Ferdinand Nana Payong

Camerounais, spécialiste en communication et marketing.

Publié le 20 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

Sa dernière opération a surpris tout le monde au Cameroun. Même ses détracteurs ont dû ranger un moment leurs critiques, pour convenir que, cette fois, l’entreprise était pour le moins audacieuse. Ferdinand Nana Payong, 44 ans, spécialiste en communication et marketing, venait, le 13 juillet 2004, de réunir la presse dans un hôtel huppé de Yaoundé. Pour annoncer qu’il avait obtenu des éditions Odile Jacob, à Paris, les droits de diffusion pour l’Afrique subsaharienne de Ma vie, l’ouvrage de mémoires de Bill Clinton, l’ancien président américain. Ce livre qui faisait alors la une des médias du « monde entier » n’était pas distribué en Afrique.

Nana Payong a voulu ainsi montrer aux éditeurs français que le maintien du continent en marge des réseaux de diffusion est une erreur. De Yaoundé à Dakar, ce sont au total huit capitales qui se sont associées à cette opération inédite. En deux mois à peine, 3 800 exemplaires de Ma vie ont trouvé preneur. Pour qui connaît le marché africain du livre, ce chiffre relève de l’exploit. Nana Payong a gagné son pari.
Il était pourtant « le seul à y croire ». Comme en 1991, quand, nouvellement diplômé de l’Institut français de Gestion (IFG), il annonce à des parents camerounais incrédules sa solution pour adoucir le coût de la rentrée scolaire. Son projet de « Bourse du livre » qui voit le jour consiste à échanger les manuels de l’année écoulée contre ceux de la classe suivante. Sur chaque opération, le promoteur perçoit une commission estimée en fonction du différentiel entre l’état des livres anciens et celui des ouvrages sollicités. En ces années de récession économique et de « villes mortes » au Cameroun, l’idée de Nana Payong est une aubaine pour les familles démunies. Lancée avec un budget de 18 000 F CFA et l’appui de quelques sponsors, la Bourse du livre enregistre, au bout de dix ans, plus de dix millions de transactions. Le concept est repris à l’échelle du pays puis du continent par plusieurs jeunes diplômés sans emploi.
Suite à la dévaluation qui rogne le pouvoir d’achat des familles, Nana Payong innove encore en 1995 en inventant le Pay per Read (« ne payer que ce qui est lu »), inspiré du mode Pay per View en télévision câblée. Il offre aux élèves qui ne peuvent pas s’acheter de livres la possibilité d’en louer. Pour 5 F CFA l’ouvrage par jour. Les parents et les chefs d’établissement apprécient, mais les libraires, inquiets, font pression. En 1998, il doit arrêter l’expérience. Cette aventure dans le livre scolaire reste néanmoins la plus grande fierté de cet homme affable aux allures de lutteur sénégalais.
Passionné de foot, comme savent l’être les Camerounais, Nana Payong est aussi un grand amateur de handball, sport qu’il a pratiqué entre 1980 et 1984 au Stade français (Paris) en National 3. C’est de là peut-être qu’il tire cet esprit de challenge, cette volonté de réaliser les performances les plus improbables. En 2001, Chantal Biya, l’épouse du président camerounais, fait de la lutte contre le sida un chantier prioritaire. Ferdinand Nana Payong saisit l’occasion en proposant une opération spectaculaire baptisée « Raid sur sida ». Installée sur des parapentes à moteur, l’équipe de Philippe Jeorgeaguet, champion du monde de la discipline, largue du ciel près d’un million de préservatifs au-dessus des villes camerounaises. Un événement sans commune mesure dans le pays.

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On reproche souvent à l’homme qui fut sacré Manager de l’année 1991 au Cameroun d’avoir érigé le marketing en une divinité aux pouvoirs infinis. Sa dernière idée, il est venu la présenter à Paris en septembre. En accord avec une trentaine d’éditeurs français, Nana Payong lancera en mars 2005 une caravane littéraire baptisée « Le tour du livre ». Elle sillonnera pendant six mois les capitales d’Afrique francophone avec un catalogue de près de 50 000 ouvrages : autant les grands classiques de la littérature africaine que les nouveautés de l’édition internationale. Avec l’ambition de « combattre la relégation culturelle du continent en implantant à moyen terme en Afrique une plate-forme pour rendre disponibles, en temps réel et à des tarifs avantageux, les publications dont on parle ». Un site Web est en construction, et l’homme affiche un enthousiasme communicatif.

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