« Le continent sait aller tout seul de l’avant »

Publié le 18 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

L’Afrique va mieux, non pas malgré l’apathie de la communauté internationale, mais grâce à elle. Elle a obligé les pays africains à compter davantage sur eux-mêmes et à prendre leurs responsabilités. Elle a distingué les réformateurs des traînards et ceux qui agissent de ceux qui ne font rien.
Les solutions simples, pas plus que l’aide, ne résoudront jamais les problèmes de l’Afrique. Le continent est d’une infinie complexité et de plus en plus divers. On y trouve aussi bien des succès cousus main que des échecs caractérisés.
L’Afrique reste l’une des parties du monde où la vie est la plus difficile. Et pourtant, ce qui est remarquable – et largement méconnu -, c’est que, malgré des problèmes endémiques, l’Afrique va de l’avant.
Je citerai cinq raisons principales.

Il y a eu deux changements fondamentaux en matière de gouvernance, depuis quinze ans : les progrès de la démocratie et des réformes économiques. Il y a vingt-cinq ans, il n’y avait en Afrique que trois démocraties : le Botswana, le Sénégal et l’île Maurice. Aujourd’hui, plus de quarante pays africains organisent régulièrement des élections pluripartites. Certaines sont loin d’être parfaites, mais dans le combat contre la complaisance politique et le despotisme, le bon côté marque des points.

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La deuxième raison, c’est l’émergence de la Chine et l’entrée en scène de nouveaux acteurs, dont l’Inde, la Russie et le Brésil, qui poussent au changement économique sur le continent. La prééminence industrielle de la Chine est telle qu’il est peu probable que le développement africain vienne de l’essor d’une production manufacturière à grande échelle. Pour y arriver, les Africains doivent savoir ce qu’ils veulent – des accords préférentiels à des transferts de technologie et de compétences – et ce qu’ils peuvent assumer quand ils signeront des partenariats avec des investisseurs étrangers.
L’arrivée de la Chine comme acteur africain majeur remet également en question la suprématie du modèle occidental d’aide au développement. En 2005, elle a ouvert plus de 8 milliards de dollars de crédits au Nigeria, à l’Angola et au Mozambique – une année où la Banque mondiale n’accordait que 2,3 milliards de dollars à la totalité de l’Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, les entreprises chinoises décrochent à peu près la moitié des contrats de travaux publics sur le continent. Rien d’étonnant à ce que les échanges commerciaux de la Chine avec l’Afrique soient passés en six ans de 10 milliards à 55,6 milliards de dollars par an. Toutes ces indications soulignent l’importance pour l’Afrique de chercher pour son développement l’argent là où il est : dans le capital privé.

Troisième raison : la fin de l’apartheid. L’ouverture de l’Afrique du Sud à la démocratie a libéré ses citoyens et ses entreprises. Depuis 1994, les échanges commerciaux de l’Afrique du Sud avec le reste du continent ont été multipliés par cinq, à 7 milliards de dollars, tandis que les investissements de ses firmes en Afrique augmentaient d’environ 1 milliard de dollars par an.

Le quatrième facteur de réussite est que l’Afrique n’a plus besoin de médiateurs extérieurs pour régler les conflits. La transition sud-africaine a mis fin à ce type de recours il y a quinze ans, et tous les protagonistes tiennent à ce que les négociations s’organisent au niveau local. Les accords de paix sous supervision régionale sont aujourd’hui la norme en Afrique.

Enfin, l’Afrique comble son retard sur la mondialisation. La part du continent dans les flux mondiaux de capitaux a été divisée par cinq dans les années de l’après-indépendance pour se retrouver au niveau de 1 % au début de la décennie. Mais il y a eu un changement positif. Les flux d’investissements étrangers en Afrique ont récemment doublé : ils ont été de 19 milliards de dollars en 2006. Les contributions de la diaspora ont atteint les 8 milliards de dollars annuels, contre environ 1 milliard de dollars il y a quinze ans. Il y a cinquante ans, au moment de l’indépendance, le Ghana était plus riche que la Corée du Sud. À l’époque, elle paraissait n’avoir aucune chance de s’en tirer. Le parcours de la Corée et celui du Ghana – qui a survécu à pas moins de cinq coups d’État militaires – montrent qu’un effort d’éducation, une éthique du travail et un environnement économique sain peuvent spectaculairement changer le destin d’un pays.
Aujourd’hui, face aux échecs africains, il y a une série de réussites, et face aux autocrates, un nombre beaucoup plus grand de démocrates. Une bonne politique nationale est toujours plus importante qu’une aide étrangère pour créer les conditions de la croissance, de la stabilité et de la prospérité.

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*Nicky Oppenheimer est le PDG de la De Beers, la plus importante entreprise sud-africaine.

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