Jean-Marie Guéhenno

Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix

Publié le 18 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

« La guerre, c’est la mort des autres. On ne la laisse durer que parce que ce sont les autres qui la font et qui en meurent », écrivait Jean Guéhenno. Comme pour prendre le contre-pied de son académicien de père, Jean-Marie Guéhenno se consacre, depuis près de cinq ans, aux opérations de maintien de la paix (OMP) au sein de l’Organisation des Nations unies. Avec dix-huit missions en cours à travers le monde, dont les trois quarts en Afrique, ce département compte actuellement un effectif de 80 000 hommes, dont 80 % de militaires. Il affrète simultanément environ 150 avions et hélicoptères sur les cinq continents et transporte chaque année un demi-million de personnes et plus de 500 000 tonnes de fret. Mais cette force de projection – la deuxième au monde après celle du Pentagone – reste soumise à la participation des États membres de l’ONU.
Doté d’un budget annuel de 4,5 milliards de dollars, les OMP sont financées essentiellement par l’Union européenne (40 %), les États-Unis (27 %) et le Japon (20 %). En revanche, les fournisseurs de troupes sont principalement les pays du Sud. Cette division des tâches entre les États qui signent les chèques et ceux qui envoient des hommes au front n’est pas souhaitable, estime Jean-Marie Guéhenno : « Ce schéma doit évoluer, car il risque de déresponsabiliser tout le monde. La communauté internationale doit se sentir engagée par les décisions qu’elle prend. »

Nommé le 1er octobre 2000, ce haut fonctionnaire français de 56 ans affiche un CV pour le moins éloquent. Diplômé de l’ENA et de l’École normale supérieure, il a notamment occupé les fonctions d’ambassadeur auprès de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) de 1993 à 1995, avant de présider l’Institut des hautes études de la Défense nationale (Ihden). Mais c’est surtout comme chef du Centre d’analyse et de prévision du ministère français des Affaires étrangères, qu’il a dirigé de 1989 à 1993, qu’il s’est familiarisé avec les situations d’urgence.
Depuis sa nomination, les OMP n’ont cessé de se développer. Et plutôt que de maintien de la paix, Guéhenno préfère parler de reconstruction. « Il ne s’agit pas seulement d’être un rempart contre le chaos, mais de mettre en oeuvre des stratégies de sortie de crise », explique-t-il. Le secrétaire général adjoint se veut confiant, y compris pour l’Afrique. Certes, 75 % des opérations se déroulent sur ce continent, signe d’une instabilité persistante. Mais il préfère y voir au contraire la traduction d’une certaine embellie : « Si nous déployons des troupes, c’est que les perspectives de paix se précisent. Ainsi, la rébellion n’est plus une menace en Sierra Leone, et le Burundi est en plein processus électoral. Quant à l’accord de paix conclu entre Khartoum et le SPLA, sa mise en oeuvre pourra sans doute nous permettre de résoudre le problème du Darfour. »

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Quant à l’efficacité de ses troupes, Guéhenno est attentif aux critiques, même s’il est toujours prêt à défendre son institution. De toutes les missions déployées par les Nations unies à travers le monde, la Monuc (Mission de l’ONU en République démocratique du Congo) est certainement la plus ambitieuse. Mais aussi la plus décriée. À plusieurs reprises, des Casques bleus ont été accusés d’abus sexuels sur mineures, comme cela fut déjà le cas sur d’autres théâtres d’opérations, notamment dans les Balkans. À ce sujet, le patron des OMP se veut catégorique : « La discipline sexuelle est un problème structurel que connaissent toutes les armées du monde. Nous avons pris la mesure de ce phénomène, qui n’est pas lié à tel ou tel pays, mais qui relève d’une question de commandement. Nous avons réagi avec la plus grande fermeté. » Parallèlement aux problèmes de moeurs, la Monuc fait également l’objet de mises en cause internes. Un document accuse même les Casques bleus d’avoir échoué dans leur mission de protection des populations congolaises. Depuis leur déploiement en 1999, ils se sont vu reprocher leur impuissance à plusieurs reprises. À Kisangani, ils n’ont pu empêcher des massacres de civils. Idem à Bukavu en juin 2004, lorsqu’un groupe de soldats congolais dissidents a pris le contrôle du chef-lieu du Sud-Kivu. « Il est dangereux de disposer d’un mandat qui donne l’impression de pouvoir faire certaines choses. Surtout lorsque, comme au Congo, les attentes sont immenses, explique Guéhenno. En l’occurrence, les décisions ont été prises en fonction des moyens et des informations dont nous disposions, poursuit-il. Il est difficile de donner des leçons depuis New York. »

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