Que reste-t-il des grandes familles ?
À l’origine issues de l’aristocratie et de la bourgeoisie tunisoises, elles ont considérablement évolué avec la montée en puissance des nouvelles élites industrielles. Mais continuent de susciter jalousies et fantasmes.
En chaque Tunisien sommeille un généalogiste. Quelqu’un de « bien né » n’omettra jamais de préciser à son interlocuteur, quand il le rencontre pour la première fois, qu’il est oueld flen – littéralement : « fils de quelqu’un ». Posséder un patronyme connu et respecté ouvre bien des portes. À l’inverse, un nom un peu trop connoté « paysan » est souvent vécu sinon comme une tare, au moins comme un handicap. Même si ces hiérarchies invisibles n’ont pas la force de celles qui, par exemple, corsètent la société marocaine, les « grandes familles » tunisiennes conservent un prestige et une influence considérables.
D’ascendance noble, maraboutique ou commerçante, elles étaient, à l’origine, presque exclusivement tunisoises : c’étaient les fameux beldis. Depuis la montée en puissance des élites du Sahel, de Sfax ou de Djerba, elles se sont, socialement et géographiquement, beaucoup diversifiées. Mais elles restent très jalousées et continuent de faire fantasmer. On ne prête qu’aux riches, bien sûr, mais on leur prête sans doute un peu plus de pouvoir qu’elles n’en ont réellement. Qui sont ces grandes familles, d’où viennent-elles, quel est leur poids réel, quelles sont les limites de leur influence ?
Au commencement était la Médina Tunis a pris son essor au XIe siècle, après la prise et le pillage de Kairouan par des tribus bédouines, les Banu Hilal. Protégée par ses remparts et devenue capitale politique et religieuse de l’Ifriqiya, la ville s’enrichit grâce aux apports successifs de savants, de juristes, d’émigrés andalous chassés d’Espagne et de janissaires turcs. La galaxie des grandes familles beldies, qui a profondément influencé la bourgeoisie tunisienne, s’est figée au milieu du XIXe siècle. Elle se divise en trois groupes.
1. L’establishment religieux. Ce sont, d’une part, les dynasties de savants musulmans qui occupèrent fréquemment la fonction de mufti à l’époque malikite (Ben Achour) ou hanafite (Bayram, Belkhodja), et, de l’autre, les familles maraboutiques : Meherzi (qui descendent de Sidi Mehrez, le saint patron de Tunis), Belhassen, Azouz Arabes apparentés au Prophète, les Chérif et les Mohsen peuvent être rattachés à cette dernière catégorie, qui administrait les biens fonciers religieux, les habous, jusqu’à leur nationalisation en 1956.
2. Le noyau originel beldi. Ce sont les familles corporatives des souks. Les plus prestigieuses sont les Lakhoua et les Louzir, qui confectionnaient les chéchias, ces bonnets de feutre carmin exportés dans tout le monde arabe ; les Zenaïdis, armuriers spécialisés dans la fabrication des fûts de pistolets ; les Mebazâa et les Ben Miled, affiliés à la guilde des parfumeurs.
3. Les familles makhzen. Organiquement ou fonctionnellement, elles appartenaient à la cour beylicale, de même que celles des représentants provinciaux de l’État central, caïds ou fermiers généraux. Beaucoup sont d’origine turque ou mamelouke (Circassiens, Géorgiens) – cas des Sahab Tabaa, des Agha, des Kahia, des Caïd Essebsi, des Bach Mamelouk ou des Bach Hamba – et appartenaient à l’aristocratie militaire et à l’administration. D’autres sont arabes ou autochtones, comme les Lasram (Yéménites), les Ben Ayed (Djerbiens), leurs rivaux les Belhadj ou encore les Jellouli. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les ministres du bey ne percevaient pas de salaires, mais recevaient des ?gratifications en nature, sous forme de domaines agricoles.
