10 mesures pour aider l’Afrique à s’aider elle-même

Donner au continent les moyens de se prendre en charge n’est pas seulement une affaire d’argent. La preuve

Publié le 18 juillet 2005 Lecture : 4 minutes.

L’Afrique ne doit pas se laisser enivrer par les promesses de l’argent facile. Au lieu d’augmenter les montants de l’aide internationale, le G8 ferait aussi bien de l’encourager à se prendre en charge en appliquant dix mesures simples qui ne coûtent rien, ou presque.

1. Libérer le savoir Le prix des livres est tellement élevé en Afrique qu’il constitue un véritable impôt sur le savoir, qui est l’un des moteurs du monde moderne. D’où notre première proposition : inviter les éditeurs des pays riches à confier une part raisonnable de l’impression d’une publication à leurs confrères africains. Si, en outre, ils leur font grâce des droits d’auteur, ces ouvrages coûteront cinq fois moins cher localement. Les livres ne s’en vendront pas moins bien sur leurs marchés actuels, et leur lectorat s’en trouvera élargi.
2. Imposer la fuite des cerveaux À Birmingham, au Royaume-Uni, il y a plus de médecins originaires du Malawi qu’il n’y a de médecins dans le Malawi tout entier. Et il n’y a aucune chance qu’ils se laissent convaincre de revenir chez eux, dans l’un des pays les plus pauvres au monde. Ces professionnels, et autres dentistes, ingénieurs ou avocats émigrés, devraient payer un visa d’expatriation à leur pays natal. L’argent ainsi récolté serait ensuite utilisé pour combler les manques dans l’activité qu’ils auraient pu exercer sur place.
3. Réformer le chocolat Doubler la quantité minimale de cacao que doit légalement contenir le chocolat aura une conséquence immédiate sur les prix de la fève, et donc sur les économies de la Côte d’Ivoire et du Ghana. En outre, le chocolat n’en sera que meilleur.
4. Professionnaliser la musique
Grand succès africain à l’exportation, la musique a besoin d’une meilleure assise professionnelle. Pour accroître ses débouchés commerciaux, il faut créer un « Nashville africain », un haut lieu de la musique de qualité tout autant qu’un centre de formation des agents artistiques et des jeunes musiciens.
5. Promouvoir les produits Plusieurs années ont été nécessaires pour convaincre les agriculteurs d’Afrique de l’Est d’utiliser des emballages modernes pour vendre leur café à l’international. Mais le savon à l’huile de palme du Congo est encore emballé dans du papier journal. Et les mangues cultivées en Ouganda se dessèchent sur les arbres faute de main-d’oeuvre pour les cueillir et les exporter. Les Marks & Spencer et Walmart du monde entier pourraient faire bénéficier les distributeurs africains de leur expertise en matière de commercialisation et de distribution.
6. Mettre les ONG en concurrence Depuis les années 1960, les organisations non gouvernementales (ONG) se sont tellement multipliées en Afrique que certaines sont devenues très puissantes, voire irresponsables. Il est nécessaire que les services qu’elles rendent deviennent compétitifs et qu’elles travaillent en liaison étroite avec le secteur privé. Les contrats d’équipements ou d’infrastructures signés par les grandes entreprises devraient inclure une part de travaux d’intérêt général, dont la réalisation serait confiée aux ONG à l’issue d’un appel d’offres.
7. Multiplier les contrats public-privé Au Kenya, la route Nairobi-Mombasa est dans un triste état, et elle n’est pas la seule sur le continent. Pourquoi ne pas en faire un projet modèle ? Elle pourrait être réhabilitée dans le cadre de ces contrats BOT (Build, Operate and Transfer), qui associent les autorités publiques et le secteur privé. Les premières garantissent la stabilité de l’environnement économique et le second prend en charge l’investissement (Build), exploite l’installation pour son compte (Operate), le temps de rentrer dans ses fonds, avant d’en transférer la propriété à l’État.
8. Conditionner l’aide à l’amélioration du climat des affaires L’une des raisons de l’insuffisance des investissements étrangers en Afrique, hormis dans les mines et le pétrole, se trouve dans un rapport récent de la Banque mondiale. Il est dix fois plus long de créer une entreprise au Kenya qu’à Hong Kong. Cinq démarches sont nécessaires, au lieu de deux. Les mêmes difficultés se retrouvent ailleurs sur le continent dès lors qu’il s’agit de créer une activité, d’acheter ou de vendre un bien immobilier, ou de recouvrer des dettes. Il suffirait de réformer ne serait-ce qu’une seule des étapes de ces processus inefficaces pour améliorer l’environnement des affaires tout en réduisant les risques de corruption.
9. Détaxer l’informatique Les privatisations, la libéralisation des marchés, un secteur privé florissant et la démocratie vont de pair. L’informatique est un maillon aussi indispensable à ce dispositif que la roue l’est à la brouette. De même qu’il n’y a pas de brevet sur la roue, il ne doit pas y avoir de droits d’utilisation de logiciels. En échange, les pays africains devraient lever leurs restrictions à l’importation d’ordinateurs.
10. Introduire une taxe équitable sur le café L’importation de cerises de café dans nos pays est trois fois moins taxée que celle de café torréfié. Ce simple principe définit tout un système de taxation dont le résultat est que moins de 0,2 % du prix de vente du produit fini revient au cultivateur de la graine… Réformer ce système aurait des effets bénéfiques immédiats sur les agriculteurs africains et leurs familles, soit 60 millions de personnes qui tirent leurs moyens d’existence du seul fruit du caféier.

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