Outsourcing : 260 millions d’euros de manque à gagner pour le Maroc en 2020 ?
Après un chiffre d’affaires en baisse de 30 à 40 % pour les mois de mai et juin du fait de la crise liée au coronavirus, les centres d’appels marocains tablent sur un retour à la normale pour la fin de l’année. Le point avec Otmane Serraj, le président de l’Association marocaine de la relation client.
Le secteur de la relation client au Maroc a réalisé en 2018 et 2019 une croissance de 14 %, pour atteindre un chiffre d’affaires de 14 milliards de dirhams (1,3 milliards d’euros) en 2019. Mais pour la première fois depuis des années, son activité accuse une baisse en 2020, du fait du ralentissement de l’économie mondiale lié à la pandémie du Covid-19.
Décryptage avec Otmane Serraj, le président de l’Association marocaine de la relation client, qui rassemble 17 entreprises du secteur – dont Teleperformance, Sitel, Majorel ou encore Outsourcia – soit 50 % des quelque 80 000 salariés du secteur au Maroc.
Jeune Afrique : Comment se déroule l’activité en ce moment ? Les plateaux sont-ils tous vides ?
La grande majorité des acteurs du secteur de la relation client ont eu très tôt et massivement recours au télétravail : qui représentent aujourd’hui entre 60 % et 80 % de l’activité.
Mais des contraintes techniques ou opérationnelles ont pu empêcher le transfert en télétravail de l’activité de certains collaborateurs. Dans ce cas, les plateaux ont tous mis en place des mesures de distanciation sociale, et les sites sont occupés au maximum à 40 % de leur capacité, pour permettre aux salariés de travailler en toute sérénité et en préservant leur santé.
L’AMRC a elle-même édicté une Charte de conformité sanitaire que les membres appliquent rigoureusement. Nos centres sont par ailleurs contrôlés quotidiennement par les autorités qui veillent au respect de ces exigences.
De combien est estimée la baisse de l’activité depuis le début de la crise ?
Le premier trimestre 2020 a été relativement épargné, car nous avons su réagir rapidement. Mais le deuxième trimestre sera plus durement touché, avec une baisse de chiffre d’affaires de 15 à 30 % pour avril et de 30 à 40 % pour les mois de mai et juin. La suite dépendra notamment de l’impact du déconfinement sur l’activité économique de nos clients, notamment en Europe, mais nous manquons encore de visibilité.
Nous espérons revenir progressivement à la normale au dernier trimestre de 2020, ce qui signifierait une baisse de 15 à 20 % du chiffre d’affaires annuel du secteur [soit un manque à gagner de 196 à 260 millions d’euros].
Craignez-vous que la crise entraîne des annulations de contrats ?
Nos contrats sont en général pluriannuels, ce qui nous met en partie à l’abri. En outre, la tendance générale est à l’intensification de la relation client, et c’est un domaine qui devient encore plus stratégique en période de crise.
Nos contrats prévoient en revanche une modulation de nos services en fonction des volumes d’activité, et nous avons réduit la voilure sur les opérations plus durement touchées par la crise, notamment dans le domaine du tourisme, des médias ou de l’automobile. Nous avons fait appel aux dispositions du code du travail permettant aux entreprises de temporairement réduire la durée normale du travail en cas de crise économique passagère ou de circonstances exceptionnelles involontaires, ce qui est le cas de la crise de Covid-19.
Mais nous avons aussi des clients pour lesquels l’activité reste soutenue : c’est le cas dans les domaines de la santé, des télécommunications ou de l’énergie. En période de confinement, nous jouons un rôle clé dans le maintien du lien de ces entreprises avec leurs clients.
La baisse d’activité entraînera-t-elle des suppressions d’emplois ?
À ce stade, nous anticipons plutôt un ralentissement des recrutements et le non remplacement du turnover naturel [traditionnellement très élevé dans le secteur – de 25 % à 30 % par an], avec des départs plus nombreux en période estivale.
Certains opérateurs dont les clients proviennent majoritairement de secteurs sinistrés pourront être amenés à réduire leurs effectifs, mais à ce stade, nous n’avons pas reçu d’alerte majeure dans ce sens.
En tant qu’association professionnelle, que pouvez-vous faire pour la sauvegarde de l’emploi ?
Nous avons une cellule de crise quotidienne pour assurer la sécurité sanitaire de nos collaborateurs et préserver leur sécurité financière. Nos membres se sont serrés les coudes en échangeant de manière transparente sur leurs difficultés, mais également sur leurs solutions et recommandations en matière de sauvegarde des emplois, et nous avons mis à leur disposition des experts en droit du travail.
Nous avons aussi remonté depuis la mi-mars des informations et alertes à notre ministère de tutelle, ainsi qu’à la CGEM, et fait des recommandations qui visent à préserver des emplois dans notre secteur. Nous travaillons actuellement avec les deux institutions sur le plan de relance sectoriel de l’offshoring au Maroc.
Qu’est-ce que cette crise va changer pour le secteur ?
Cette crise va engager une mutation profonde de nos modèles collaboratifs. Le télétravail va s’installer comme un nouveau modèle durable au sein de nos entreprises, avec quelques jours travaillés chez soi et d’autres sur site pour maintenir le lien et la culture d’entreprise. Pour nos clients aussi, la digitalisation va s’accélérer, et avec elle le besoin de contacts humains à distance.
En revanche, dans ce contexte de crise, nous pouvons redouter une tension plus forte sur les prix de nos prestations.
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