Brice Hortefeux: « Non, la France n’est pas raciste ! »

Tests ADN, quotas, expulsions… Le ministre français de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement s’explique avec vivacité sur la mission que lui a confiée Nicolas Sarkozy.

Publié le 18 février 2008 Lecture : 18 minutes.

« Je ne suis pas celui que vous croyez » : en une phrase, tout est dit ou presque sur le double visage de Brice Hortefeux. Côté pile : celui du « premier sarkozyste de France », porte-flingue d’un homme qu’il connaît depuis trente ans, père fouettard d’une politique d’immigration de plus en plus restrictive et anxiogène, ministre des expulsés et des centres de rétention (23 200 « éloignés » ou « reconduits chez soi » en 2007, selon le vocabulaire soft en vigueur Rue de Grenelle) et cauchemar des quelque 200 000 à 400 000 clandestins sans papiers présents sur le territoire français. Côté face : un fils de bonne famille à l’aube de ses 50 ans, issu de la bourgeoisie catho-sociale de Neuilly, mi-amusé mi-désabusé, parachuté, lui qui rêvait de l’Intérieur, à la tête d’un ministère sans passé car directement issu d’une promesse du candidat Sarkozy à la frange la plus conservatrice, voire xénophobe, de son électorat et qui ne veut surtout pas apparaître comme le « bad cop », le mauvais flic du gouvernement. D’où cette étrange impression d’un homme à la fois dur et sensible, lisse et impulsif, qui assume, non sans vivacité, son rôle répressif, mais qui a vécu comme un traumatisme les critiques quasi unanimes à lui adressées lors de l’adoption de l’amendement sur les tests ADN – un ajout à son projet de loi dont il se serait bien passé.
Brice Hortefeux aurait-il des états d’âme ? Pour les « reconduits chez soi », les déboutés du droit d’asile et les contrôlés pour simple délit de faciès, croire cela relève de la plaisanterie. Mais à écouter le même Brice Hortefeux parler avec intelligence et enthousiasme de l’aide aux microprojets, à laquelle il envisage de consacrer 90 millions d’euros (autorisations d’engagements compris) en 2008, on se dit que ce ministre-là ne se résout pas tout à fait à n’être que la « face karchée » du sarkozysme. Pas plus d’ailleurs qu’il ne se voit s’éterniser à un poste aussi exposé, où l’on n’est populaire que pour d’indicibles raisons, après les municipales de mars et le remaniement qui devrait suivreÂÂ

Jeune Afrique : L’intitulé de votre ministère pose problème. Pourquoi avoir associé immigration et identité ?
Brice Hortefeux :
Aujourd’hui, si l’on veut réussir l’intégration en France, il faut maîtriser l’immigration. Si l’on évoque les questions d’immigration et d’intégration, cela pose la question de l’identité nationale, c’est-à-dire de l’héritage de notre patrimoine commun et de la préservation de l’équilibre de notre société de demain. Pourquoi est-ce formidable de parler d’identité concernant les Bretons ou les Alsaciens ? Pourquoi est-ce magnifique lorsque le président du Sénégal parle de l’identité sénégalaise ? Et pourquoi cela serait-il condamnable lorsqu’il s’agit de la France ? La notion d’identité nationale n’est en aucun cas un concept agressif. Ni même défensif.

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Vous parlez de ce ministère comme du « ministère du mieux vivre ensemble ». On vivait mal avant ?
À l’évidence, depuis une trentaine d’années, la politique d’intégration a été globalement un échec. Le taux de chômage de la population immigrée est aujourd’hui presque trois fois celui de la communauté nationale. Et le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur dans la population immigrée, qui est de 24 %, est quatre fois supérieur à celui de la communauté nationale. Tous les signaux montrent qu’il y a un déficit d’intégration qui peut être comblé par les initiatives que nous prenons, mais aussi par la maîtrise de l’immigration.

