Fin de cavale

Après plusieurs de ses compagnons, le cerveau du putsch du 8 juin 2003 a été arrêté à Rosso. Ce qui ne garantit pas que les prochains mois soient forcément très sereins.

Publié le 18 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

Exit donc, Saleh Ould Hannena. Cerveau de la tentative sanglante de coup d’État du 8 juin 2003, l’ancien commandant du bataillon blindé a été arrêté le 10 octobre à Rosso, où il se cachait depuis quelques jours sous une fausse identité malienne. Menée conjointement par la gendarmerie et l’armée mauritaniennes, l’opération a mobilisé une centaine d’hommes. L’officier rebelle a rejoint en prison plusieurs de ses compagnons d’infortune, parmi lesquels le capitaine Abderrahmane Ould Mini, interpellés dans la capitale entre le 25 et le 27 septembre. Simultanément, plusieurs caches d’armes ont été découvertes et un nouveau projet de putsch – le deuxième en deux mois – déjoué.
Ainsi s’achève la longue errance des « Cavaliers du changement », après seize mois de fuite et de traque qui menèrent ces soldats perdus au Mali, d’abord, puis au Niger, au Burkina, au Mali à nouveau et enfin en Mauritanie, pour une ultime tentative vouée à l’échec. Demeurent encore à l’extérieur, sans que l’on sache très bien où, deux ou trois ex-putschistes, dont le commandant Mohamed Ould Cheikhna : à peine une nuisance pour le pouvoir mauritanien.
Obsédés par le renversement, à la pointe du fusil, du président Maaouiya Ould Taya, les Cavaliers du changement constituaient une réelle menace pour la sécurité de l’État. Les autres groupes de l’opposition radicale en exil sont, eux, beaucoup moins sérieux. Fondées il y a une quinzaine d’années, les Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam), qui eurent, elles aussi, leur branche armée, ne sont plus qu’une coquille vide depuis que leurs dirigeants ont quitté le Sénégal, où ils étaient indésirables, pour les États-Unis. En France, où un Forum de l’opposition mauritanienne en exil a été créé le 2 octobre, le mouvement Conscience et Résistance s’illustre surtout sur l’Internet, où il donne volontiers dans la désinformation. Ainsi en va-t-il de la « visite secrète » annoncée à grand fracas et totalement imaginaire d’Ould Taya à Lomé, en septembre. Pour les autorités comme pour la population de la capitale, qui a mal vécu ces mois de haute tension avec leur lot de barrages et de fouilles musclées, l’heure est donc au soulagement.
Pourtant, les mois à venir ne seront pas forcément des plus sereins. Annoncé pour la fin novembre, le procès des cent trente militaires putschistes et de leurs chefs récemment arrêtés sera – s’il n’est pas repoussé – suivi avec attention et nervosité par leurs familles et leurs tribus, très implantées dans l’est du pays. Surtout, la connexion entre ces militaires d’obédience nassérienne et les islamistes radicaux, déjà dénoncée par le pouvoir en juin 2003, est à nouveau à l’ordre du jour. Le 10 octobre, alors que Hannena était débusqué à Rosso, la police a procédé à l’arrestation des trois principales figures de l’islamisme mauritanien : le cheikh Mohamed Elhacen Ould Dedaw, l’imam Jemil Ould Mansour et Mokhtar Ould Mohamed Moussa, un ancien ambassadeur dans le Golfe.
Enfin, la brouille sévère entre la Mauritanie et ces deux mentors – selon Nouakchott – des Cavaliers du changement que sont la Libye et le Burkina est loin d’être apaisée. Selon toute vraisemblance, Ould Taya et plusieurs de ses pairs boycotteront le sommet de la Francophonie qui doit se tenir à Ouagadougou, fin novembre. « Qu’ils boycottent ! Et après ? » se contente de répondre Blaise Compaoré quand on l’interroge sur ce point ; avant d’ajouter : « Les Mauritaniens me cherchent. » Reste à savoir qui cherche l’autre…
Depuis juin 2003, bien des habitants de Nouakchott, de Nouadhibou, de Rosso, de Nema ou d’ailleurs se demandent pourquoi leur pays semble avoir renoué avec la tentation du coup d’État. Le 3 octobre, le domicile du chef de la Sûreté a ainsi été mitraillé, en plein jour, par des assaillants masqués. C’est sans doute la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Tout Nouakchott s’est pressé pour voir les impacts de balles, les vitres brisées et les armes saisies dans des arrière-boutiques. Pourquoi ? Une chose est sûre : la perspective de l’entrée prochaine de la Mauritanie dans le club à haut rendement – et à haut risque – des pays producteurs de pétrole excite bien des convoitises. Et suscite bien des velléités déstabilisatrices.

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