Cheik Doukouré

Cinéaste guinéen installé en France depuis les années 1960, il rêve d’un retour au pays des membres de sa diaspora.

Publié le 18 septembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Son père était grand marabout auprès du « saint » Cheik Fantamadi Cherif que, dans les années 1950, les sommités de toute l’Afrique, comme Kwame Nkrumah, venaient consulter en son fief de Kankan, dans l’est de la Guinée Né en 1943, Cheik Doukouré n’aurait jamais appris à lire et à écrire le français sans l’obstination de l’instituteur Beavogui-Kekoura, un pur produit de l’École William-Ponty au Sénégal, qui sut persuader son père, fort réticent, de l’inscrire à l’école. Son argument : un proche du « saint » serait ainsi capable de correspondre avec l’administration et les personnalités formulant des demandes d’audience.

Une fois son bac obtenu à Conakry, le jeune homme choisit d’émigrer en France, devant le spectacle de son pays en train de se déliter. Mais il n’a ni papiers ni argent. Commence alors un périple de plusieurs mois : Cheik Doukouré échappe de justesse à des marchands d’esclaves, traverse la Mauritanie à dos de chameau au cur d’une caravane, manque périr carbonisé au milieu du minerai de fer, caché dans le train de Zouérate, fait de la contrebande de cigarettes pour survivre et payer les passeurs… Enfin parvenu à Las Palmas, aux Canaries, il trouve un emploi d’électricien (par bonheur, il est également titulaire d’un CAP d’électricien). Mais son objectif, c’est Paris !
Enfin arrivé dans la capitale, il entre pour la première fois de sa vie dans une salle de cinéma et c’est la révélation ! Son destin est clair : il sera acteur. Tout en assurant son quotidien grâce à un emploi de manutentionnaire dans l’usine de chaussures André, il suit des cours de lettres à la Sorbonne (il sortira licencié) et entre au prestigieux conservatoire de la rue Blanche à Paris. Là, il travaille avec les plus grands, comme Robert Hossein (célèbre pour ses mises en scène théâtrales à grands effets) ou Michel Audiard (le génial scénariste et dialoguiste des films avec Jean Gabin, Lino Ventura ou encore Bernard Blier). Mais une remarque de Jacques Deray (réalisateur de films policiers des années 1970-1980) le fait radicalement changer de cap : « Le temps n’est pas venu pour un Noir francophone de prétendre à une carrière d’acteur de premier plan. » Cheik Doukouré décide alors de devenir réalisateur. Au terme d’un nouveau périple, il tournera avec Jacques Champreux Bako, L’Autre Rive, prix Jean-Vigo en 1978. Le film relate le roman de sa vie, son épopée clandestine de Conakry à Paris, via Nouakchott.
Suivent plusieurs autres films, qui font désormais partie du patrimoine africain : Black Mic-Mac (1985), Blanc d’Ébène (1991), Ballon d’or (1994), Paris selon Moussa (2003). Pour produire ce dernier film, il crée, avec la scénariste Danielle Ryan, Les Films de l’Alliance. Paris selon Moussa remporte des récompenses importantes en 2003, prix du Meilleur acteur au Fespaco et prix des Droits de l’homme à l’Unesco.
En dépit de ses succès personnels de réalisateur et d’acteur (il est au générique de cinquante films), Cheik Doukouré se montre inquiet quant à l’avenir du cinéma africain, insuffisamment promu et mal diffusé. Le sort des Africains de la diaspora le préoccupe également. Son prochain film, L’Homme de nulle part, mettra en scène un grand professeur de droit constitutionnel d’origine africaine en proie aux angoisses du retour en Afrique après un exil doré en France où il a obtenu les plus hautes distinctions.
Cheik Doukouré milite dans un grand nombre d’associations prônant la collaboration des Africains de toute origine et de toute nationalité au bénéfice du développement. Il ne manque pas d’audace : ne préside-t-il pas les « Amitiés judéo-noires » ?
Cheik Doukouré rêve du retour à la maison des 500 000 « diaspos » (membres de sa diaspora), riches d’expérience et de talents, dont le retour en terre africaine pourrait faire basculer l’Histoire

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