À la mémoire d’Ahmadou Kourouma

Publié le 18 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Le prix Ahmadou-Kourouma est né de l’initiative conjointe de Pierre-Marcel Favre, président de Salon du livre de Genève, de Jean-Louis Gouraud, ancien directeur de la rédaction de Jeune Afrique, et de Jacques Chevrier, professeur émérite à la Sorbonne.
Dans l’esprit de ses promoteurs, il s’agissait de rendre un hommage posthume à l’un des plus grands écrivains de sa génération, dont le premier roman, Les Soleils des indépendances, a marqué un tournant décisif dans l’histoire des lettres africaines. Découvert et couronné par les Québécois en 1968, Les Soleils des indépendances est en effet à plus d’un titre un ouvrage novateur. Premier texte post-colonial à dénoncer l’imposture des indépendances, il contribue efficacement, par sa liberté de ton, à révolutionner la prose romanesque africaine et à bousculer les sacro-saintes règles du français académique.
Observateur attentif d’un continent où il a passé le plus clair de son existence, en Côte d’Ivoire, son pays d’origine, mais également en Algérie, au Cameroun, et pour finir au Togo, Kourouma s’est toujours voulu un écrivain au service d’une Afrique qu’il scrutait sans complaisance d’un regard d’historien et de chroniqueur vigilant et perspicace. Qu’il rapporte des moments du passé colonial, dans Monnè, Outrages et défis (1990), ou s’attache aux dérives politiciennes qu’évoquent En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) et Allah n’est pas obligé (2000), Ahmadou Kourouma ne laisse rien passer de l’aveuglement qui a trop souvent présidé aux destinées des peuples noirs, mais le réquisitoire, quelle qu’en soit la sévérité, se formule toujours dans un style jubilatoire qui doit autant à la malice des conteurs malinkés qu’aux exigences d’une prose que traverse le souvenir du Céline du Voyage au bout de la nuit.
Décerné dans le cadre du Salon international du livre et de la presse de Genève, et doté d’une somme de 5 000 francs suisses (3 200 euros), le prix Ahmadou-Kourouma récompense un ouvrage, essai ou fiction consacré à l’Afrique noire et dont l’esprit d’indépendance, de lucidité et de clairvoyance s’inscrit dans le droit fil de l’héritage légué par le romancier ivoirien. Présidé par le professeur Chevrier, le jury, composé de six membres, est tournant, accueillant notamment chaque année le lauréat de la précédente édition. Ainsi l’équipe de l’édition 2005 admettra-t-elle dans ses rangs Esther Mujawajo et Souâd Belhaddad, couronnées en 2004 pour leur ouvrage Survivantes. Rwanda, dix ans après le génocide, publié aux éditions de l’Aube.

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