L’avis des professionnels

Directement au contact du client, les voyagistes font partie des ambassadeurs du continent. Voici comment ils en parlent.

Publié le 18 septembre 2006 Lecture : 6 minutes.

Hassan Ahdab « La volonté politique doit se traduire en actes »
Hassan Ahdab est responsable de la zone Afrique et océan Indien de Starwood Hotels & Resorts, l’un des leaders de l’hôtellerie haut de gamme et de loisirs. Il compte plus de 850 hôtels Sheraton, Le Meridien ou encore Four Points dans 95 pays (dont 42 dans 16 pays d’Afrique).

Jeune Afrique : Quelle est la part de l’Afrique dans votre chiffre d’affaires ?
Hassan Ahdab : Elle représente 22 % du chiffre d’affaires de la division Europe/Afrique/Moyen-Orient, qui compte 290 hôtels. Notre principal cheval de bataille est l’Égypte, suivie du Nigeria. Les hôtels qui marchent le mieux sont ceux du Nigeria, d’Algérie, d’Égypte, du Sénégal et de l’océan Indien. Notre établissement à Maurice est l’un de nos hôtels phares. Au Nigeria, en Algérie et au Sénégal, nous recevons surtout une clientèle d’affaires et de conventions. Dans certains pays, nos hôtels ont un véritable impact économique. Le Luxury Collection d’Addis-Abeba, en Éthiopie, a créé une véritable vie sociale autour de lui.
Vous êtes présents dans 16 pays africains, prospectez-vous dans d’autres ?
Nous prospectons en Namibie, en Tanzanie, en République démocratique du Congo, où il y a de bons signes de stabilité politique, en Mauritanie, qui a déjà un tourisme saharien de base, mais qui est en train de développer ses côtes, et au Cap-Vert, un pays émergent qui veut développer le tourisme. C’est une nouvelle destination proche de l’Europe qui me fait penser aux Canaries il y a quinze ans. Nous réfléchissons à un retour sur l’Angola, que nous avons quitté en 2005. La Libye est intéressante, avec des côtes méditerranéennes à développer, comme en Algérie, à deux-trois heures de vol de l’Europe et avec des potentialités de loisirs et de baignade. Nous sommes intéressés à développer notre secteur et apporter notre savoir-faire s’il y a une volonté politique réelle, et pas théorique, menée avec des actions, comme au Sénégal, qui a fait beaucoup d’efforts, ou en Gambie, qui a lancé récemment une campagne de publicité sur CNN.
Que manque-t-il à l’Afrique pour réussir dans le tourisme ?
Outre la stabilité, il lui manque des réseaux routier et aérien fiables, une génération d’employés qualifiés, car, très souvent, on part de zéro. Pour développer un tourisme fiable et continu, il faut des infrastructures : les hôtels de qualité que nous présentons, des écoles hôtelières, des facilités de visa et des facilités d’immigration pour les cadres, un accès facile au pays Il faut aussi des objectifs précis sur le nombre de touristes voulus et, surtout, la volonté politique avec de gros budgets marketing sur des destinations, ce qui aide l’hôtellerie par la suite.
Comment évolue votre activité en Afrique et quelle est votre stratégie à venir ?
Depuis dix ans, le groupe a acheté et vendu plusieurs fois. Nous sommes passés de 9 à 42 hôtels en Afrique. Il y a beaucoup de potentiel. Notre objectif est d’ajouter 5 à 6 hôtels par an à notre actif. Le continent est aujourd’hui le seul endroit dans le monde où il y a un tel potentiel de développement. C’est un terrain vierge pour les nouvelles constructions. Nous avons d’ailleurs plusieurs ouvertures prévues pour fin 2006-courant 2007 : un établissement en Gambie et à Casablanca, trois en Égypte, deux au Nigeria, un dans le Kruger Park en Afrique du Sud et un à Lagos en 2008.