L’instauration du protectorat français (1881) priva les familles mameloukes de leur raison d’être militaire et provoqua la fusion progressive (mariages) des familles makhzen et patriciennes tunisoises, pour donner naissance à une sorte de caste homogène, mais relativement ouverte : les beldis. Partageant les mêmes codes, cultivant les mêmes formes de sociabilité, ces derniers étaient reconnaissables à leur tenue vestimentaire. Vêtus d’amples djellabas, ils portaient la chéchia et la moustache à la turque, habitaient des palais ou des maisons cossues de la Médina, la ville arabe, et possédaient une résidence d’été attenante à leur senia (« domaine »), dans les environs de Tunis. Généralement monogames, ils vivaient et se mariaient entre eux. Conservateurs attachés à leurs traditions, à leur art de vivre, à leurs bonnes manières, à leur parler distingué et à leur cuisine raffinée, ils formaient l’élite de la société tunisienne du début du XXe siècle.
L’éveil de la conscience nationale. À travers les figures d’Ali Bach Hamba, fondateur, en 1907, du quotidien Le Tunisien, et du cheikh Abdelaziz Thaâlbi, un zitounien auteur du pamphlet La Tunisie martyre (1920) et fondateur, la même année, du Parti libéral constitutionnel tunisien, le « Vieux Destour », l’élite citadine tunisoise a largement contribué à l’éveil de la conscience nationale.
Le Dr Mahmoud el-Materi fut, avec Habib Bourguiba, l’un des fondateurs du Néo-Destour, en 1934, avant de siéger dans le gouvernement Chenik, à la fin des années 1940. Pourtant, la postérité a eu tendance à minorer voire à gommer cet apport. « L’Histoire est toujours réécrite par les vainqueurs, constate le Pr Saïd Mestiri, chirurgien et auteur de nombreux ouvrages, dont une célèbre biographie en deux volumes de Moncef Bey, le roi résistant (1942-1943). On a tenté d’opposer les résistants originaires du Sahel [la région natale de Bourguiba] aux notables beldis, présentés comme pusillanimes et inféodés au palais beylical. Et à l’occupant. »
Le protectorat a favorisé l’éclosion d’une très entreprenante et très agressive bourgeoisie agraire, industrielle et commerciale. À l’inverse, note l’écrivain Fayçal Bey, « l’aristocratie traditionnelle a raté sa reconversion. Elle s’est entêtée à gérer son patrimoine à l’ancienne avec des méthodes anachroniques. Ses revenus se sont effondrés, mais elle a continué à mener grand train. Son appauvrissement a commencé dès le début du XXe siècle. » Pour éviter que leurs rejetons ne se mélangent au tout-venant des conscrits, les grandes familles avaient demandé – et obtenu – que les jeunes de Tunis et de sa banlieue soient exemptés de service militaire. Ce privilège n’était étendu à d’autres qu’à la condition que ceux-ci soient titulaires du certificat d’études. Anodine en apparence, cette disposition a suscité dans toute la Régence une farouche émulation scolaire. Résultat : dès les premières décennies du XXe siècle, les Sahéliens possédaient globalement un niveau d’instruction supérieur à celui des Tunisois de souche.
Très tôt, le mouvement national a donc été le théâtre d’une vive rivalité entre élites anciennes et nouvelles. L’une et l’autre partageaient un même « logiciel réformiste », mais leurs visions à long terme et leurs modalités d’action différaient radicalement.
« Le Vieux Destour était un parti de notables, de gens biens élevés, distingués, d’arabisants formés en majorité à l’université religieuse de la Zitouna, explique un universitaire. Bourguiba et ses compagnons avaient, dans l’ensemble, un profil et des visées très différents. Issus de la petite bourgeoisie du littoral, ils étaient considérés, avec dédain, comme des Afaqiyin, ceux qui viennent de derrière l’horizon, un euphémisme servant à désigner les provinciaux. Ils avaient suivi un cursus moderne, bilingue, étaient aussi à l’aise en français qu’en arabe, cultivaient une proximité avec le peuple, lui parlaient dans sa langue, en dialectal, et avaient l’ambition de créer un grand parti de masse. »
Cette rivalité a connu son paroxysme le 2 mars 1934, lors du congrès de Ksar Hellal, qui déboucha sur la scission du Destour et le triomphe des idées bourguibistes. Elle s’est quelque peu estompée par la suite. Nombre de fils de famille ont rejoint les rangs du Néo-Destour, certains devenant même, à l’instar de Mongi Slim, Taïeb Mhiri, Béji Caïd Essebsi ou d’Ahmed Mestiri, de proches collaborateurs du futur président.
