Les règles de la guerre

Publié le 18 juillet 2005 Lecture : 2 minutes.

C’est une analyse séduisante que j’entends assez souvent de la bouche d’intellectuels arabes et musulmans de qualité, qui ne sont pas des islamistes : « Le terrorisme des djihadistes et de la nébuleuse d’al-Qaïda, duquel participe l’attaque de Londres, n’est qu’un aspect d’un conflit général, et ancien, entre les pays qui ont envahi l’Irak et une relativement authentique résistance arabo-musulmane. Dans cette bataille, il n’y aurait pas de « morale », et les crimes des djihadistes, qui visent essentiellement des civils, ne seraient ni plus ni moins horribles que les crimes indéniables des forces d’occupation anglo-américaines en Irak : le nombre de civils irakiens tués, le goulag de Guantánamo, le scandale d’Abou Graib, les mensonges éhontés à l’origine de la guerre, la violation répétée des conventions de Genève… »
« On se bat, continuent les défenseurs de cette thèse, avec les moyens du bord. Ces moyens, y compris le terrorisme, peuvent être efficaces. Ça c’est déjà vu dans l’histoire. Aujourd’hui, l’Espagne s’est retirée d’Irak. Tony Blair, l’homme fort de l’Europe, sera immanquablement déstabilisé par les attaques au coeur de sa capitale. L’Italie cherche une sortie. Même les États-Unis ont déjà mis en route des plans d’évacuation, en quelque sorte… »

Je comprends ce qu’il y a derrière cette thèse : les États-Unis et l’Angleterre payent leur arrogance et les conséquences d’une occupation scandaleuse. Et l’on ne peut tendre indéfiniment l’autre joue, lorsqu’on vous attaque, on vous humilie, on vous occupe… Mais je n’adhère pas aux conclusions qui me semblent dangereuses et ne mènent nulle part.
La nébuleuse al-Qaïda a déjà prouvé par le passé que son objectif n’est pas de défendre la souveraineté de tel ou tel pays arabe soumis à une agression occidentale. Le but des « benladenistes » est de restaurer une très hypothétique Oumma, totalitaire dans sa nature, une sorte de califat mystique gouverné par un rigorisme religieux maximal. L’Irak ou la Palestine ou l’Afghanistan ne sont que des prétextes. D’ailleurs, des musulmans, des Arabes sont eux-mêmes victimes de la terreur (Indonésie, Maroc, Tunisie, civils irakiens…).
Chaque action terroriste marginalise un peu plus les musulmans et les Arabes réformateurs qui militent pour plus de démocratie, plus de croissance économique, plus de justice sociale. Chaque attentat renforce les extrémistes, mais aussi, à l’autre bout du spectre, les régimes autoritaires qui peuvent ainsi justifier leur immobilisme. Chaque attentat enferme un peu plus les Arabes et les musulmans dans leurs frontières. Chaque attentat éloigne un peu plus les Arabes de l’objectif primordial : le développement d’un monde de 300 millions d’habitants, riche en ressources, pauvre en résultats et pauvre en libertés.
Je sais évidemment que la guerre d’Irak est une grande arnaque néocoloniale de plus. Je sais que ce qui se passe chaque jour à Bagdad, en Palestine ou ailleurs ressemble à ce qui s’est passé à Londres. Je sais que tout est perversement lié. Mais je refuse de toute ma civilisation et de toute mon humanité cette logique de la justification. Ce que « eux », les Occidentaux, font ne fera pas de moi l’allié plus ou moins tacite de l’obscurantisme et du terrorisme.

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