Mélange de genres

Depuis la chute du Mur en 1989, la capitale s’est radicalement transformée. La municipalité déborde d’ambition. Trop peut-être ?

Publié le 18 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Berlin ist immer eine Reise wert : « Berlin vaut bien un voyage », affirme le slogan. Rien ne saurait être plus vrai depuis la chute du Mur, le 9 novembre 1989. Car, avec la réunification de l’Allemagne, la plus grande ville du pays (3,4 millions d’habitants répartis sur 890 km2) a décidé de s’offrir un nouveau visage. Et surtout, un nouveau rôle à la hauteur de sa fonction de capitale retrouvée. Pour y parvenir, la métropole a mis les bouchées doubles, avec une efficacité toute allemande. En quelques années, la ville s’est radicalement transformée, laissant surgir un conglomérat de nouveaux bâtiments à l’architecture souvent surprenante, parfois même déroutante.

Fascinante plus que belle, Berlin séduit plus qu’elle ne charme, dérange parfois, mais ne laisse jamais indifférent. La ville se mérite. Pour en saisir toute la substance, mieux vaut s’imprégner de son histoire, dense et douloureuse. Celle que, dans les années 1930, Adolf Hitler voulut renommer Germania et élever au rang de Welthauptstadt, « capitale du monde », mais dont le dictateur se méfiait comme de la peste pour son caractère frondeur et peu conformiste, a connu un nombre considérable d’événements historiques. Empire, années folles, IIIe Reich, paradis communiste à l’Est et bastion de la liberté à l’Ouest, utopies modernes et postmodernes : Berlin constitue un incomparable patchwork d’époques et de styles. La métropole offre aujourd’hui une surprenante juxtaposition d’immeubles prussiens, robustes et peu souriants, de bâtiments portant encore, comme un témoignage pour les générations futures, les stigmates de la férocité de la Seconde Guerre mondiale, de poumons verts, véritables forêts au cur de la cité, de vastes friches urbaines à la recherche d’un avenir de béton, d’acier et de verre, de monuments futuristes se dressant dans leur solitude et de quartiers hérissés de grues où le passé et l’avenir se livrent une bataille sans merci.
Depuis la chute du Mur, Berlin a multiplié les grands travaux avec ostentation afin d’être plus en phase avec son rôle de capitale de la troisième économie mondiale. Outre la reconstruction de quartiers laissés désertés depuis la fin de la guerre (dont, en premier lieu, la mythique Potsdamer Platz, devenue aujourd’hui le cur ultramoderne du quartier des affaires), la métropole n’a pas lésiné sur les symboles : rénovation du Reichstag (Parlement), construction d’une nouvelle chancellerie, monumentale, géométrique et aujourd’hui fortement décriée, édification d’une gigantesque gare centrale, dont les travaux ont duré onze ans Au plan culturel, le programme de rénovation de l’« île aux Musées » devrait permettre à la capitale de renouer avec sa prestigieuse tradition artistique. À côté de cet espace culturel, Berlin compte environ 150 musées, autant de théâtres et plus de 300 galeries.
Avec un tel éventail urbanistique, architectural et culturel, Berlin, qui attire désormais, bon an mal an, 7 millions de visiteurs étrangers, est en passe de retrouver son rang de grande capitale européenne – et mondiale. Mais la ville a vu grand, trop grand, peut-être : elle est à ce jour au bord de la faillite. La municipalité accuse une dette abyssale de plus de 50 milliards d’euros. Les travaux de réhabilitation de l’ex-Berlin-Est et l’aménagement des locaux du gouvernement ont coûté plus que prévu initialement. Le pouvoir fédéral rechigne à mettre désormais la main à la poche. La capitale doit se prendre en charge. Résultat : des restrictions budgétaires sont à l’ordre du jour avec, notamment, des suppressions de postes de fonctionnaires et une baisse des budgets alloués à la culture.

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Au plan économique, la désillusion a également été forte. Les investisseurs étrangers ne se sont pas bousculés au portillon comme prévu. À tel point qu’aujourd’hui des immeubles et des bureaux sont cédés pour 1 euro symbolique. À Berlin, les prix de l’immobilier restent très sages, alors que, partout ailleurs en Europe, ils ont connu une flambée sans précédent au cours de la dernière décennie. Située à seulement 60 kilomètres de la frontière polonaise, dans une région sinistrée (celle de l’ex-Allemagne de l’Est), la ville est fortement excentrée par rapport à l’axe rhénan, véritable poumon économique du pays. Berlin peine à trouver un nouveau souffle, les rentrées fiscales demeurent faibles et nombre d’entreprises de l’Est ont dû fermer leurs portes pour manque de productivité. Le chômage y atteint un taux record de 17 %, induisant de fortes dépenses sociales.
Malgré cette déroute financière, la capitale croit toujours en son avenir. Et si les Berlinois éprouvent une authentique fierté pour leur ville, c’est davantage pour son cadre de vie, atypique, ouvert et proche de la nature, que pour sa grandeur passée ou à venir – un concept qui, à Berlin plus qu’ailleurs en Allemagne, est loin de faire figure de valeur nationale depuis la fin de la guerre.

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