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Martine Santos « L’Afrique reste une terre d’aventure »
Martine Santos est directrice des ventes de Secrets, la branche haut de gamme du célèbre tour-opérateur Jet Tours. Ce nouveau venu dans le club très fermé des voyagistes de luxe est né en novembre 2004 et propose neuf destinations en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne et dans l’océan Indien. Il propose à une clientèle huppée, majoritairement française et francophone (Belgique, Suisse, Luxembourg), de luxueux voyages sur mesure, à la carte et en individuel.

Jeune Afrique : Quelle est la place de l’Afrique dans votre offre globale ?
Martine Santos : L’Afrique tient une place importante dans notre brochure, qui propose quatre zones. Les deux zones les plus importantes en termes de demandes sont le Nord, avec les Canaries, la Sardaigne, la Grande-Bretagne, la Grèce ; et l’Ouest, avec les États-Unis, la Polynésie, les Antilles, les Bahamas. Viennent ensuite l’Afrique, l’océan Indien et le sultanat d’Oman, avec neuf destinations, puis l’Est et l’Asie, avec huit destinations.
Les destinations africaines qui marchent le mieux ?
Maurice et le Maroc ont eu d’excellents résultats cette année. À Maurice, nous proposons six hôtels, ce qui est beaucoup, pour des séjours de type balnéaire. Chaque établissement a une âme et ressemble à une clientèle particulière. Il en est de même aux Seychelles, où nous proposons trois hôtels. Nous n’avons qu’une seule adresse à Madagascar pour le moment. Nous enregistrons une percée timide sur cette destination inédite qui s’adresse à une clientèle avertie et à des touristes un peu « aventuriers », car l’infrastructure hôtelière n’y a pas encore sa vitesse de croisière. En Afrique australe, les séjours combinés safari et balnéaire, entre la Tanzanie et le Kenya ou entre l’Afrique du Sud, le Botswana et le Mozambique, ont beaucoup de succès.
Et le Maroc ?
C’est une destination très à la mode qui a l’avantage d’offrir un accueil très haut de gamme, une cuisine délicieuse et des possibilités de shopping et l’exotisme. Ce pays offre aux Européens un dépaysement total à seulement trois heures d’avion de Paris. Nous nous démarquons en proposant des établissements différents de ce que l’on voit ailleurs, notamment trois riads originaux et exclusifs à Marrakech.
Faire du haut de gamme sur le continent, c’est possible ?
Oui, bien sûr, mais pas sur toutes les destinations
Comment s’est effectué le choix de vos destinations africaines ?
Certaines ont des connotations plus luxueuses que d’autres. Nos critères sont la qualité du parc hôtelier, les capacités d’accueil, la qualité du service et du transport aérien. C’est un tout. Il faut pouvoir acheminer le client, l’accueillir, le transporter dans des véhicules appropriés. Il faut qu’il se sente en totale sécurité dans le pays en question. Nous avons des correspondants auxquels nous sous-traitons le choix, très rigoureux, des prestataires. C’est très important car nous vendons des destinations qui sortent du lot.
Comment voyez-vous l’avenir de votre activité sur le continent ?
Je le vois très bien ! Nos chefs de produit ont fait le tour des établissements haut de gamme et notre nouvelle brochure, qui sortira à la fin de l’année, proposera de nouveaux choix d’hôtels sur nos destinations existantes.
Quels sont, selon vous, les atouts du tourisme africain ?
L’Afrique reste une terre d’aventure. Elle a pour elle ses paysages grandioses et la diversité de ses cultures, qui apportent un dépaysement total. L’Afrique est aussi une terre « qui sent bon » ! Après une grosse pluie, il y a des senteurs merveilleuses !
Et les freins à son développement ?
Les principaux problèmes sont les lignes aériennes, les infrastructures et la sécurité. La clientèle accepte de gérer un risque naturel, comme un tsunami, mais pas un risque humain. L’Afrique aujourd’hui s’adresse à un touriste de qualité, qui a l’habitude de voyager, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. Il y a quinze ans, on vendait la Sierra Leone, avec un très bel hôtel dans Freetown, où les transferts se faisaient par hélicoptère. Aujourd’hui, cette destination n’existe plus. Il faut toujours faire attention, car l’Afrique peut basculer du jour au lendemain.

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