L’indépendance et les années Wassila. L’indépendance a accéléré le nivellement et l’homogénéisation de la société tunisienne. Les notables qui s’étaient alliés avec le bey pour tenter de faire obstacle à l’hégémonie destourienne, puis avaient frayé avec Salah Ben Youssef, l’ancien bras droit devenu l’adversaire de Bourguiba, ont été marginalisés. Les autres se sont fondus dans le creuset du parti-État. « Bourguiba a réussi la symbiose entre l’aristocratie ralliée au Destour et la petite bourgeoisie sahélienne », analyse le sociologue et spécialiste de la Tunisie, Vincent Geisser. En témoigne la multiplication très balzacienne des mariages entre filles de grandes familles déclassées, ou en voie de l’être, et « roturiers » politiquement influents. Le plus emblématique aura sans conteste été celui du président lui-même avec Wassila Ben Ammar.
Célébrée le 12 avril 1962, dix-neuf ans jour pour jour après leur première rencontre, leur union était tout à la fois un mariage d’amour et une alliance politique. Elle a définitivement entériné le rapprochement entre élites partisanes et grandes familles – même si Wassila était issue d’une branche relativement mineure et désargentée de la dynastie Ben Ammar. Pour Bourguiba, fils de petits notables provinciaux qui avait eu à souffrir de l’arrogance et du mépris des beldis pendant sa scolarité au collège Sadiki de Tunis, ces noces ont constitué une délicieuse revanche sociale.
Jusque-là, il avait mené une politique plutôt hostile aux beldis. Il avait, par exemple, marginalisé une personnalité aussi éminente que Tahar Ben Ammar (aucun lien de parenté avec Wassila), le premier chef du gouvernement de l’autonomie interne, qui, en 1956, fut déféré devant la Haute Cour de justice pour des motifs fallacieux. Il avait, par ailleurs, rabaissé la prestigieuse Zitouna au rang de simple faculté de théologie. Et embastillé certains de ses professeurs, sourcilleux gardiens du dogme musulman, parce qu’ils s’étaient opposés à son code du statut personnel. Mais le « Combattant suprême » était trop fin politique pour prendre le risque de s’aliéner définitivement les grandes familles
Jusqu’en 1986, Wassila Ben Ammar a exercé une influence politique considérable et en a évidemment profité pour favoriser les intérêts de son clan et de ceux de ses courtisans. Parfois, elle a usé de son pouvoir à bon escient. Elle est, par exemple, directement à l’origine de la commutation de la peine de Moncef el-Materi, le père de Sakher, actuel gendre du président Ben Ali. Âgé, à l’époque, de 24 ans, celui-ci avait été condamné à mort en compagnie de douze coaccusés pour son implication dans le complot de décembre 1962.
Dire qu’elle a systématiquement favorisé les beldis serait toutefois très exagéré. « Lors du congrès de Monastir, en octobre 1971, elle a manuvré en coulisse pour torpiller le clan des Tunisois, ces libéraux opposés à la dérive hyperprésidentialiste du régime dont les figures de proue étaient Ahmed Mestiri et Bahi Ladgham », explique Saïd Mestiri. Wassila était avant tout une femme politique. D’ailleurs, elle ne tardera pas à se disputer avec le Premier ministre Hédi Nouira, dont elle avait pourtant favorisé les desseins, à Monastir
Les années Nouira. Ce dernier a été l’artisan du tournant libéral de la Tunisie. Son nom reste attaché aux lois de 1972 en faveur de l’investissement dans les sociétés offshore, qui a permis l’essor de l’industrie textile. « Il a fait entrer la Tunisie dans l’ère industrielle, raconte un économiste. La plupart des grandes fortunes actuelles se sont constituées pendant les années Nouira. Avant, l’argent venait de la terre ou du négoce. Avec la libéralisation, de nouvelles opportunités ont surgi dans l’hôtellerie, l’immobilier, la distribution et, un peu plus tard, la finance. » L’émergence de ce capitalisme privé (et familial) n’aurait sans doute pas été possible sans la bénédiction de l’État. Exonérations fiscales, facilités d’accès au crédit bancaire, multiplication des créances douteuses : tout a été bon pour favoriser la création de ces « champions nationaux », dont beaucoup continuent de dominer l’économie.
