Noces de diamant

Malgré les vicissitudes de l’Histoire – de la dévaluation du franc CFA en 1994 à la crise ivoirienne -, le mariage contracté il y a soixante ans avec la France tient bon.

Publié le 18 septembre 2006 Lecture : 4 minutes.

Le constat de la Banque de France est sans appel : « Pour la première fois depuis 2000, la zone franc a enregistré, en 2005, une croissance économique inférieure à celle de l’Afrique subsaharienne (+ 4 %, contre 5,8 %). » Dans un rapport publié le 12 septembre*, à l’occasion de la réunion, le même jour, à Paris, des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales de la France et des quinze pays membres de la zone franc, les analystes français commentent l’évolution de la situation économique, monétaire et financière globale, et pays par pays. C’est une moisson unique – et fiable – de données sur les perspectives d’une zone deux fois plus peuplée que la France et liée – depuis 1945 – par le cordon ombilical de la monnaie, le franc CFA pour quatorze pays (voir encadré) et le franc comorien.
Ce cordon a résisté, contre toute attente, aux indépendances et permis à la France et à ces anciens territoires coloniaux de pérenniser une coopération économique particulière. Une coopération qui se manifeste sur la scène internationale, notamment à l’ONU et, surtout, au sein des deux institutions de Bretton Woods, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).

La réunion du 12 septembre a de nouveau apporté la preuve de cette « solidarité » franco-africaine. Non, les Africains n’ont nullement l’intention de renoncer au franc CFA et de battre leur propre monnaie, a rappelé fermement le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Jean-Félix Mamalepot, au cours du débat avec la presse. Pour lui, les économies africaines ne sont pas encore assez productives (hors matières premières s’entend) et dépendent encore beaucoup trop pour leur consommation quotidienne des biens importés Le jour où cette équation se renversera est bien loin, trop loin. Le franc CFA est donc encore là pour longtemps. Il tire sa force de sa parité fixe avec l’euro, dont la zone couvre douze pays de l’Union européenne (UE). Cette vigueur présente plus d’avantages que d’inconvénients : maîtrise de l’inflation (3 % en moyenne, contre 11 % dans le reste de l’Afrique subsaharienne), rigueur budgétaire, politique de convergence, intégration régionale
La dévaluation du franc CFA, en janvier 1994, a été rapidement digérée, mais la crise politique ivoirienne continue à plomber l’ensemble de la zone. Par son effet d’entraînement et le renchérissement des coûts de transport pour les pays enclavés, cette crise fait perdre 1 à 2 points de croissance par an à l’ensemble de la zone. Pour l’année 2006, les prévisions confirment cet écart, avec une progression de 4 % en zone franc, contre 5,4 % en Afrique. Résultat : la Côte d’Ivoire a perdu son rang de première puissance économique de la zone au profit du Cameroun. Selon les chiffres publiés début septembre par la Banque mondiale, le PIB de la Côte d’Ivoire est passé de 15,3 milliards à 16,1 milliards de dollars entre 2004 et 2005, alors que celui du Cameroun a grimpé de 14,7 milliards à 17 milliards.

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À ce reclassement s’ajoute un affaiblissement de la sous-zone Afrique de l’Ouest, trop tributaire de la pluviosité (notamment pour les cultures céréalières) et des cours des matières premières agricoles (coton, café, cacao). Elle est importatrice nette de pétrole, alors que la sous-zone Afrique centrale en est largement exportatrice (plus de 50 millions de tonnes par an). Le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Damo Justin Baro, a fait remarquer que les deux régions « devraient se compléter en trouvant les modalités de s’entraider ». On en reparlera peut-être plus sérieusement lors de la prochaine conférence, en avril 2007, à Lomé, au Togo.
Car jusqu’à présent, la solidarité se manifeste davantage dans le sens France-Afrique. Xavier Musca, directeur général du Trésor français, a insisté sur le soutien de Paris. La réforme en cours des droits de vote au sein du FMI (voir J.A. n° 2383, p. 84) ne se fera pas, a-t-il annoncé, « au détriment du poids de l’Afrique et de sa capacité d’expression ». Au cours des cinq prochaines années, la part du staff africain au sein du FMI devrait passer de 6 % à 8 %. Allant plus loin, Brigitte Girardin, ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, a mis les points sur les « i » au sujet de l’application du programme de bonne gouvernance : « Il me semble que les partenaires au développement [de l’Afrique, NDLR] doivent faire preuve de patience et de compréhension. Il faut accepter que de telles réformes puissent prendre du temps, et il faut donc, surtout, s’attacher à ce que la dynamique soit bel et bien enclenchée dans le bon sens. »

Cette approche globale et progressive de la notion de gouvernance prônée par la France ne doit pas seulement se focaliser sur la corruption – comme l’entendent les États-Unis et la Banque mondiale -, mais sur « les nombreuses autres manières de mal gérer un budget ou un pays ». D’où la nécessité de favoriser une prise en charge des réformes de bonne gouvernance par les pays eux-mêmes, de tenir compte de leurs priorités et de s’adapter aux particularités locales. À bon entendeur

* Rapport annuel de la zone franc 2005, Banque de France, sept. 2006, 280 pages.

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