« Ma politique, dites-vous, ne se résume ni à un chiffre [les expulsions], ni à trois lettres [ADN] ». Pourtant, quand on décide d’évaluer votre action, on ne retient qu’un seul critère : le nombre d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière.
C’est un critère parmi d’autres. Je souhaite que ma politique soit évaluée aussi en fonction du nombre d’étudiants, de filiales, du nombre d’accords bilatéraux signés avec les pays d’émigration. Pour autant, je ne passe pas sous silence les éloignements. C’est un signal indispensable. Il ne faut pas rêver d’un eldorado européen, comme Lilian Thuram l’a rappelé il y a quelque temps alors qu’il était en visite en Guinée-Bissau. Pour venir sur le territoire européen et, en l’occurrence, sur le territoire français, il faut demander un titre de séjour.

Mais pourquoi cet objectif de 25 000 expulsions par an ?
C’est un chiffre qui avait été annoncé en décembre 2006 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Je l’ai donc assez logiquement confirmé lorsque j’ai pris mes fonctions. Ce chiffre indique très clairement à la communauté nationale qu’il n’y aura pas de prime à la clandestinité, et à celle des pays d’émigration que, pour venir chez nous, il faut un titre de séjour.

Pourquoi pas 10 000 ou 30 000 ?
Le président de la République a pensé que c’était un chiffre raisonnable. C’est aussi un signal clair : quand on est en situation illégale sur le territoire français, on a vocation à être reconduit vers son pays d’origine, sauf situation particulière. La France a le droit de choisir qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire. J’ai donné des consignes très strictes pour que cette politique soit appliquée avec la plus grande humanité possible et dans le respect des personnes. S’il y a des cas où cela n’est pas respecté, je prendrai toutes les mesures à l’égard de ceux qui auraient mal agi.

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Il y a déjà eu des incidents, des bavures lors des expulsionsÂÂ
Oui, mais il y avait à chaque fois des explications. Si le problème se pose à nouveau, des mesures disciplinaires seront prises. Le même respect est dû à chaque être humain. Cela dit, s’agissant des reconduites : 36 % se font sous escorte et seulement 5 % posent problème dans les retours aériens. Dans 95 % des cas, il n’y a aucune difficulté.

Vous souhaitez créer une juridiction spéciale pour les étrangers afin de simplifier les procédures d’expulsionÂÂ
Je souhaite effectivement, toujours dans le respect des droits de l’homme, qu’on organise une juridiction plus transparente.

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Donc plus rapide et moins contraignante ?
Plus rapide, je ne sais pas. J’ai demandé à une commission présidée par Pierre Mazeau, l’ancien président du Conseil constitutionnel, qui est un homme aux convictions républicaines insoupçonnables, de réfléchir, avec l’aide de l’ancien secrétaire d’État à l’Intégration Kofi Yamgnane, de professeurs de droit et de magistrats, à une évolution vers la simplification et la lisibilité.

Expulser représente aussi un coût pour le budget de l’État français. Combien ?
Je ne dispose pas encore de données précises sur ce point. Mais si vous voulez un repère, je peux vous dire que les Britanniques évaluent chaque éloignement à l’équivalent de 1 200, voire 1 300 euros.

Certains consulats africains en France refusent de signer les laissez-passer indispensables pour les expulsions. Cela vous agace ?
Nous engageons des discussions très directes avec les pays concernés. Tous nous indiquent qu’ils veulent faire des efforts et qu’ils comprennent notre situation. Mais on observe plutôt des différences selon les consulats que selon les pays concernés.

Quelles sont, dans ce cas, vos mesures de rétorsion ?
Il peut naturellement y avoir plusieurs bases de discussion, parmi lesquelles la délivrance des visas ou des titres de séjour du côté français. Le préfet du Rhône, par exemple, a eu un problème de ce type avec le consulat de Tunisie à Lyon. Il a resserré la délivrance des titres de séjour avec ce pays, jusqu’à ce que cela s’améliore. En ce qui concerne le Maroc, j’ai signalé aux ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur, Taïeb Fassi Fihri et Chakib Benmoussa, que le taux de signature des laissez-passer était satisfaisant à Paris et insuffisant dans les consulats de Lille et de Nice.

Un consul qui refuse de signer les laissez-passer est un héros pour sa communauté alors que celui qui signe automatiquement est très mal vuÂÂ
Il faut faire évoluer les mentalités. On ne peut pas être un héros si on ne respecte pas les règles de droit.

