Ed Winter : « Un tiers des clients de Fastjet n’avaient jamais pris l’avion »

Prix, remplissage, taille des appareils, mais aussi pertes financières… Patron de la low-cost africaine, l’ex-directeur exécutif d’EasyJet dresse le bilan d’une année d’activité.

Avant de prendre la direction de Fastjet, Ed Winter a été le directeur exécutif d’Easyjet. © Fastjet

Avant de prendre la direction de Fastjet, Ed Winter a été le directeur exécutif d’Easyjet. © Fastjet

Publié le 5 juin 2014 Lecture : 4 minutes.

Le low-cost n’a plus de frontières. Depuis 2012, et sous l’impulsion du milliardaire et fondateur historique d’EasyJet, Stelios Haji-Ioannou, le continent (hors Afrique du Sud et Afrique du Nord) compte sa première compagnie à bas coût, Fastjet. La première année d’activité a été difficile : les revenus ont atteint 53 millions de dollars (39 millions d’euros), mais les pertes, avant impôts, ont été de 47 millions et la compagnie rencontre des difficultés en Angola et au Ghana.

Malgré cela, Ed Winter a affiché sa satisfaction lors de l’entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique à Dar es-Salaam, berceau de l’aventure Fastjet. Ainsi, 18 millions de dollars viennent d’être levés pour acheter de nouveaux appareils, et le taux de remplissage atteint 70 %. Entretien avec un patron aguerri, ancien de la British Airways et d’EasyJet, qui a attendu la retraite pour se lancer dans le transport aérien en Afrique.

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Propos recueillis à Dar es-Salaam par Arnaud Bebien

Jeune Afrique : Un an et demi après le lancement de vos activités en Afrique, êtes-vous satisfait ?

Ed Winter : Je suis très content, et les retours des clients sont positifs. Sur les douze derniers mois, nous avons fait voyager plus de 977 000 passagers. Fastjet a permis à plus d’un tiers d’entre eux [38 %] de prendre l’avion pour la première fois. La fréquentation de notre site internet a été multipliée par dix par rapport à mars 2013.

JA2785p107 info FastjetQui dit low cost dit bas prix. Êtes-vous fidèle à cette mission ?

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Nos tarifs sont entre 25 % et 50 % inférieurs à ceux des autres compagnies. Sur les six premiers mois de Fastjet, au moins 20 % de nos sièges étaient à seulement 20 dollars. Sur nos vols Dar es-Salaam-Johannesburg, notre prix d’appel pour un voyage est de 100 dollars, contre 400 par exemple pour South African Airways. Pour Lusaka, c’est 75 dollars.

Le modèle low cost européen, avec des avions de grande capacité, est-il possible en Afrique ?

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Nous en sommes la preuve avec nos Airbus A319 de 156 places. Chez EasyJet, nous utilisions les mêmes. Tout est question de prix, et de remplissage.

Vous perdez plusieurs dizaines de millions de dollars par an, et on annonce l’arrêt de vos opérations au Ghana et en Angola. N’est-ce pas le signe d’un échec ?

Nous avons hérité de Fly540 au Kenya, au Ghana et en Angola. Il y a des transformations à faire pour l’adapter à notre modèle, qui fonctionne actuellement en Tanzanie. À terme, Fly540 va disparaître. Au Ghana, nous opérons toujours avec un appareil, mais l’Angola est à l’arrêt, car les avions sont en maintenance. Le Ghana a quelques problèmes d’infrastructures aéroportuaires, mais nos pertes relèvent surtout de la dévaluation de la monnaie ghanéenne [le cedi a perdu 23 % de sa valeur sur les douze derniers mois] face au dollar, qui a fait grimper nos prix.

JA2785p107 info1 FastjetVous avez annoncé, mi-2013, votre arrivée au Nigeria, un marché stratégique. Quand allez-vous commencer dans ce pays ?

Des accords de partenariat ont été passés avec la compagnie nigériane Red One Airways, mais y démarrer nécessite de longues démarches. C’est un marché clé en Afrique de l’Ouest, car ce pays est riche et très peuplé.

Quelle est la plus grande difficulté à laquelle vous êtes confrontés en Afrique : les coûts aéroportuaires ? Les autorisations d’opérer ?

Le point le plus délicat, ce sont les autorisations entre pays. Les processus sont très lents, car chaque pays veut protéger ses compagnies. En Europe, c’est plus simple. EasyJet y dessert 650 destinations !

Sur vos activités tanzaniennes, les plus importantes, votre taux de remplissage a atteint 67 % en mars. N’est-ce pas insuffisant pour une low-cost ?

Sur l’ensemble de nos activités, depuis 2012, nous sommes à plus de 70 %. Ces chiffres de mars sont ceux de la basse saison, une période très pluvieuse qui n’incite pas à se déplacer. Le low-cost en Afrique est ce qu’il était en Europe dans les années 1990, un marché en devenir. Le Nigeria est un pays à fort potentiel, et le Kenya offre de belles opportunités, avec une classe moyenne en émergence [selon la Banque africaine de développement, elle représente aujourd’hui 48 % de la population]. Nous comptons ouvrir un vol Nairobi-Zanzibar prochainement, pour ceux qui veulent y aller en week-end.

Le low-cost est associé aux courtes distances. Pourquoi opérer, depuis octobre 2013, des vols internationaux depuis votre base tanzanienne ?

Concernant Lusaka, c’est une destination phare, car Dar es-Salaam est le port d’entrée des importations de la Zambie sur le continent. Les usagers zambiens devaient auparavant faire 28 heures de bus pour rejoindre la Tanzanie. Les deux premiers mois, les avions étaient pleins à quasiment 100 % à l’aller et à 80 % au retour.

Quelles nouvelles dessertes allez-vous ouvrir ?

Fastjet prévoit d’ouvrir en 2014 et en 2015 de nouvelles bases à Nairobi, Lusaka et Johannesburg, et compte étendre ses vols au départ de Dar es-Salaam vers Nairobi, Mombasa (Kenya), Lilongwe (Malawi), Entebbe (Ouganda) et Harare (Zimbabwe).

Enfin, quelle est l’implication personnelle de Stelios Haji-Ioannou dans la gestion de Fastjet ?

Il a monté le business plan de la compagnie et il est actionnaire à hauteur de 11 %.

EasyJet apporte-t-il une certaine assistance dans la logistique ?

Fastjet n’a aucune assistance d’EasyJet.

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