Comment est protégé le droit d’auteur en Afrique ?
Question posée par Ibrahima Dia, Dakar, Sénégal
Hormis la Tunisie et le Liberia, les États africains n’ont élaboré une législation protectrice des créateurs que vers les années 1970 et 1980. Cette situation s’explique, d’une part, parce que les États donnaient la priorité à l’économie et, d’autre part, parce que les acteurs du secteur culturel, confrontés à de nombreuses autres difficultés, ne se souciaient guère de la notion de droit d’auteur. La législation des pays nouvellement indépendants était donc celle du colon…
En 1962, les pays africains décidèrent de s’unir au sein d’une organisation commune afin de promouvoir le développement du droit d’auteur et l’harmonisation de leurs législations. Accompagnés par certains organismes internationaux comme l’Ompi (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) ou l’Unesco, douze États africains francophones, réunis au sein de l’Ocam (Organisation commune africaine et malgache), ont adopté le 13 septembre 1962 un régime commun en matière de propriété littéraire et artistique, dénommé accord de Libreville. C’est à partir de cet accord qu’a été institué l’Oampi (Office africain et malgache de la propriété industrielle). Les États fondateurs, sauf la République malgache qui s’est retirée de l’Oampi, ont révisé l’accord de Libreville et créé l’Oapi (Organisation africaine de la propriété intellectuelle) par l’adoption d’une nouvelle convention signée à Bangui le 2 mars 1977, regroupant, cette fois, une quinzaine d’adhérents membres.
En 1976, le gouvernement tunisien, en collaboration avec l’Ompi et l’Unesco, a adopté une loi type sur le droit d’auteur à l’usage des pays en développement. Il s’agissait surtout d’aménager des conditions plus avantageuses pour l’application des conventions internationales. Ainsi, l’annexe de la Convention de Berne (qui reste, depuis 1886, le traité international de référence) adoptée en 1971 contient des dispositions qui permettent à certains pays de s’écarter, sous certaines conditions, des minimas de protection prévus en matière de droit de traduction et de reproduction.
Si la Convention de Berne énumère les oeuvres protégeables, définit les droits de l’auteur ou encore impose une durée de protection minimale, elle ne se prononce pas sur le formalisme contractuel relatif à la cession de droits, ainsi qu’à la validité de certaines clauses communes à tous les contrats d’édition. Elle n’a donc pu, sur ce point, servir de cadre aux législations nationales qui se singularisent par leurs dispositions en matière contractuelle. Dans de nombreux pays, les législations sur le droit d’auteur sont si ce n’est muettes, du moins très discrètes sur les contrats d’édition et, a fortiori, sur le régime juridique applicable aux coéditions transfrontalières, pourtant de plus en plus vitales à l’expansion, voire à la survie, de l’édition continentale.
Les lois sur le droit d’auteur ont toutefois souvent mis sur pied des organismes de gestion collective des droits. De nombreux pays sont actuellement dotés de « sociétés d’auteurs », qui sont en majorité des organismes publics ou semi-publics, mais aussi parfois privés, telle la Soneca en République démocratique du Congo.
Par ailleurs, plusieurs pays ont adhéré à la Convention de Berne, mais n’ont voté aucune législation en la matière. C’est le cas de la Mauritanie, du Niger ou encore du Tchad.
Un courant très fort, issu du Sud comme de pays anglo-saxons, commence à s’exprimer en faveur d’une véritable protection du folklore par la propriété intellectuelle. De telles revendications visent aujourd’hui aussi bien ceux qui entreprennent un commerce avoué sur fonds de dessins animés ou de recueil de contes et légendes, que les publications scientifiques d’ethnologues et anthropologues qui exploitent in extenso le fruit de leurs collectes.
De plus en plus de textes internationaux font désormais référence à ce nouvel aspect du droit d’auteur, dont les « dispositions Unesco-Organisation mondiale de la propriété intellectuelle » de 1985 sur la protection des expressions du folklore, la Déclaration de Mataatua sur les droits de propriété intellectuelle des peuples autochtones de 1993, etc. Et ces intentions affichées commencent à prendre forme dans plusieurs droits internes. Seule l’Afrique anglophone semble pour l’heure avoir nettement emprunté cette voie, imitant en cela ce qui se produit déjà dans certains États américains, canadiens ou en Australie. Cette nouvelle rhétorique ne manque pas de susciter des difficultés majeures, notamment pour ce qui concerne la titularité des droits sur des oeuvres qui ne sont pas toujours dues à un seul créateur, mais sont inspirées « par la tradition et le milieu social où s’inscrit l’auteur ».
Certains n’hésitent cependant plus à proclamer qu’« il existe, en matière de droit de propriété intellectuelle, une zone intermédiaire entre les droits individuels et le domaine public, national ou international », zone qui pourrait, prochainement, s’avérer être de turbulences pour les éditeurs.
* Avocat au barreau de Paris et écrivain, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle.
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