Pourquoi les enfants d’étrangers en situation irrégulière demeurent-ils inscrits sur le fichier Éloi pendant trois ans alors qu’ils ne sont pas expulsables ? Cela peut compromettre, plus tard, leurs chances d’obtenir un titre de séjour.
C’est un fichier purement technique. Les seules informations conservées sont relatives à leur nom, prénom et date de naissance. Ni leurs loisirs, ni l’école qu’ils fréquentent n’y figurent.

Pourquoi ficher les enfants ?
Parce que la connaissance de ces informations est indispensable pour effectuer en toute transparence, et en prenant toutes les précautions nécessaires, les mesures d’éloignements. Je rappelle que le fichier Éloi a été conçu sous le précédent quinquennat et qu’il a été approuvé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

De plus en plus de Français logent clandestinement des sans-papiers. Que risquent ces « résistants » d’un nouveau type ?
Mais d’où sortez-vous qu’il y en a de plus en plus ? C’est l’inverse !

L’aide au séjour irrégulier est un délit passible de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, c’est cela ?
C’est ce que vous dites.

N’êtes-vous pas gêné que ces gens soient punis comme de vulgaires marchands de sommeil ?
La France est un État de droit. Les règles sont faites pour être respectées.

Les conditions de vie dans les centres de rétention posent un vrai problème de droits humains. Que comptez-vous faire ?
Ces centres de rétention ont été mis en place en 1984 sous la présidence de François Mitterrand. Ce n’est pas nous qui les avons créés l’année dernière. Il y a aujourd’hui un peu moins d’une trentaine de centres de ce type en France. Ils sont utiles puisque dans un certain nombre de pays européens, les étrangers en situation irrégulière vont carrément en prison. Concernant les conditions sanitaires et les infrastructures, il existe un plan triennal de rénovation, qui arrive à son terme cette année. D’ailleurs, lorsque les parlementaires ont demandé à visiter ces centres, tous ont souligné que les conditions d’accueil étaient satisfaisantes.

Pas tous. Le 19 janvier dernier, lors d’une visite au centre du Mesnil-Amelot, en Seine-et-Marne, certains parlementaires ont dénoncé « des conditions médiocres et une extrême détresse morale des retenus ».
C’est totalement faux ! Pour ce qui est du centre du Mesnil-Amelot, je vous invite à venir le visiter avec moi. J’y suis allé à deux reprises et je vous assure que les conditions de vie sont satisfaisantes. Je rappelle que la durée moyenne de rétention oscille en France entre dix et douze jours pour un plafond de trente-deux jours, soit la durée de rétention la plus faible d’Europe. En Allemagne, c’est dix-huit mois, et il y a sept pays dans lesquels la durée de rétention est illimitée.

Trente-deux jours, c’est trop court ?
Non, c’est satisfaisant. Sur ce point, la France est sans doute le pays le plus équilibré. J’ai visité des centres de rétention de 500 places à Londres. Chez nous, le centre de rétention le plus important compte 140 places.

Les retenus ne peuvent pas sortir, comme dans une prison.
Oui, mais ils peuvent communiquer, téléphoner.

La différence est faible. La Cimade, seule organisation habilitée à intervenir dans les centres concernés, parle carrément d’« atmosphère carcérale »ÂÂ
Si vous voulez dire par là qu’il faut expédier directement les retenus en prison, allez-y, n’hésitez pas !

Il existe à l’échelon européen un projet de directive qui souhaite porter la durée de rétention à dix-huit mois. Votre position ?
Nous ne sommes pas demandeurs.

Vous êtes également le ministre des réfugiés politiques, puisque l’Ofpra [Office de protection des réfugiés et apatrides] dépend désormais ?de votre ministère. Quels sont les chiffres ?
32 000 demandes et 8 771 personnes bénéficiaires du droit d’asile en 2007, soit 19 % de plus que l’année dernière. Cela nous situe au premier rang ex aequo en Europe. Il y a moins de déboutés ?cette année et on constate aussi une diminution des demandes d’asile.
Sans doute parce que la France offre une image moins toléranteÂÂ
Ce n’est pas possible de présenter les choses comme cela ! La France n’est pas un pays raciste ! La vérité, c’est que le nombre de demandeurs d’asile diminue parce que la situation dans un certain nombre de pays s’améliore. Croyez-vous que la situation dans les Balkans était la même en 2007 qu’en 2004 ?

