Morjane et Guterres au coude à coude

Publié le 18 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Les auditions des huit candidats présélectionnés pour le poste de haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR, basé à Genève) devaient débuter ce 18 avril, à New York, et s’étaler sur deux jours. Les candidats passeront leur « grand oral » devant un panel d’experts dirigé par le Britannique Mark Malloch Brown, nouveau directeur de cabinet de Kofi Annan, qui proposera une liste resserrée de trois (voire deux) noms au secrétaire général des Nations unies. L’annonce de cette short list pourrait intervenir le 21 ou le 22 avril. Ensuite, Kofi Annan et son adjointe, la Canadienne Louise Fréchette, procéderont aux auditions des finalistes, se concerteront avec les pays donateurs, avant de rendre formellement leur décision, fin avril ou début mai. Une décision qui devra être avalisée par l’Assemblée générale de l’ONU. Jusqu’à présent, celle-ci a toujours confirmé, par acclamation, le choix du secrétaire général.
Le poste de haut-commissaire pour les réfugiés est vacant depuis la démission, le 20 février, de Ruud Lubbers, l’ancien Premier ministre néerlandais, accusé de harcèlement sexuel par une fonctionnaire de l’agence. Le HCR, qui emploie 6 500 personnes et s’occupe de 17 millions de réfugiés, bénéficie d’un budget annuel de plus de 1 milliard de dollars. Traditionnellement, le poste échoit à un représentant des pays donateurs, européen ou japonais, qui, le plus souvent, a exercé de hautes responsabilités politiques dans son pays d’origine.
Cette année, les jeux semblent plus ouverts. Sur le papier du moins. Le Portugais Antonio Guterres, le Tunisien Kamel Morjane et l’Italienne Emma Bonino sont les trois mieux placés pour figurer dans la short list. Les candidats belge, suédois et australien paraissent avoir peu de chances. Le médiatique Bernard Kouchner, cofondateur de Médecins sans frontières, apôtre du « droit d’ingérence humanitaire » et ancien représentant spécial de l’ONU au Kosovo, qui brigue le HCR pour la seconde fois, n’est qu’outsider. Car il polarise trop, notamment dans les pays du Sud. Et, surtout, il est handicapé par le fait que Paris le soutient mollement. La France a aussi un candidat (Pascal Lamy) pour la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et peu difficilement avoir deux fers au feu. Dernier prétendant, le Danois Soren Jessen-Petersen, ancien du HCR, et actuel représentant spécial de l’ONU au Kosovo. Mais il donne entière satisfaction dans les Balkans, ce qui, paradoxalement, dessert sa candidature.

Bonino, ancienne commissaire européenne, personnalité ardente et respectée, est avantagée par le fait d’être une femme. Mais son franc-parler lui a taillé une réputation de franc-tireur. Guterres – dont la cote a nettement remonté ces quinze derniers jours – et Morjane ont la faveur des pronostics. Le duel est indécis. Le Portugais est un néophyte, mais c’est un ancien Premier ministre européen, qui préside l’Internationale socialiste. Morjane, lui, est un spécialiste de l’humanitaire. Fonctionnaire international, numéro trois du HCR, où il est entré en 1977, c’est un diplomate expérimenté. Il a été, entre 1999 et 2001, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RD Congo et a dirigé la Monuc.

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Il a été pressenti, en mai 2003, pour représenter l’ONU en Irak, un poste qui est finalement revenu au Brésilien Sergio Vieira de Mello (tué dans un attentat à Bagdad en août de la même année). Son nom a aussi été évoqué pour succéder au Béninois Albert Tévoédjrè à la tête de l’Onuci en Côte d’Ivoire, en janvier 2005. Morjane dispose du soutien du groupe africain, du groupe arabe, des pays islamiques, et devrait bénéficier de celui de la Suisse, troisième contributeur au budget de l’agence et pays du siège. Très apprécié des personnels du HCR, il apporterait la stabilité à une institution traumatisée par le scandale Lubbers. Sa connaissance intime des rouages de l’organisation lui permettrait de la réformer profondément, mais en douceur. Sa désignation constituerait une première et un geste politique fort en direction des pays du Sud, principaux concernés par l’action du HCR. Et aussi en direction des pays arabes. On dit que Washington, qui a son mot à dire, n’y serait pas insensible…

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