Farce électorale à Anjouan

La réélection de Mohamed Bacar à la présidence de l’île autonome, au terme d’une mascarade, fragilise encore un peu plus l’unité du pays.

Publié le 18 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

Pauvre Union des Comores ! Ses dirigeants, appuyés par ceux de l’Union africaine, avaient décidé de reporter au 17 juin la tenue du premier tour de l’élection présidentielle de l’île d’Anjouan, après avoir estimé que les conditions de sécurité et d’équité n’étaient pas réunies. Mohamed Bacar, l’homme fort de l’île autonome, qui briguait un second mandat, n’a rien voulu entendre. Et a organisé, seul comme un grand, un « scrutin sauvage », le dimanche 10 juin. Qu’il a largement remporté. Dès le lendemain, ses partisans fanfaronnaient dans le stade de Mutsamudu, et fêtaient leur leader, réélu avec un score à la soviétique (80 % des voix). Les rares témoins restés sur place – les observateurs de l’Union africaine (UA) avaient plié bagage la veille du vote, pour ne pas cautionner par leur présence cette mascarade – parlaient de bureaux désespérément vides et de matériel électoral approximatif. Nom du pays mal orthographié (« Comres » au lieu de « Comores »), absence d’isoloirs, d’encre indélébile, boycottage du scrutin par les principaux candidats, partisans d’un report au 17 juin : les élections ont plus ressemblé à une farce qu’à autre chose.

Placée devant le fait accompli, la communauté internationale a vigoureusement protesté. Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission de l’UA, s’est indigné et a annoncé que l’élection de Bacar ne serait pas validée. Il y a toutes les chances que la Cour constitutionnelle de l’Union la rejette à son tour. Le médiateur mozambicain Francisco Madeira devait se rendre sur l’île autonome pour essayer de ramener à la raison les Anjouanais. Sans nourrir trop d’illusions. Les pressions diplomatiques risquent en effet de peser bien peu face à la volonté d’un homme décidé à se maintenir coûte que coûte au pouvoir, et qui dispose d’une garde prétorienne d’un peu plus de 800 hommes, lourdement armés, dont une partie s’est déployée préventivement le long des côtes pour prévenir toute tentative de débarquement. Les forces armées comoriennes n’ont d’ailleurs ni l’envie ni les moyens de réagir. Leur maigre contingent a été expulsé de l’île lors des événements du mois de mai, lorsque les troupes fidèles à Bacar s’étaient emparées des bâtiments officiels pour protester contre la destitution de leur chef, ordonnée par le Tribunal constitutionnel de Moroni (voir J.A. n° 2418 du 13 mai 2007). En 1997, lors de l’éclatement de la crise séparatiste, une intervention militaire totalement improvisée par le président Taki avait viré au fiasco. Et laissé de bien mauvais souvenirs tant à Mutsamudu qu’à Moroni.

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Mohamed Bacar a compris que la politique du fait accompli était généralement payante. Garder la mainmise sur les ressources fiscales de l’île autonome et continuer à prélever sa dîme sur la rente portuaire suffisent à son bonheur, et, il l’a répété dès la proclamation des résultats, il entend inscrire son action « dans le cadre de l’Union ». À l’en croire, donc, il n’y aurait pas à craindre de résurgence du séparatisme à Anjouan. Néanmoins, ce qu’il faut quand même bien appeler un coup de force met un peu plus à mal la déjà fragile fiction de l’unité de l’archipel. D’autant que Moroni n’exclut pas d’intervenir militairement.

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