime d’apartheid. Une commission d’enquête sur les activités passées du procureur général fut nommée, qui conclut finalement à l’innocence de ce dernier.
Les liens entre le vice-président et la famille de Shaik au moment de la lutte contre l’apartheid seront au centre du procès qui vient de débuter. Mo explique d’ailleurs la générosité de son frère au profit de Zuma comme celle d’un homme riche volant au secours d’un ami. Qu’ils relèvent de corruption ou non, les versements effectués par Schabir Shaik accréditent en tout cas l’idée que l’homme politique, dès son retour d’exil, a vécu au-dessus de ses moyens de ministre provincial du Kwazulu-Natal, de 1994 à 1999. L’acte d’accusation du présent procès estime ainsi que Zuma dépensait chaque mois 37 000 rands de plus que son salaire en 1999. En 2000, malgré ses dettes, il décide de se faire construire une maison à Nkandla, son village dans le Kwazulu-Natal. Coût des travaux : 1,4 million de rands.
Un manque de rigueur dans la gestion de ses finances privées qu’utilisera le procureur général pour prouver que Zuma était sous l’influence de Schabir Shaik et de ses dix entreprises. C’était déjà l’opinion de Bulelani Ngcuka en 2003. Ce dernier avait déclaré à certains hommes de presse qu’un groupe d’Indiens jouait sur les besoins d’argent du vice-président. L’épisode avait ému la classe politique.
Pourtant, malgré les remous de cette affaire, dont il ne sortira certainement pas indemne, Zuma garde l’estime de ses compatriotes. À la veille du procès, 34 % d’entre eux croyaient en son innocence. Sa popularité lui suffira- t-elle pour survivre politiquement à une condamnation de son conseiller et ami, Schabir Shaik ?

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