Naissance du Front islamique du salut

18 février 1989

Publié le 18 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Alger, samedi 18 février 1989. Une trentaine de leaders du courant islamiste algérien se donnent rendez-vous pour une réunion clandestine à la mosquée Al-Sunna de Bab el-Oued. Autour du jeune prédicateur Ali Benhadj se retrouvent, entre autres, Abassi Madani, professeur de sociologie, Hachemi Sahnouni, imam aveugle de la mosquée, Saïd Makhloufi, ancien officier de l’armée, Abdelkader Hachani, jeune ingénieur à Sonatrach, et Benazouz Zebda. Objectif de ce conclave : faire sortir le mouvement islamiste de la clandestinité et obtenir sa légalisation à la faveur de l’ouverture politique annoncée par les autorités au lendemain des émeutes d’octobre 1988. Après plusieurs heures de palabres, l’assistance s’accorde sur la création d’un parti politique dénommé Front islamique du salut (FIS). Madani en assurera la présidence, Benhadj et Zebda seront vice-présidents, tandis que le Majlis el-Choura (conseil consultatif) sera composé de trente-cinq membres. Le programme du FIS se résume à deux objectifs : application de la charia et instauration d’un État islamique en Algérie.
Alors que l’information devait restait confidentielle, le temps de préparer le congrès, Ali Benhadj vend la mèche dans un entretien retentissant publié cinq jours plus tard, le 23 février, par le quotidien gouvernemental Horizons. Le choix de la date de parution n’est pas fortuit : le jour même se tient un référendum constitutionnel devant consacrer le pluralisme politique. « Il n’y a pas de démocratie en Islam. La démocratie, c’est du kofr [apostasie] », affirme celui que l’on qualifiera de « Savonarole d’Alger ».
Le 9 mars, Benhadj et ses compagnons se retrouvent à nouveau à la mosquée Al-Sunna pour les assises constitutives du FIS. Le lendemain, le nouveau porte-parole du mouvement, Abassi Madani, proclame, du haut de la tribune de la mosquée de Kouba, la naissance officielle du parti. Le 22 août 1989, moins d’un mois après l’adoption par l’Assemblée de la loi sur le pluralisme politique, les dirigeants du FIS déposent une demande d’agrément au ministère de l’Intérieur.

Faut-il ou non agréer le FIS ? La question fait débat chez les « décideurs ». Certains y sont défavorables, arguant que la nouvelle Constitution interdit la création d’un parti sur une base religieuse, culturelle ou linguistique. D’autres, en revanche, expliquent que l’exclusion du courant islamiste provoquerait sa radicalisation. Alors qu’une partie de l’opinion, effrayée par la perspective d’un « califat », espérait son interdiction, le nouveau gouvernement du réformateur Mouloud Hamrouche lui accorde son agrément le 16 septembre.
Grisés par leur victoire aux élections locales du 12 juin 1990 (953 communes sur 1 539 et 32 wilayas sur 48), les dirigeants du FIS déclenchent, en mai 1991, une grève insurrectionnelle pour exiger la tenue d’une présidentielle anticipée. Arrêtés le 30 juin pour atteinte à la sûreté de l’État, Benhadj, Abassi et cinq autres responsables du parti sont condamnés à douze ans de prison. Ce qui n’empêchera pas le FIS de remporter la majorité des sièges lors du premier tour des législatives de décembre 1991. Peine perdue : les autorités annulent le second tour, tandis que Chadli démissionne de son poste de président. Privé de « sa victoire », le FIS lance un appel à l’insurrection armée, prélude à une guerre civile qui fera une centaine de milliers de morts. Il sera officiellement dissous le 4 mars 1992.

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