Intérêts convergents

Le prochain sommet de la Commission de l’océan Indien se tiendra à Madagascar le 22 juillet. L’occasion de resserrer les liens – pas toujours évidents – entre les cinq États qui la composent.

Publié le 18 juillet 2005 Lecture : 5 minutes.

C’est une Commission de l’océan Indien passablement renouvelée qui se réunira à Antananarivo le 22 juillet prochain (voir « Plus Madagascar » pages 51-66). Créée il y a onze ans, la composition de la COI n’a pas changé depuis 1986. Mais ceux qui la représentent au plus haut niveau sont arrivés au pouvoir plutôt récemment. Sur les quatre chefs d’État et de gouvernement attendus à Madagascar, c’est finalement le président français Jacques Chirac qui sera le doyen, à la fois en âge et dans la fonction. En effet, le président de l’Union des Comores, Azali Assoumani, n’a été élu qu’en avril 2002, quelques semaines avant l’investiture de son homologue malgache Marc Ravalomanana le 6 mai 2002, à l’issue d’une grave crise politique et institutionnelle qui l’opposa à son prédécesseur, Didier Ratsiraka. Le Seychellois James Michel, pour sa part, n’a pris les commandes de son pays que le 14 avril 2004. Vice-président de la République, il a succédé au chef de l’État France-Albert René, démissionnaire après vingt-sept ans à la tête de l’archipel. Enfin, Navinchandra Ramgoolam, le nouveau Premier ministre mauricien, n’est entré en fonctions que le 7 juillet dernier, après la victoire du Parti travailliste aux élections générales. Mais celui-ci n’est pas vraiment un inconnu, puisqu’il a déjà occupé ce poste de 1995 à 2000.
La COI est une institution relativement jeune, puisqu’elle a été fondée en 1984. Qualifiée d’organisation intergouvernementale, elle réunit quatre États souverains africains, ainsi que la France au titre de la Réunion. Contrairement aux autres institutions censées promouvoir l’intégration sous-régionale, la COI présente donc l’originalité de compter parmi ses membres un État européen. En revanche, le site Internet de la COI ne mentionne pas Mayotte, territoire faisant l’objet d’un contentieux historique entre Paris et Moroni.
Le but de la Commission est de « promouvoir le codéveloppement durable des îles du sud-est de l’océan Indien », spécifient les textes officiels de la COI, qui soulignent l’histoire commune et le peuplement partagé des États membres comme autant d’éléments fédérateurs. Mais, au-delà de cette belle homogénéité « indianocéanique », ce sont surtout les spécificités économiques et écologiques propres aux pays « insulaires et vulnérables » que la COI veut mettre en avant auprès de la communauté internationale. Une thématique sur laquelle elle a déjà marqué des points, puisque la Conférence des petits États insulaires en développement (PEID) organisée par l’ONU s’est tenue à Port-Louis en janvier dernier.
Toutefois, malgré les intérêts convergents de ses membres, la COI voit sa dynamique d’intégration freinée par l’hétérogénéité de la situation économique de ses adhérents. Sur cinq États concernés, Madagascar et les Comores appartiennent à la catégorie des PMA (pays les moins avancés), les Seychelles et Maurice à celle des PRI (pays à revenus intermédiaires), alors que la Réunion présente les spécificités des pays développés. Cette situation conduit la France à jouer un rôle prépondérant, voire hégémonique, au sein de la Commission. Mais elle permet néanmoins à celle-ci de bénéficier de l’aide des bailleurs de fonds multilatéraux, en particulier de l’UE au titre du Fonds européen de développement (FED). La Réunion étant une région européenne, la France n’est pas éligible au FED et finance donc directement sa participation aux projets de la COI.
Reste que la Commission doit partager les aides extérieures avec d’autres organisations sous-régionales poursuivant les mêmes objectifs qu’elle, mais dans un cadre élargi. C’est notamment le cas de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) et du Comesa (Marché commun de l’Afrique australe et orientale), organisations destinées à favoriser les échanges commerciaux entre leurs membres et auxquelles adhèrent les pays de la COI, excepté la France. Alors que la Commission peine à développer le commerce « indianocéanique », sa participation à une zone de libre-échange en Afrique australe se heurte au statut particulier de la Réunion, territoire relevant de l’Union européenne. Les échanges interîles restent limités : à titre d’exemple, le commerce bilatéral entre Madagascar et la Réunion représente moins de 2 % du commerce extérieur de chacune des deux îles. Alors que le département français reste largement tourné vers sa métropole, Madagascar, comme Maurice, privilégie ses relations avec les pays du Nord et l’Afrique du Sud. Nouveau leader économique de la zone, Pretoria exerce une force d’attraction de plus en plus sensible sur les îles de la COI.
Ce qui n’empêche pas la Commission de développer une coopération originale et concrète à laquelle semble désormais attaché l’ensemble de ses membres. Dans le domaine éducatif, la COI soutient notamment la création de l’université de l’océan Indien. Au plan médical, un projet régional de santé privilégie la lutte contre le sida et la médecine d’urgence. Autre domaine de coopération, la sécurité civile et la prévention des catastrophes naturelles. Appartenant à une zone à risques volcaniques et cycloniques, les pays du sud-est de l’océan Indien ont également tiré les leçons du tsunami du 26 décembre 2004 pour renforcer leurs capacités de prévention et de réaction face aux risques géoclimatiques. Veille, système d’alerte, mobilisation des secours d’urgence et aide humanitaire… la COI est en passe de se doter d’une véritable plate-forme régionale de sécurité civile fondée sur le principe de l’assistance mutuelle.
Enfin, c’est dans le domaine de la protection de l’environnement que l’on attend les initiatives les plus marquantes. Un premier pas a été franchi en octobre 2003, avec l’adoption d’un plan régional de lutte contre la pollution aux hydrocarbures par le Conseil des ministres de la COI. Ce plan prévoyait la mise en place d’une stratégie pour prévenir et traiter les pollutions marines, notamment dans le canal de Mozambique très fréquenté par les tankers. Le thème de l’environnement devrait de nouveau être en bonne place dans l’ordre du jour du 22 juillet. D’autant que les États insulaires de la zone présentent de nombreuses similitudes, tant au niveau de la faune et de la flore que pour les menaces dont elles sont l’objet. De quoi donner une raison d’être supplémentaire à la Commission de l’océan Indien.

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