Port Elizabeth, la capitale de la voiture, tourne au ralenti
Touchée par la crise des ventes de véhicules, Port Elizabeth veut croire en des jours meilleurs. Au sein de ce poumon économique, ce sont des milliers de travailleurs qui retiennent leur souffle.
Automobile : ces marques qui croient en l’Afrique
Au bout de la splendide route des Jardins, qui part du Cap, surgit Port Elizabeth, capitale de l’industrie automobile sud-africaine. Plus encore qu’ailleurs, dans ce pays où l’auto est reine, le coeur de la métropole bat au rythme de la voiture.
Leader
En quittant l’océan Indien pour s’enfoncer dans les terres, la route qui mène à la petite cité industrielle d’Uitenhage est bordée d’ateliers, de garages et de magasins de pièces détachées. À une trentaine de kilomètres de la côte, la ville évoque davantage le nord de l’Angleterre que le sud de l’Afrique. C’est ici que Volkswagen a implanté son usine en 1951 et, malgré les grèves et le climat économique morose en Afrique du Sud (croissance faible, dépréciation du rand), le constructeur n’a pas l’intention de quitter la région.
« On ne va pas tout abandonner d’un coup parce qu’aujourd’hui la croissance est plus faible »
Matt Gennrich, directeur de la communication Volkswagen
« Nous sommes leaders en Afrique du Sud, on ne va pas tout abandonner d’un coup parce que la croissance du secteur est plus faible [+ 4 % en 2013, avec 650 620 véhicules vendus]. C’est cyclique, il faut garder notre vision à long terme », explique Matt Gennrich, directeur de la communication du groupe en Afrique du Sud.
Même son de cloche chez le fabricant de pneus Bridgestone, dont l’usine est installée quelques kilomètres plus loin. « Les grèves font partie du paysage sud-africain, c’est un droit. On ne peut pas balayer le travail construit pendant des années d’un revers de main à cause de cela », s’exclame Llewellyn Bosch, responsable de la formation.
Volkswagen a joint l’acte à la parole : deux nouvelles unités de production ont vu le jour ces cinq dernières années – un atelier de peinture et un atelier de presse. Un centre de loisirs flambant neuf à disposition du personnel a également été construit fin 2013.
À l’intérieur de l’usine, c’est la fourmilière, les machines s’agitent et chaque ouvrier est affecté à une tâche précise. La mécanisation n’a pas entraîné de suppressions d’emplois : si les ouvriers ont été remplacés par des robots (quatre fois plus rapides) pour la production de la Polo, destinée à l’exportation, notamment vers l’Europe, ils ont été réaffectés à la production de la Polo Vivo pour le marché local, où la demande est plus faible. En 2013, 104 000 voitures sont sorties de l’usine et 52 378 ont été exportées. Un rebond, après la difficile période de crise que l’industrie automobile a traversée entre 2008 et 2011.
L’immense site de production s’étend sur 400 hectares et emploie plus de 4 000 personnes. C’est le plus gros employeur de la région du Cap-Oriental, qui est l’une des provinces les plus pauvres du pays.
« Partout en Afrique du Sud, quand on dit que l’on vient d’Uitenhage, les gens savent que l’on travaille chez Volkswagen », sourit Zak, salarié depuis vingt ans dans l’usine du constructeur allemand. La majorité des ouvriers viennent du township de Kwanobuhle, qu’on aperçoit au loin depuis l’usine. Près de 65 % de ses habitants travaillent pour le constructeur allemand, ce qui ne les empêche pas de vivre parfois dans des conditions précaires. Le salaire minimum est pourtant de 10 000 rands (environ 700 euros), ce qui est bien supérieur au revenu de beaucoup d’ouvriers dans le pays.
Ambassadeurs
« C’est un salaire correct, mais la province du Cap-Oriental est touchée par un très fort chômage (31 %, contre 25 % au niveau national) et il sert souvent à faire vivre toute une famille », explique Thabang Nchela, directeur régional du puissant syndicat de la métallurgie Numsa. « Ce salaire ne permet pas de posséder une maison en dur, mais il est assez élevé pour ne pas avoir à bénéficier des aides de l’État. Et il n’est pas réajusté en fonction de l’inflation réelle », ajoute-t-il. Volkswagen n’est pas le seul constructeur implanté dans cette zone. General Motors est arrivé le premier, dans les années 1920, suivi par le fabricant de pneus Firestone (devenu Bridgestone), en 1931. Continental et Ford ont aussi leur usine dans la métropole, et Mercedes-Benz possède un site de production à East London, au nord de la province. « Dans les années 1930, la main-d’oeuvre et le terrain étaient moins chers ici que dans le reste du pays », rappelle Llewellyn Bosch, de Bridgestone.
Aujourd’hui, l’industrie automobile emploie plus de 10 000 personnes dans l’agglomération de Nelson Mandela Bay, qui regroupe Port Elizabeth et ses environs. « Cette industrie est le poumon économique de la province. Nous sommes dépendants de ces entreprises. Mais elles y trouvent aussi leur avantage, car ici, la main-d’oeuvre est moins chère qu’à Johannesburg et d’aussi bonne qualité », affirme Anele Qaba, directeur du développement économique de la métropole. Pour les pouvoirs locaux, il est essentiel de préserver ce grand pourvoyeur d’emplois. « Nous sommes là pour rassurer les investisseurs, car ces entreprises sont les ambassadeurs de la région. Par exemple, nous allons agrandir le terminal du port utilisé pour le transport des voitures », ajoute-t-il.
Concurrence
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La vigilance des pouvoirs publics est d’autant plus grande que l’Afrique du Sud craint la concurrence des autres pays émergents, notamment des pays asiatiques, où la main-d’oeuvre est encore moins chère. Avec ses 36 000 salariés, l’industrie automobile compte pour 7,3 % du PIB. Elle est devenue un secteur clé de l’économie nationale et de celle de Port Elizabeth en particulier.
L’an dernier, le gouvernement a mis en place un programme de soutien. Gel des taxes sur les importations, réductions d’impôts pour les entreprises qui produisent plus de 50 000 véhicules par an, crédit d’impôt pour la production locale de pièces détachées… L’objectif : doubler la production d’ici à 2020 en passant de 550 000 à 1,2 million de voitures par an. Un chiffre qui semble difficile à atteindre car la reprise reste timide.
Optimisme
« Pour remplir cet objectif, il faudrait qu’au moins un ou deux nouveaux constructeurs viennent s’implanter dans le pays. Des études de faisabilité sont menées par certains constructeurs en ce moment même », précise Nico Vermeulen, directeur du syndicat des constructeurs automobiles d’Afrique du Sud (NAAMSA). En attendant, les industriels veulent rester optimistes et misent sur l’émergence de la classe moyenne noire. « Le marché sud-africain n’est pas arrivé à maturation, il reste beaucoup d’opportunités ici. Mais le moment voulu, il est évident que Port Elizabeth représentera une base stratégique pour attaquer d’autres marchés sur le continent », conclut Matt Gennrich.
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