Mais le nombre de demandeurs d’asile africains, lui, a augmenté. Regardez donc les détails par continent.
Et pourquoi pas par village aussi ! Je viens de vous dire que c’est l’inverse. Le nombre de demandes d’asile a diminué, car la situation dans un certain nombre de pays s’est améliorée.

C’est vrai pour les Balkans, pas pour l’Afrique !
La politique d’asile de la France ne se découpe pas en tranches. La réalité est qu’il y a eu globalement moins de déboutés du droit d’asile en 2007 qu’en 2006 et que le nombre de demandeurs d’asile a diminué. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, c’est un constat. De surcroît, l’asile n’est pas, et ne sera jamais, une variable d’ajustement de la politique d’immigration en France.

Pourquoi avoir insisté pour enlever l’Ofpra au ministère des Affaires étrangères, dont cet organisme relevait auparavant ?
Parce que ce changement de tutelle rend les choses plus claires et certainement plus justifiables. Pour le reste, franchement, qu’est-ce que ça change ?

Peut-être jugiez-vous également que la délivrance du statut de réfugié politique par le Quai d’Orsay se faisait de manière trop laxiste ?
C’est vous qui le dites et, à votre place, je ne me permettrais pas d’insulter le corps diplomatique ! Cela dit, sur le fond, je suis parfois tenté de vous suivre.

Vous souhaitez rééquilibrer la balance entre immigration économique et immigration familiale. Plus de migrants qualifiés, mais sans leurs familles. Comment expliquez-vous cette nouvelle politique à vos interlocuteurs africains ?
Pendant des décennies, les pays d’accueil, dont la France, se préoccupaient uniquement de leurs intérêts et faisaient leur marché dans les pays d’émigration. De leur côté, les pays d’émigration étaient soulagés de se voir allégés d’un fardeau démographique, économique, social et parfois politique. Aujourd’hui, tout a changé. Le pays d’accueil doit tenir compte des intérêts du pays d’émigration, et le pays d’origine doit comprendre les défis du pays d’accueil. C’est très exactement ce que j’ai évoqué avec le président malien Amadou Toumani Touré, dont on me disait qu’il serait imperméable à la définition de cette nouvelle politique. Eh bien, j’ai rencontré un homme qui comprenait parfaitement que, pour nous, l’immigration pouvait être un défi.

Cette compréhension que vous manifestent certains présidents africains en privé, ils seraient bien en peine de la réitérer en publicÂÂ
C’est déjà une première étape. Il faut les y aider, avec des arguments justes pour expliquer que cette politique est une politique d’équilibre.
Comment attirer des immigrés de haut niveau si les familles ne peuvent pas suivre ?
Lors des signatures d’accords bilatéraux avec les pays d’émigration, nous proposons la carte « compétences et talents ». Cette carte n’est pas réservée aux diplômés, mais aux qualifiés, et elle donne droit automatiquement au regroupement familial. C’est une carte qui marque la singularité de la France puisqu’elle favorise la circulation des compétences, mais décourage en même temps le pillage des cerveaux. Au bout de six ans, on revient chez soi pour mettre ses qualifications au service de son pays.

Si on vous dit test ADN, vous dites quoi ?
Vous me dites trois lettres et je vous réponds par un gros mot de cinq lettres ! Sérieusement : j’ai appris l’existence de ces tests, comme tout le monde, dans la presse. Je dois confesser que je n’y connaissais rien. Mais lorsque j’ai découvert qu’ils existaient dans le code civil français depuis 1994, et qu’ils étaient pratiqués par douze pays de l’Union européenne – la Grande-Bretagne en fait 12 000 par an -, je me suis dit que ce n’était pas si effroyable. Pour les Français, le code stipule que la preuve de la filiation peut être apportée par l’empreinte génétique.

Ce n’est pas comparable. Le test ADN est valable pour les citoyens français dans des conditions très précises, très encadréesÂÂ
C’est pour cette raison que j’ai souhaité moi aussi l’encadrer totalement. Le test ADN se fait sur la base du volontariat, il est surveillé par un juge, il est remboursé, de plus, il en est pour l’instant au stade expérimental. Enfin, il n’est pratiqué que sur les ressortissants de pays qui l’utilisent déjà.

