4 hommes en danger

Les dirigeants irakien, israélien, afghan et pakistanais sont en difficulté. Leur point commun ? Chacun d’entre eux est un allié – de longue date ou récent – des États-Unis

Publié le 18 septembre 2006 Lecture : 4 minutes.

A Islamabad, à Kaboul, à Bagdad et à Jérusalem, quatre chefs de gouvernement se trouvent dans une situation très difficile, dont ils pourraient avoir bien du mal à se sortir, en grande partie à cause de leur alliance avec les États-Unis.
En Irak, le Premier ministre Nouri al-Maliki se heurte à un mélange explosif de séparatisme et de communautarisme, dont le dernier rapport du Pentagone reconnaît enfin qu’il s’agit d’une guerre civile. Le pays est déchiré par une série de massacres. Les affrontements entre sunnites et chiites sont aujourd’hui plus nombreux et plus meurtriers que les attentats contre les forces de la coalition. Le Kurdistan irakien a pris ses distances et n’a jamais été plus près d’une indépendance de facto. Le drapeau irakien, qui flottait à côté du drapeau kurde sur les bâtiments publics, a été supprimé par un décret officiel.
Washington avait espéré créer un État fédéral démocratique, proaméricain (et pro-israélien), sur les ruines de l’autocratie unitaire de Saddam Hussein. Au lieu de quoi il a détruit un grand pays arabe et introduit un virus d’instabilité et de violence qui menace d’infecter toute la région. Les États-Unis eux-mêmes courent le risque d’un désastre stratégique, à la fois politique et militaire, qui n’est pas sans rappeler leur échec au Vietnam, il y a une génération.
En Israël, une vague de critiques et de mécontentement menace de chasser du pouvoir le Premier ministre Ehoud Olmert et de faire éclater sa majorité de coalition. La guerre destructrice qu’il a menée contre le Hezbollah au Liban – préparée et menée de connivence avec les États-Unis – a plongé l’État hébreu dans une grande agitation politique et des interrogations déchirantes. Les piliers de la politique étrangère et de la politique de défense israélienne ont été fortement ébranlés, ainsi que le mythe de l’invincibilité de l’armée. Bien que le Liban ait été détruit et qu’il faille prévoir des années pour le reconstruire, les principaux bénéficiaires sont l’Iran, la Syrie et le Hezbollah, toujours invaincu.
À Washington comme à Jérusalem, on se pose des questions pour savoir qui a entraîné qui dans la guerre. Certains Américains de bonne foi commencent à s’interroger sur l’influence du lobby pro-israélien sur la politique américaine.
À Kaboul, le président Hamid Karzaï, sorti de l’ombre et installé au pouvoir par les États-Unis et l’Occident, perd déjà l’appui de la population. On suppute qu’il n’ira pas au bout de sa quatrième année et demie de pouvoir. Largement accusé de corruption, son gouvernement n’a apporté ni la sécurité, ni la renaissance économique, ni une administration efficace. Même Kaboul n’est plus une ville sûre.
Les talibans ont reconstitué leur force politique et militaire, en particulier dans les provinces du Sud, de Kandahar, d’Ourouzgan et de Helmand. À la grande surprise de l’Otan et des forces américaines, ils ont réussi à déployer des bataillons de 400 hommes lourdement armés, malgré l’écrasante présence aérienne des États-Unis. L’insurrection a fait plus de 1 000 morts cette année, et les combats ont augmenté d’intensité cet été. Il y a eu en 2006 près de 60 attentats-suicides, alors qu’il n’y en avait eu aucun l’an dernier.
En août et en septembre, la Force d’assistance et de sécurité internationale dirigée par l’Otan et commandée par le général britannique David Richards a pris le relais dans les secteurs sud et est de la coalition dirigée par les États-Unis. Mais les affrontements sont quotidiens dans les provinces où les bandits de grand chemin, les seigneurs de guerre, les trafiquants de drogue et les chefs tribaux font cause commune contre Karzaï et ses protecteurs occidentaux.
La politique du général Richards est d’essayer de conforter l’autorité du gouvernement plus par le développement économique et social que par les opérations de guerre. Vingt-trois équipes de reconstruction commandées par des militaires sont à l’uvre dans les provinces. Mais les talibans ne leur feront pas de cadeaux.
À Londres et à Washington, certains responsables croient que cette guerre est déjà perdue. Pendant ce temps, la production afghane de stupéfiants continue de prospérer. Elle est estimée à 3 milliards de dollars par an et fournit 90 % de l’héroïne vendue en Europe.
Au Pakistan, le président Pervez Musharraf est en butte aux attaques des opposants islamistes chez lui, de personnalités politiques en exil telles que l’ex-Premier ministre Benazir Bhutto, et des services de sécurité britanniques, qui voient un lien entre le Pakistan et les jeunes Britanniques d’origine pakistanaise qui ont perpétré des attentats terroristes à Londres et, tout dernièrement, ont été accusés d’organiser un complot pour faire sauter des avions reliant Heathrow, l’aéroport londonien, aux États-Unis.
Le président George W. Bush continue de considérer le Pakistan comme un allié de premier rang dans la lutte contre le terrorisme. Il a choisi de fermer les yeux sur les pratiques peu démocratiques de Musharraf et de pardonner au Pakistan la vente clandestine de technologie nucléaire militaire parce qu’il a besoin de l’armée pakistanaise pour surveiller la frontière afghane. Plus de 70 000 soldats pakistanais ont été envoyés combattre les militants islamistes dans des zones tribales du Waziristan, mais la région est loin d’être pacifiée. D’autres estiment que le Pakistan est le principal foyer du djihad mondial ainsi que de la prolifération nucléaire (via l’ancien réseau d’Abdul Qadeer Khan). Certains observateurs pensent même que l’armée et les services de renseignements pakistanais ne mettent pas une ardeur extrême à combattre le djihad.
Parallèlement, la province du Baluchistan est en crise après l’assassinat, le mois dernier, par l’armée pakistanaise du chef de la tribu baluchie Akbar Khan Boughti. Le Baluchistan est une province stratégique à la frontière de l’Iran, de l’Afghanistan et du golfe Persique. Elle fournit 45 % de l’approvisionnement du Pakistan en gaz. Cet assassinat ne peut que renforcer le désir d’autonomie des Baluchis.
Comme celui de ses homologues à Kaboul, à Bagdad et à Jérusalem, le pouvoir militaire de Musharraf à Islamabad n’est pas sans nuages.

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