[Tribune] La crise du coronavirus doit pousser l’Afrique à prendre son indépendance

En pleine pandémie de Covid-19, Paul K. Fokam s’insurge contre les appels à l’aide internationale de certains dirigeants du continent. Le fondateur d’Afriland First Bank plaide pour la recherche de solutions africaines.

Campagne de sensibilisation au sujet du coronavirus par des volontaires de la Croix-rouge sénégalaise, à Dakar, le 18 avril 2020. © Sylvain Cherkaoui/AP/SIPA

Campagne de sensibilisation au sujet du coronavirus par des volontaires de la Croix-rouge sénégalaise, à Dakar, le 18 avril 2020. © Sylvain Cherkaoui/AP/SIPA

Paul Kammogne Fokam © Bruno Lévy pour JA
  • Paul K. Fokam

    Paul Kammogne Fokam est le fondateur du groupe Afriland First Bank.

Publié le 12 mai 2020 Lecture : 3 minutes.

La crise du coronavirus est une épreuve mondiale historique. Je n’ai pas souvenir d’une épreuve qui ait touché presque tous les continents dans un temps aussi court et déstabilisé à un tel point la science et l’économie.

La pandémie n’a pas dit son dernier mot, mais, déjà, nous sommes appelés à tirer les premières leçons qui en découlent. La crise a ceci de positif qu’elle rappelle à l’humanité une vérité simple que nous bafouons : l’égalité entre les hommes, quelle que soit la couleur de leur peau, et entre les nations, puissantes et faibles.

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Cela suffit aujourd’hui à nous pousser à trouver des solutions fraternelles, à accentuer la solidarité mondiale et à réduire les conflits politiques, économiques et sociaux à leur plus simple expression. Il est souhaitable que les solutions apportées par toutes les nations s’inscrivent dans la préservation du présent et la protection du futur.

Retrouver notre dignité

Pour l’instant, je suis étonné par l’attitude de certains princes africains qui, au lieu de réunir les intelligences du continent pour trouver des solutions locales, agissent comme des suppliants… assis sur une mine d’or.


C’est ainsi qu’on a vu des appels au moratoire temporaire de la dette, aux aides budgétaires, aux aides alimentaires… Ces solutions permettront peut-être de joindre les deux bouts pour quelques jours, voire quelques mois, et sauver des vies menacées. Mais il ne faut pas oublier que les épidémies sont un phénomène cyclique. Ce qui impose des solutions à court, moyen et long termes.

Tant que nous n’aurons pas un tissu industriel consistant, nous resterons à la merci de chaque crise

L’Afrique doit dès aujourd’hui mettre sur pied, de façon globale et à l’échelle de chaque pays, des solutions internes à très court terme, en acceptant les conséquences dommageables sur la population la plus vulnérable. Il s’agit en l’occurrence, pour la dignité du peuple africain, de rechercher des solutions endogènes auxquelles viendront s’ajouter des bonnes volontés externes, dans le respect mutuel et non par pitié.

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L’Afrique doit ensuite mettre un accent particulier sur les solutions durables de moyen terme, non seulement pour garantir la sécurité de ses citoyens, mais surtout pour rétablir leur dignité. Il est urgent de changer d’attitude vis-à-vis du secteur informel, généralement considéré comme une calamité sociale. Celui-ci doit reprendre son rôle de centre de « formation sur le tas » des futurs entrepreneurs du secteur formel, qui vont prendre en main le processus de création de richesses.

Réduire notre vulnérabilité

L’Afrique doit enfin, à long terme, consolider les acquis des deux précédentes étapes, pour s’assurer une indépendance relative. Du fait de leurs structures extraverties, les économies africaines sont vulnérables aux crises déclenchées sous d’autres cieux. Réduire cette vulnérabilité est le défi de long terme.

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Il faut profiter de ce qui nous arrive aujourd’hui pour se concentrer sur la confection d’un véritable tissu productif local, tous secteurs confondus : agroalimentaire, textile, matériaux de construction, automobile, etc. Tant que nous n’aurons pas un tissu industriel consistant, nous resterons à la merci de chaque crise.

Puisque la catastrophe a sévi dans le secteur de la santé, il faut par ailleurs promouvoir des industries pharmaceutiques transformant les plantes locales ou exploitant des licences tombées dans le domaine public. De même, il faut mettre l’accent sur la formation du personnel de santé et la construction d’infrastructures médicales d’accueil et de prise en charge des patients.

Enfin, tout ceci nous impose de réinventer nos systèmes éducatifs, pour les mettre au niveau des défis du futur.

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