Donc, c’est quasi inapplicable !
Bien sûr que si ! Je suis convaincu que c’est un dispositif qui peut être à la fois un moyen de lutte contre les fraudes et un dispositif protecteur à l’égard de ceux qui sont de bonne foi. Je tiens à votre disposition les courriers de citoyens africains qui souhaitent bénéficier de ces tests afin de pouvoir faire venir leurs enfants. Tenez : j’ai visité une mairie d’arrondissement dans une capitale africaine. Eh bien, l’état civil était dans une baignoire !

C’était à Brazzaville. Et beaucoup de Congolais n’ont pas compris que l’on vous ait autorisé à inspecter une mairie. Cela faisait un peu néocolonial, non ?
Pas du tout. C’était, de la part des autorités, faire preuve de transparence et d’honnêteté. D’ailleurs, si je fais cela, c’est parce que la France accorde des concours pour restaurer l’état civil d’un certain nombre de pays. Quand on a connu trois conflits en vingt ans, comment voulez-vous que l’état civil fonctionne ? Ce sont des réflexes de nantis et de gosses de riches que de condamner cela !

Aucun pays, parmi ceux avec lesquels vous avez signé des accords bilatéraux en matière d’immigration, n’accepte les tests ADN. Aucun chef d’État africain ne peut dire à son opinion : j’accepte les tests ADNÂÂ
Et la République démocratique du Congo, alors ! Ce pays, qui est le deuxième pays francophone au monde, pratique les tests ADN avec la Belgique depuis des années. Le dispositif que j’ai fait voter par le Parlement prévoit que les tests ADN seront appliqués avec les pays qui les pratiquent déjà. On ne peut pas être plus clair. La ministre des Congolais de l’extérieur m’a expliqué que cela ne posait aucun problème avec son pays.

Donc, dans l’accord que vous allez signer avec la RDC, les tests ADN sont prévus.
Je dis simplement que je ferai respecter la loi telle qu’elle a été votée.

Ce qui n’est pas le cas du Congo-Brazzaville, du Bénin, du Mali et des pays du MaghrebÂÂ
Je viens de vous dire que c’est seulement dans le cas où l’état civil est déficient. Est-ce que vous m’avez entendu dire que l’état civil était déficient au Maroc ou en Tunisie ? Bien sûr que non. Par ailleurs, je répète : on ne pratiquera les tests qu’avec des pays qui les pratiquent déjà.

Y a-t-il une liste des pays dans lesquels l’état civil pose problème ?
Cette notion de fraude documentaire provient d’un rapport du sénateur Adrien Gouteyron. Il parle d’une vingtaine de pays, sans plus de précisions.

Et vous ?
Mon ministère n’a pas d’études sur le sujet.

Les tests ADN, vous êtes donc pour ?
Ce n’était pas dans mon projet de loi. Mais si vous me posez la question, je vous réponds oui. Oui, parce que précisément j’ai découvert qu’ils existaient dans le code civil français depuis 1994 et qu’en plus ils sont pratiqués par douze pays de l’Union européenne.

Parlons quotas. Qu’envisagez-vous : des quotas d’immigrés par profession ou par nationalité ?
La commission Mazeau doit y réfléchir. Peut-être proposera-t-on un chiffre plafond de délivrance de titres de séjour, dans lequel on examinera le nombre de titres accordés, par exemple, pour les étudiants et pour les professionnels. Mais c’est à la commission Mazeau de faire ses propositions.
Est-il réaliste de parler de quotas par qualification ou par profession dans la mesure où aucun gouvernement ne peut savoir quels seront les besoins des entreprises en termes de recrutement dans un an, cinq ans, dix ans ?
Je ne dis pas que ce sera la politique menée par la France, mais c’est possible puisque certains pays fonctionnent de cette manière, comme l’Australie et le Canada.

Reste que, dans ces deux pays, les quotas d’immigration qualifiée ne sont jamais remplis alors que les quotas d’immigration non qualifiée sont toujours dépassés. Résultat : le taux d’immigration irrégulière augmente et crée un appel d’air.
L’Australie et le Canada ne sont pas des références, mais des exemples. J’observe simplement que ces deux pays pratiquent les quotas. Même cas de figure pour les Italiens et les Espagnols. D’ailleurs, ce sont les autorités tunisiennes elles-mêmes qui m’ont fait observer, en décembre dernier, les avantages qu’offrait le plafond de délivrance des titres de séjour par l’Italie. L’idée est un peu la même avec les Espagnols concernant les Sénégalais.

