David Lammy, le « Black Blair »

Parlementaire britannique d’origine guyanaise, il apparaît de plus en plus comme l’étoilemontante du Parti travailliste. Les législatives du 5 mai pourraient marquer une nouvelleétape de sa fulgurante carrière.

Publié le 18 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Les Américains ont Barack Obama, le sémillant sénateur démocrate de l’Illinois, que beaucoup verraient bien devenir un jour le premier président noir de l’histoire des États-Unis. Les Britanniques, eux, ont David Lammy, alias le « Black Blair », un jeune avocat élu député (travailliste) d’une circonscription de Londres, il y a cinq ans. Même l’actuel Premier ministre – Tony Blair, le vrai – n’écarte pas l’hypothèse qu’il puisse lui succéder au 10, Downing Street, à l’horizon 2010. À condition, bien sûr, que les travaillistes remportent les élections législatives du 5 mai prochain.
Mais Lammy rejette la comparaison avec Obama. Excès de modestie ou superstition ? Peut-être, tout simplement, prudence. Aujourd’hui star montante de la politique britannique, il sait que le vent peut tourner à tout moment. The Sun, par exemple, le redoutable tabloïd de Rupert Murdoch qui a été le premier à braquer sur lui les projecteurs, est connu pour sa versatilité… « En politique, une journée c’est déjà très long, alors une décennie… », commente l’intéressé. Reste qu’il sait aussi saisir la chance quand elle se présente et cite volontiers ce vieux proverbe de Guyana, d’où ses parents sont originaires : « Il faut garder la bouche ouverte tant qu’il reste de la soupe. »
De la chance, Lammy n’en a pas toujours eu dans son enfance. en 1972 dans une famille très catholique de cinq enfants, il aurait pu, comme nombre de ses amis de l’époque, mal tourner. Il n’a que 11 ans quand son père abandonne le foyer familial, à Tottenham, un quartier pauvre et « ethnique » de Londres – on y parle près de deux cents langues ! Le jeune David grandit et apprend vite. Vite et seul, car sa mère, qui est employée municipale, n’a pas beaucoup de temps à consacrer à sa progéniture. C’est sans nul doute l’origine de cette rage de vivre et de réussir qui, depuis, ne l’a jamais quitté.

À l’école, l’adolescent est premier en tout, même en musique, ce qui lui permet, en 1983, d’intégrer le prestigieux King’s College, à Peterborough. Loin de la jungle de Londres, il lui faut apprendre la réserve et la discrétion de rigueur dans les quartiers chic. Pas évident quand on est le seul Noir de sa promotion. Mais son charisme est tel qu’il devient très populaire, tant auprès de ses condisciples que de ses professeurs. Bref, il s’intègre sans trop de difficulté à ce monde de nantis si nouveau pour lui.
Très conscient des inégalités sociales provoquées par le thatchérisme et du racisme diffus de la société britannique, Lammy choisit de poursuivre des études de droit. Il s’imagine volontiers en défenseur de la veuve et de l’orphelin, noirs de préférence… Mais les avocats n’ont jamais changé la face du monde, alors, après un stage dans un grand cabinet californien, il décide de se lancer dans la politique.
En 1998, il est élu conseiller municipal de Londres. Deux ans plus tard, il est député de la circonscription de Tottenham, en remplacement de Bernie Grant, un membre de la vieille garde du Labour, guyanais comme lui, qui vient de mourir. Dans son premier discours à la Chambre des communes, il explique avec passion comment la politique a le pouvoir de changer la vie des gens. Son speech est considéré par la plupart des observateurs comme l’un des meilleurs de ces dernières années.

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Tout en militant pour une meilleure représentation des minorités au plus haut niveau du pouvoir, il se fait remarquer pour son action en faveur de l’éducation et de la santé, les deux chevaux de bataille du New Labour et de Tony Blair. Résultat : en 2002, le jeune député est nommé sous-secrétaire d’État à la Santé. Les premières critiques apparaissent. On lui reproche, par exemple, de se désintéresser de la guerre sanglante que se livrent les barons de la drogue dans sa circonscription. En juin 2003, il passe au ministère des Affaires constitutionnelles, où il se révèle « très à droite ». Sa politique en matière d’immigration et de droit d’asile est jugée exagérément restrictive par certains. D’autres s’indignent de la réduction drastique (3 millions d’euros) qu’il inflige au budget de l’aide juridique. Même ses plus vieux partisans comprennent difficilement qu’il roule désormais en voiture avec chauffeur et gagne 126 000 euros par an, quand la majorité de ses électeurs vivotent avec 18 000 euros. Comme sa mère, autrefois, à Tottenham…

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