Très dynamiques, entreprenants, solidaires aussi, les Sfaxiens et les Djerbiens ont, en une décennie, réussi à conquérir des positions extrêmement avantageuses. Dirigé par l’ingénieur sfaxien Abdelwahab Ben Ayed, Poulina (agroalimentaire, grande distribution, tourisme) est, avec ses 6 000 employés et ses 770 millions de dinars de chiffre d’affaires, le premier groupe privé tunisien. Autre success story sudiste, celle du groupe de Hichem Elloumi, spécialisé dans le câblage électrique et électronique (Chakira, Coficab). Actif dans le bâtiment et l’agroalimentaire, le groupe de Lotfi Abdennadher, ancien président du Club sportif sfaxien, a, quant à lui, intégré le Top 10 des entreprises locales.
La famille Ben Yedder, qui possède un empire avec des ramifications dans la banque (Amen Bank, ex-Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie) et l’assurance (Comar), symbolise, avec celle des Ben Jemâa (Ben Jemâa Motors, concessionnaire BMW), la réussite des entrepreneurs djerbiens. Issus d’une lignée de grands commerçants, ils ont eux aussi commencé dans l’alimentaire (pâtisseries et café Ben Yedder, café Bondin). C’est la pièce détachée automobile qui a permis à une autre famille djerbienne, les Mzabi, de prendre son essor, avant d’embrasser des activités aussi variées que le commerce, l’immobilier, la banque (participation dans l’UIB) et la minoterie. Après avoir débuté dans le négoce du sucre, le groupe Doghri, allié aux Ben Jemâa, a, quant à lui, réussi une spectaculaire diversification : Société tunisienne des engrais chimiques (Stec), assurances La Carte, hôtellerie, finance
Natif de Kairouan et patron du groupe Tunisian Travel Services (TTS), qui réalise un chiffre d’affaires supérieur à 400 millions de dinars (230 millions d’euros) dans le tourisme et l’aérien (compagnie charter Nouvelair), Aziz Miled incarne un autre modèle de réussite. Tout comme Néji Mhiri, un Sahélien de Hammam Sousse, qui dirige le groupe Meublatex. Spécialisé à l’origine (1972) dans l’ameublement, celui-ci a réalisé une belle percée dans le tourisme, grâce au rachat du groupe hôtelier El-Mouradi.
L’érosion de l’influence des beldis saute aux yeux, mais cela ne signifie pas qu’ils aient complètement disparu du paysage économique. Hédi Jilani, l’inamovible président de l’Utica, le patronat tunisien, longtemps actionnaire de Lee Cooper, descend ainsi d’une grande famille. Il a profité de l’essor du textile pour faire fortune et s’imposer comme l’un des entrepreneurs les plus dynamiques et les plus influents du pays. Authentiquement beldia, la famille de Tahar Ben Ammar conserve pour sa part de vastes domaines à la sortie nord de Tunis et possède de gros intérêts dans la banque, notamment l’Arab Tunisian Bank (ATB).
