Ammar Belghith, la grotte et les chats

Près du Kef, un lieu artistique insolite : le peintre tunisien a ouvert une galerie dans une caverne !

Publié le 18 juin 2007 Lecture : 2 minutes.

On raconte à Tunis qu’un certain Ammar Belghith s’est réfugié dans une grotte, très loin dans les terres, en raison d’une passion qui le ronge. Pour en savoir plus, il faut pousser jusqu’au Kef, en direction de l’Algérie, traverser la commune de Dahmani, atteindre le site d’Althiburos et interroger l’un des paysans du coin. Celui-ci vous répondra : « Ah, celui qui habite la grotte ! » Non, Ammar n’est pas le Huitième Dormant, ce n’est pas un ermite des temps modernes ni un désespéré. Il a choisi cet endroit à proximité d’un des plus beaux sites archéologiques de Tunisie « pour l’inspiration », dit-il.
Il y a déniché une grotte, en a fait la première galerie hors cité, en pleine nature. Dans son antre, Ammar s’adonne à la peinture. Cet art qu’il a pratiqué en France, en Thaïlande et aux Philippines, avant de retourner dans son pays natal. La première uvre qu’il peint dans la grotte est un grand chat. Ébahi par l’aspect hyperréaliste de l’animal sur la toile, un paysan le supplie : « Je te ramènerai trente chats s’il le faut, mais de grâce, continue à peindre ! » Ammar s’est mis au travail. Il a semé des toiles le long du couloir sombre qui aboutit à un « puits de la création ». Les villageois lui ont trouvé le sobriquet de « peintre aux trente chats ». La rumeur traversa les collines du Kef, arriva dans les salles de rédaction de la capitale et quelques curieux se déplacèrent. Depuis, ça n’arrête pas.
L’artiste quinquagénaire ouvre sa grotte, peint des cartes postales sur le Kef et évoque son uvre actuelle : il vient de lancer l’idée de peindre Lalla Charda, une sainte locale, sur une toile qui sera complétée par le travail d’artistes de différentes nationalités. Ce sera « l’uvre universelle » sur laquelle plancheront des peintres du monde entier et qui sera exposée, en fin de parcours, en Tunisie. Ammar l’affirme sans détour, il veut lancer, à partir de sa bourgade de Dahmani, un nouveau concept destiné à conquérir le monde, comme naguère le cubisme ou le surréalisme. Il s’agit de la « peinture de l’infini », destinée à casser les frontières, à tendre la main vers l’autre, à réaliser le rêve humaniste qui consiste à faire rencontrer les cultures et les religions par le biais de ce fabuleux dénominateur commun qu’est l’art, la peinture en l’occurrence.
Aux dernières nouvelles, la grotte est devenue un passage obligé pour les Tunisois et autres visiteurs en vadrouille. Le phénomène Ammar a réactivé l’idée de « tourisme culturel » pour la région, et la commune a commencé à transformer la piste vers Althiburos par une vraie route asphaltée. Pourvu que cela ne déconcentre pas notre peintre solitaire. Il risque de devenir le guide de sa grotte à défaut d’être le peintre de ses toiles.

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