Où en êtes-vous avec les trois pays du Maghreb ?
Nous devrions signer un accord d’immigration concertée avec la Tunisie à l’occasion de la visite d’État du président Sarkozy dans ce pays en avril prochain. En ce qui concerne le Maroc, j’ai eu des discussions préliminaires avec le ministre des Affaires étrangères lors d’un déplacement dans le royaume fin 2007.

Et l’Algérie ?
Nous n’avons pas engagé de discussions avec l’Algérie. Je ne m’y suis pas encore rendu.

Pour des raisons politiques ?
Les accords bilatéraux issus de ?la décolonisation font bénéficier ?l’Algérie d’un statut particulier dans ce domaine.
Cela peut-il évoluer ?

Peut-être vous répondrai-je oui un jour. Mais là, rien n’est engagé.

Vous arrive-t-il parfois de douter de ce que vous faites ?
Tous les matins.

Vous avez hérité d’un ministère qui n’est pas exactement le tremplin idéal pour une carrière politiqueÂÂ
Qu’en savez-vous ? Il existe un pays d’Europe, la Norvège, dans lequel la ministre de l’Immigration est la plus populaire de la classe politique ! Je vous rassure, je n’en suis pas là. Cela dit, quand j’affirme que la France, comme tout pays au monde, a le droit de choisir qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire, je crois que cette opinion est partagée par une immense majorité de Français.
L’action de votre ministère n’est donc pour rien dans la chute de popularité de Nicolas Sarkozy ?
Manifestement non. Je n’ai rien lu de tel.

Vous êtes fils de banquier, élevé à Neuilly, élu d’une région rurale. Pour vous, l’immigration, c’est quoi ? Une abstraction ?
Je suis élu d’un territoire qui n’est pas directement confronté aux réalités de l’immigration, c’est exact. Mais ce ministère est un ministère extrêmement sensible, très exigeant. C’est aussi un ministère passionnant, parce qu’il touche à l’équilibre de notre société. Je suis très heureux des discussions que j’ai avec les dirigeants des pays africains. À vrai dire, je connaissais déjà assez bien plusieurs responsables marocains, quelques tunisiens, mais aucun responsable d’Afrique subsaharienne. Et je suis impressionné à la fois par l’écoute, la qualité et le souci de compréhension réciproque de ces hommes et de ces femmes.

Tenter de ralentir les flux migratoires ne sert pas à grand-chose tant que se posent, sur le continent, des problèmes de développement, donc de bonne gouvernance. En avez-vous conscience ?
Bien sûr. Ce n’est pas qu’un problème de moyens.

Abordez-vous ce genre de sujets avec les responsables africains ?
Ce n’est pas mon domaine. Je ne gère pas l’aide d’État à État mais l’aide à des projets, à des individus.

Lorsque vous dites aux candidats à l’émigration que l’Europe n’est pas l’eldorado qu’ils imaginent, vous n’ignorez pas qu’ils le savent. Mais que, pour pénibles qu’elles soient, les conditions de vie y seront toujours moins dures que chez euxÂÂ
Quand, sur un continent de 1 milliard d’habitants, la moitié de la population vit avec moins de 1 euro par jour, le constat est effectivement vite fait. Mais que proposez-vous : ouvrir les frontières ? Ce n’est pas sérieux. Si, en France, personne au sein de l’opposition ne se hasarde à avancer une alternative crédible à la politique que nous menons, c’est bien qu’il n’y en a pas.

Vous avez encadré, dans votre bureau, un article de journal dont le titre est : « De l’ultrasensible pour Brice Hortefeux ». Pourquoi ?
Parce que c’est le cas. Le poète communiste René Char a écrit : « Un mot et tout est gagné, un mot et tout est perdu. » Cela s’applique très exactement à mon ministère.

Communiste ou non, René Char était d’abord français.
Croyez-vous que vous me l’apprenez ? Je vous vois venirÂÂ

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