Dans la tourmente

Textile, vanille, crevette : les grandes filières d’exportation sont en difficulté, alors que la balance commerciale est déjà déficitaire.

Publié le 18 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Environ 8 000 licenciements. C’est le nombre des pertes d’emplois enregistrées depuis le début de l’année dans les entreprises textiles installées en zone franche à Madagascar. Six mois après, la catastrophe annoncée par le démantèlement de l’accord multifibre (AMF) n’a pas connu l’ampleur que l’on craignait. Le pays compte au moins 92 000 salariés dans les entreprises franches textiles, de loin les plus gros employeurs de l’île. Les recettes 2004 atteignaient 400 millions de dollars, dopées par l’accès préférentiel au marché américain dans le cadre de l’Agoa (Africa Growth and Opportunity Act) et par les échanges avec l’Europe dans le cadre des accords ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique). Mais, si le secteur s’est relevé de la crise politique de 2002, pourra-t-il résister longtemps à la déferlante des produits chinois ? Les avis sont partagés. Le patron du groupement des entreprises franches, Jacky Radavidra, fait preuve d’un optimisme béat : « Madagascar a encore un fort potentiel de développement, car nos avantages concurrentiels restent importants », expliquait-il en mars, tout en confirmant les licenciements. Toutefois, à la Sekrima, le syndicat chrétien des travailleurs malgaches, implanté dans plus de 50 entreprises franches, c’est le pessimisme qui domine. « Même s’ils refusent de le dire, les opérateurs ferment et s’en vont », explique Romuald Raobera, président de l’union régionale de la Sekrima, en évoquant les « charrettes » en préparation. Nicole Jobin Razanabahiny, membre du cabinet N’joy Consulting et spécialiste du secteur, pourrait bien avoir raison : « À mon avis, les entreprises textiles qui fabriquent du tout-venant sont condamnées. En revanche, je crois au développement de PME qui se spécialiseront dans le haut de gamme. À terme, on parlera plutôt d’ateliers, avec une cinquantaine d’employés, que d’usines avec des effectifs de plus de 1 000 personnes telles que nous les connaissons aujourd’hui. »
Ce qui arrive à la vanille malgache est encore plus grave. Cette filière est en train de s’effondrer, victime de sa propre spéculation. La vanille Bourbon de Madagascar est mondialement reconnue pour sa qualité. Ces dernières années, la Grande Île fournissait entre 60 % et 75 % du marché de la vanille naturelle (2 000 tonnes à l’époque), essentiellement aux États-Unis. Le choc s’est produit en 2003. Cette année-là, sous prétexte d’une mauvaise récolte, les exportateurs ont fortement spéculé. La vanille a atteint des sommets, frôlant les 500 dollars le kilo, contre 50 dollars cinq ans auparavant. Dans la Sava, région productrice située au nord-est de Madagascar, les signes extérieurs de richesse ont fleuri un peu partout. Mais, à force de se faire ainsi ponctionner, les acheteurs se sont tournés en masse vers des arômes artificiels. Une solution moins valorisante en termes marketing, mais bien plus économique. Cette bouderie a immédiatement provoqué une chute vertigineuse des prix. En 2004, Madagascar a produit 1 600 tonnes de vanille exportable et n’en a vendu que 500 tonnes à 50 dollars le kilo, alors que le marché mondial n’excède pas un millier de tonnes. Aujourd’hui, dans la région productrice, on se lamente… et on plante du riz.
Enfin, après « l’or vert », c’est au tour de « l’or rose » de connaître une certaine déprime. La crevette de Madagascar serait également en danger. Un conditionnel de rigueur, car les chiffres clés du secteur incitent toutefois à l’optimisme. L’île exporte en moyenne 15 000 tonnes de crevettes par an, la moitié de ce volume provenant de la pêche en mer et l’autre de l’aquaculture, à destination surtout de l’Europe, des États-Unis et du Japon. Ces exportations ont généré un chiffre d’affaires de 150 millions de dollars en 2004. La filière fournit environ 7 000 emplois directs. En fait, à l’échelle internationale, la crevette est effectivement en crise en raison d’une surproduction provenant des pays d’Asie du Sud-Est et d’Amérique du Sud. Le marché est saturé, et les prix ont chuté de 35 % à 50 % sur les deux dernières années. Pourtant, la crevette malgache est relativement épargnée par cette crise, contrairement aux pays producteurs de petites crevettes blanches. Car Madagascar privilégie la Black Tiger, appelée aussi camaron, plus grosse et goûteuse. Le prix au kilo de la crevette malgache se maintient entre 7 et 10 euros, alors que celui de la crevette blanche est tombé à moins de 3 euros le kilo. Les professionnels qualifient la situation de grave, mais, pour Mamy Andriantsoa, directeur de la pêche au ministère de l’Agriculture, « la crevette haut de gamme a de l’avenir ». Ce qui est certain, c’est que si un pays concurrent se lance dans l’aquaculture intensive de la Black Tiger en ciblant le marché européen, Madagascar a de quoi s’inquiéter. En effet, ses coûts de production élevés pourraient bien menacer la compétitivité de la crevette malgache.

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