Opération sauvetage

À Washington, New York et Paris, le nouveau Premier ministre s’est efforcé d’obtenir de précieux soutiens à sa politique de redressement économique. Non sans succès.

Publié le 18 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

« Il n’y a pas de transition ouverte ; je suis le chef, les autres sont mes subordonnés. [] J’ai nommé un Premier ministre loin de toute pression. Je n’y étais pas obligé, mais c’était nécessaire. [] La nomination de Lansana Kouyaté est un choix personnel. Je l’ai appelé pour m’aider et il le fait bien. Je suis satisfait de lui, mais le jour où il ne fera plus le bonheur du pays, il s’en ira. »
Ces déclarations de Lansana Conté à des journalistes de l’Agence France Presse (AFP) et de la chaîne de télévision TV5, le 14 juin, sont tout sauf anodines. D’ordinaire avare d’interviews, le chef de l’État guinéen a choisi un contexte bien particulier pour sortir de son mutisme et marquer son territoire.
L’entretien s’est déroulé dans la résidence de l’homme d’affaires Elhadj Mamadou Sylla, en présence de ce dernier, d’Harouna Conté, le propre frère du président, et de Sékou Konaté, le secrétaire général du Parti de l’unité et du progrès (PUP), la formation au pouvoir – une sorte de garde rapprochée. Le message que Conté souhaitait faire passer était, à l’évidence : « Je suis toujours là ! »
Pendant ce temps, le Premier ministre se trouvait à l’étranger, dans le cadre d’une importante mission aux États-Unis, en France et à Bruxelles destinée à renouer les liens entre la Guinée et la communauté financière internationale. Reçu par Condoleezza Rice, la secrétaire d’État américaine, par Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, et par le président français Nicolas Sarkozy, Kouyaté a eu droit à un traitement de choix. Affaibli par la maladie, Conté n’a, pour sa part, pas quitté son pays depuis plusieurs années. Le nouveau visage de la Guinée à l’étranger, c’est de plus en plus celui du nouveau chef du gouvernement – qui fut diplomate, dans une autre vie.
Interrogé par nos soins, Kouyaté s’est refusé à tout commentaire. Pour lui, explique-t-il, seules comptent « les retombées de ma mission sur les principaux problèmes auxquels la Guinée est confrontée ». À savoir : la reprise de la coopération avec les bailleurs de fonds, l’accession à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), la réduction de la dette, le financement de la réhabilitation des réseaux de distribution d’eau et d’électricité, la relance de l’économie et la lutte contre l’inflation.
Le 4 juin à Washington, le Premier ministre a reçu les responsables du Corporate Council on Africa (CCA) et du Constituency for Africa (CFA), qui lui ont promis de tout faire pour promouvoir les investissements américains en Guinée, raison pour laquelle ils se rendront à Conakry, le 19 juillet, pour une visite de travail.
Le 5 juin, Kouyaté a rencontré les dirigeants du FMI, de la Banque mondiale et du Trésor américain. Satisfait des premiers pas du nouveau gouvernement, Rodrigo de Rato, le directeur général du Fonds, a décidé de lui accorder un coup de pouce au titre de la Facilité de réduction de la pauvreté et pour la croissance, dont les modalités seront négociées à Conakry, à partir du 4 juillet. Il s’est également engagé à dépêcher en Guinée, « dans les meilleurs délais », des missions d’assistance technique concernant la fiscalité, la révision des conventions minières, la gestion des dépenses publiques et le renforcement des capacités de la Banque centrale.
La Banque mondiale va, quant à elle, organiser, le 23 juillet à Paris, un Forum des bailleurs de fonds. Objectif : financer le « programme minimum » élaboré lors du séminaire gouvernemental qui s’est tenu du 24 au 27 mai, à Bel-Air (une station balnéaire située à 250 km de Conakry). Pour convaincre les pourvoyeurs de fonds potentiels, la Banque s’est résolue à donner l’exemple. Elle a d’ores et déjà annoncé la mise à la disposition de la Guinée d’une enveloppe additionnelle de 35 millions de dollars, au titre des crédits IDA destinés au financement des actions de développement.
Sur le chemin du retour, Kouyaté a fait escale à Paris, où il a rencontré Sarkozy, le 15 juin, sans doute pour lui demander son soutien. Peu avares de promesses, les institutions de Bretton Woods ne sont pas, en effet, réputées pour leur diligence quand il s’agit de les mettre en uvre. Or le temps presse, en Guinée.

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