Les cent jours de Belkhadem

Entre la relance du dialogue social, le projet de révision de la Constitution et la préparation des élections de 2007, le Premier ministre, qui est aussi le patron du FLN, parti majoritaire, n’a pas chômé depuis sa nomination le 23 mai.

Publié le 18 septembre 2006 Lecture : 4 minutes.

« C’est fou comme le temps passe vite ! » doit sans cesse se dire Abdelaziz Belkhadem, Premier ministre depuis le 23 mai. Il est vrai que ses cent premiers jours au Palais du gouvernement n’ont pas été de tout repos. À peine s’était-il installé dans le fauteuil de chef de l’équipe ministérielle qu’il lui a fallu accélérer deux processus en chantier : la relance du dialogue social, quelque peu bloqué par la question des salaires, et le projet de révision de la Constitution.
En quelques semaines, Abdelaziz Belkhadem a quasiment bouclé les deux dossiers. Pour ce qui est du volet social, il a établi des contacts directs avec la direction de la centrale syndicale, notamment avec Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Le deal ? Une augmentation sensible des salaires et la promulgation d’un nouveau statut de la fonction publique contre l’élaboration d’un pacte social instituant une sorte d’engagement des partenaires à soutenir les réformes économiques, parmi lesquelles des opérations de privatisation au coût social le moins douloureux possible.
Pour ce faire, Abdelaziz Belkhadem a délégué auprès des syndicats et des nombreuses organisations patronales deux membres de son gouvernement : Tayeb Louh, ministre du Travail et des Affaires sociales, ainsi qu’Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements. Le premier est membre de la direction du FLN (Front de libération nationale, parti majoritaire). Quant au second, il est réputé proche du président Bouteflika. La composition de cet attelage démontre l’habileté politique de Belkhadem. Les syndicats avaient jusque-là récusé un Temmar ouvertement libéral et, semble-t-il, un homme pressé. Son association avec Louh, entré en politique par la voie du syndicalisme (il fut secrétaire général du Syndicat des magistrats) tempère quelque peu l’hostilité d’Abdelmadjid Sidi Saïd.
Pour l’heure, on en est encore à l’évaluation de l’ampleur des hausses salariales dans le secteur public. À l’ardeur des syndicats à défendre les intérêts des travailleurs répond l’acharnement de Temmar à se faire l’avocat de l’entreprise étatique menacée par une augmentation brutale de sa masse salariale. C’est à Louh qu’échoit le rôle de facilitateur. Quant à l’arbitrage, il demeure du ressort d’Abdelaziz Belkhadem en tant que patron du Conseil des sociétés de gestion du patrimoine public (SGP). C’est pourquoi ce dernier a renforcé son staff économique au Palais du gouvernement afin de maîtriser les dossiers les plus délicats dans les négociations en cours. Ce qui ne signifie pas pour autant que le Premier ministre a négligé les affaires politiques.
S’agissant de la révision de la Constitution, Abdelaziz Belkhadem a récolté les fruits de son travail entamé avant sa nomination à la primature. Le 29 juin, trente-cinq jours après avoir succédé à Ahmed Ouyahia, il soumet au président Abdelaziz Bouteflika les propositions du FLN, dont il est le secrétaire général. Cinq jours plus tard, le 4 juillet, le chef de l’État annonce son intention d’organiser un référendum pour faire adopter un nouveau texte fondamental.
La satisfaction du chef de parti est de courte durée, car elle laisse très vite place à la tâche qui incombe au responsable de l’exécutif : un scrutin et une campagne électorale à organiser. L’homme s’y attelle rapidement. Les aspects techniques de l’opération sont désormais rodés et les services de Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur et homme de confiance du président, ont accumulé une expérience remarquable en matière d’élections ne souffrant d’aucune suspicion de fraudes ou d’irrégularités.
Soulagé de cette question, le Premier ministre peut consacrer une partie de son agenda à ses activités politiques : coordination avec les partenaires de l’Alliance présidentielle, poursuite de l’opération de restructuration du FLN et préparation des échéances électorales de 2007 (législatives et municipales). Ces trois dossiers ont meublé les cent premiers jours du nouveau locataire du Palais du gouvernement. Passons-les en revue.
Les rapports au sein de l’Alliance présidentielle ne sont pas aussi paisibles qu’on veut le faire croire. L’harmonie au sein de cette structure politique informelle a été mise à mal par la nomination de Belkhadem. Ce dernier a succédé à Ahmed Ouyahia, chef du Rassemblement national démocratique (RND), partenaire du FLN au sein de l’Alliance. Quant aux islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), autre parti membre de l’Alliance, qui demandaient au président de former un gouvernement de technocrates à la veille des échéances électorales, ils cachent mal leur irritation à l’égard du choix de Belkhadem. Bref, un climat détestable. Donc, plus de travail pour Belkhadem, obligé de rassurer les uns et d’apaiser les autres.
L’opération de restructuration du FLN, promise au lendemain de l’éviction d’Ali Benflis de la direction du parti, en avril 2004, n’a toujours pas été entamée. Du coup, l’encadrement du FLN au niveau local est le plus souvent bancal, fait de cohabitations difficiles entre partisans de Belkhadem et fidèles d’Ali Benflis.
La préparation du FLN aux prochaines élections est sans conteste le dossier le plus délicat. Comme pour tout scrutin régional ou local, il s’agit d’investir des candidats. En la matière, la demande dépasse de loin l’offre. En sa qualité de patron du parti, Belkhadem aura sans doute à trancher. La chose est loin d’être aisée, car il faudra agir en fonction de considérations tribales, personnelles, voire, dans certains cas, idéologiques. Les détracteurs de Belkhadem au sein du FLN assurent que l’exercice d’arbitrage pourrait provoquer un vent de fronde, le parti n’ayant toujours pas réussi à tenir ses assises nationales depuis le départ d’Ali Benflis.
Comme on le voit, les cent premiers jours de Belkhadem à la primature n’ont pas été de tout repos. Il semblerait que les cent prochains ne le seront pas non plus.

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