[Tribune] Coronavirus : face à la crise, le FMI pourrait faire plus
Conseiller à la présidence sénégalaise et ex-administrateur au Fonds monétaire international, Daouda Sembène propose cinq mesures à mettre en place pour faire face à cette crise exceptionnelle.
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Daouda Sembene
Conseiller à la présidence de la République du Sénégal et ancien administrateur au Fonds monétaire international (FMI).
Publié le 6 mai 2020 Lecture : 3 minutes.
Une crise mondiale sans pareille a besoin d’une réponse mondiale sans pareille. C’est, en substance, ce qu’a affirmé la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva. En Afrique, les estimations des besoins de financement avoisinent les 114 milliards de dollars, dont plus du tiers est encore à mobiliser.
Il est encourageant de constater que le FMI a temporairement doublé les limites d’accès à son instrument de financement concessionnel d’urgence et à son équivalent non concessionnel. L’institution a également accordé à 25 pays à faible revenu (PFR) vulnérables un allègement du service de la dette pour une durée initiale de six mois et un montant total estimé à 213,4 millions de dollars.
Ces initiatives aideront les pays concernés à accéder rapidement à quelques dizaines de milliards de dollars. Cela dit, pour que ces pays, qui représentent près de 40 % des membres du FMI, puissent pleinement profiter de la capacité actuelle de prêt de 1 000 milliards de dollars de l’institution, il reste encore beaucoup à faire. Plusieurs pistes doivent être explorées :
- Augmenter la capacité de prêts concessionnels du FMI
Dans sa forme actuelle, le guichet concessionnel de financement à court terme est conçu pour être financièrement autonome. Il peut soutenir des prêts annuels moyens d’environ 1,7 milliard de dollars. Le FMI entend tripler cette capacité de prêts. Cet objectif, certes ambitieux, ne semble toutefois pas à la hauteur des besoins de financement anticipés des PFR.
- Attribuer les droits de tirage spéciaux (DTS).
Le FMI devrait faire de cette mesure un élément clé de son action, comme cela a été le cas lors de la crise financière mondiale de 2008. Cependant, la taille des allocations de DTS doit être plus importante que par le passé car l’impact économique de la pandémie est bien plus désastreux. Et les PFR devraient bénéficier d’une part plus importante de ces émissions que celle reçue en 2009 (une vingtaine de milliards sur un total de 283 milliards de dollars).
Le FMI devrait également travailler activement avec ses grands actionnaires pour veiller à ce que les DTS non utilisés lui soient transférés, dans le but d’augmenter sa capacité de prêts concessionnels.
- Faciliter les négociations pour l’allégement de la dette
Fort de l‘expérience acquise dans le cadre des initiatives PPTE [pays pauvres très endettés] et IADM [Initiative d’allègement de la dette multilatérale], le FMI et la Banque mondiale sont bien placés pour mener une approche coordonnée synonyme d’efficacité. Cela dit, tout mécanisme d’allègement de la dette devrait tenir compte de la nécessité de maintenir l’accès des PFR aux marchés internationaux à des conditions favorables.
Le FMI doit financer les pays à faible revenu en fonction de leurs besoins plus que de leur taille économique
Pour ce faire, un point est essentiel : éviter de stigmatiser les pays débiteurs en développant une stratégie de communication adaptée et en ne limitant pas les avantages de l’allègement de la dette aux pays qui en font la demande. Dans ce cadre, le système des DTS pourrait aussi permettre de réduire les coûts d’accès à la dette.
- Améliorer l’accès aux autres ressources financières du FMI
Cela signifie réexaminer les politiques d’accès au guichet non concessionnel. S’il est concevable que les prêts concessionnels doivent être limités en raison de la rareté des ressources, l’accès aux autres types de financement du FMI ne devrait pas être plafonné pour les PFR dont le niveau d’endettement est soutenable.
- Accélérer la réforme des quotes-parts
C’est un point crucial pour accroître les ressources financières du FMI, qui nécessite toutefois l’adhésion politique des pays membres. Une fois une telle adhésion sécurisée, une augmentation des quotas pourrait être financée, là encore, par une allocation de DTS. La situation actuelle impose également de s’assurer que le financement du FMI reflète moins la taille économique des PFR que leurs besoins pour faire face à la crise.
Si le rôle du FMI est fondamental, toutes les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement devront jouer leur rôle pour trouver des solutions de financement audacieuses et innovantes en faveur des PFR. In fine, l’essentiel de l’effort revient aux gouvernements des pays membres de ces institutions. À défaut, la réponse mondiale sans pareille pourrait être un échec mondial sans pareil.
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