Le groupe florissant fondé par Ali Mabrouk et désormais dirigé par ses enfants (Marwan, Ismaïl et Mohamed-Ali) contrôle l’enseigne Monoprix et l’hypermarché Géant. Il s’est aussi taillé un empire dans l’agroalimentaire (confiserie, biscuits Saïda) et l’immobilier. Originaire de Monastir, où elle possédait de vastes oliveraies, la famille Mabrouk est aujourd’hui peu ou prou assimilée aux Tunisois. « Ce sont des gens qui ne sont pas à proprement parler beldis – et ne se revendiquent d’ailleurs pas comme tels -, explique un journaliste bien introduit dans la jet-set tunisoise, mais qui ne se sentent aucun point commun avec les nouveaux riches au luxe ostentatoire, qu’ils considèrent comme des aroubis (ploucs). Ils se sont élevés par l’argent, mais possédaient, à la base, un certain statut social. Ils sont plutôt francophones, cultivés, libéraux, et forment une nouvelle élite que l’on pourrait qualifier de carthaginoise. Un terme qui peut aussi bien s’appliquer aux Miled ou aux Bouchamaoui. »
Affaires de famille. Les contours du capitalisme tunisien ont beaucoup changé depuis « l’âge d’or » des années 1970. Pourtant, les familles précitées, et quelques autres, continuent d’en constituer l’ossature. Les principes qui le régissent n’ont guère évolué. La culture du conglomérat, avec des groupes présentant un éventail d’activités extrêmement étendu et une faible intégration verticale, prédomine toujours. À l’affût de la moindre occasion, ses dirigeants n’hésitent pas à faire jouer les réflexes de solidarité régionale. Et à s’endetter pour couvrir leurs besoins de financement.
« Les grands patrons tunisiens sont restés des patriarches, explique Béatrice Hibou, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), à Paris. Ils rechignent à lever des fonds en Bourse, car cette solution économiquement plus efficace présente l’inconvénient de diluer leur part dans le capital. Et d’ouvrir les comptes de l’entreprise aux regards étrangers. »
Les mariages sont rarement laissés au hasard. Si le temps de l’endogamie est évidemment révolu, les alliances obéissent souvent à des considérations patrimoniales. Ou politiques. « En jouant les marieuses, les mères tunisiennes remplissent un peu le rôle dévolu aux départements fusion-acquisition des firmes occidentales », s’amuse un businessman.
Mais le mariage est aussi un moyen de cultiver une certaine proximité avec le pouvoir. Les filles du président Zine el-Abidine Ben Ali sont, en effet, toutes mariées à des hommes d’affaires influents (ou en passe de le devenir) appartenant à l’establishment des grandes familles : les Zarrouk, les Chiboub, les Mabrouk, les Materi Ce phénomène, qui passionne les échotiers de la gazette mondaine, n’a pourtant rien de bien nouveau : il existait déjà sous Bourguiba, même s’il a peut-être gagné en ampleur.
Les liens existant entre la politique et les milieux économiques sont une évidence et n’ont d’ailleurs rien de spécifiquement tunisien : ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui dira le contraire. La Tunisie est un petit pays où tout le monde se connaît. Déduire de ce qui précède que les grandes familles font la pluie et le beau temps serait cependant excessif. Proximité ne signifie pas implication. Tout au contraire, l’élite économique tunisienne est largement dépolitisée. Pragmatique, elle fait allégeance au système, montre patte blanche quand il le faut et se garde toujours d’entrer en opposition frontale avec le régime. Ce qui ne l’empêche pas, en privé, d’exprimer parfois un certain malaise et de juger sévèrement le comportement des « parvenus » jouissant de protections bien placées.
Mais il serait impensable de voir ici un entrepreneur se transformer en homme politique à la manière d’un Silvio Berlusconi en Italie, d’un Moshood Abiola au Nigeria ou d’un Vicente Fox au Mexique. Depuis l’indépendance et la marginalisation des vieilles familles proches du bey, la politique tunisienne est restée l’affaire des élites partisanes et technocratiques. Et chacun sait que la fortune et la réputation ne sont nullement des gages d’invulnérabilité. Les mésaventures de l’homme d’affaires Kamel Eltaief, très en vue dans les années 1990 et brutalement tombé en disgrâce, l’ont rappelé à ceux qui l’auraient oublié. La relation entre pouvoir économique et pouvoir politique est fondamentalement asymétrique. « C’était vrai en 1956 et cela le reste aujourd’hui, conclut Vincent Geisser. Aucun groupe social ne dispose d’une assise suffisante pour faire prévaloir ses intérêts en dehors de la protection ou de la bienveillance de l’État. »
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