Karim Ziad : « L’art gnaoua sonne comme un retour à la nature »

Publié le 19 juillet 2005 Lecture : 2 minutes.

Ex-batteur de Cheb Mami, Karim Ziad est depuis 2001 coprogrammateur, aux côtés du maalem Abdeselam Alikane et de Loy Ehlrich, du festival d’Essaouira.

Jeune Afrique/l’Intelligent : Quand êtes-vous venu à la musique gnaoua ?
Karim Ziad : Quand j’avais 3 ans ! On fixe peu de choses à cet âge-là. Mais, moi, je me rappelle deux choses : ma circoncision et ma première rencontre avec les Gnaouas. C’était à Belcourt, un quartier populaire d’Alger où habitait ma grand-mère. Les musiciens rentraient dans les cours des bâtiments et jouaient. Et dès que j’entendais les sons graves des tambours et des quarqabous (crotales) approcher, je dégringolais les escaliers et je les attendais. Et quand ils repartaient, je les suivais. Ma grand-mère devait toujours envoyer quelqu’un me récupérer sinon je partais avec eux ! Voilà donc mon premier contact avec les Gnaouas. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours écouté cette musique, mais c’est en rejoignant l’Orchestre national de Barbès en 1989 que j’ai commencé à en jouer.

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J.A.I. : Le festival d’Essaouira a-t-il influencé l’évolution de la musique gnaoua ?
K.Z. : Indéniablement. Certains considèrent cette influence comme positive, d’autres la juge négative, car quelque part ce festival a favorisé la divulgation des secrets de l’art gnaoua. Prenons le cas de la salsa par exemple : cette musique comporte une partie sacrée, le yorouba, dont les secrets n’ont encore jamais été dévoilés. En même temps, le yorouba est appelé à se figer, et donc à être oublié par les générations futures.
En ce qui concerne l’art gnaoua, les lois traditionnelles sont enfreintes depuis un certain temps déjà. Dès que les esclaves gnaouas ont été affranchis, certains d’entre eux se sont mis à jouer du guembri (luth-tambour) et des quarquabous en dehors des cérémonies rituelles. Les tabous ont alors commencé à tomber. Au départ, les morceaux sacrés chantés pendant les rituels n’étaient pas joués sur scène ou dans les rues. Au fur et à mesure que les musiciens ont donné des concerts à l’étranger, leur vision a évolué et ils ne se sont plus contentés de jouer la partie profane (kouyou). Au fil des ans et des tournées internationales, ils ont eu envie de faire découvrir le répertoire sacré (les mlouks) à leur auditoire. Il me semble que cette évolution est préférable à un enfermement et à une extinction.

J.A.I. : Comment expliquez-vous l’engouement pour la musique gnaoua tant du côté du public que chez les musiciens d’horizons divers ?
K.Z. : La musique gnaoua est assez magique. Peut-être aide-t-elle à exorciser et extérioriser certaines pulsions négatives. Je ne sais pas expliquer ce phénomène. C’est un sentiment très étrange. Le bruit des tambours sonne comme un retour à la nature. Pour moi, la musique gnaoua est à l’origine de la musique. Quand j’écoute ces morceaux, j’ai l’impression de les avoir déjà écoutés, mais pas dans cette vie-là, dans une autre. Dans notre sang circule notre mémoire, mais aussi celle de nos ancêtres. Si on écoute des chansons qui nous émeuvent sans que l’on sache pourquoi, c’est notre sang qu’il faut questionner.

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