Mort d’un chef de guerre

Responsable militaire du Hezbollah, Imad Moughniyeh a été tué le 12 février, à Damas, dans l’explosion de sa voiture. À qui profite le crime ?

Publié le 18 février 2008 Lecture : 4 minutes.

L’élimination, le 12 février, à Damas, d’Imad Moughniyeh, chef militaire du Hezbollah, est un succès considérable pour le Mossad dans la lutte qu’il mène depuis un quart de siècle contre l’organisation chiite libanaise – même si l’État hébreu dément toute implication de ses services dans l’opération. Voici quelques clés pour bien mesurer l’importance de cette disparition. Et ses possibles conséquences.

Qui est Imad Moughniyeh ?
Né en 1962 à Tayr Dibba, au sud de Beyrouth, Imad Moughniyeh vit dans la clandestinité depuis l’âge de 18 ans. Militant propalestinien de toujours, il compte parmi les fondateurs du Djihad islamique, en 1980. Trois ans plus tard, il rejoint le Hezbollah, tout juste créé, et prend en charge sa branche militaire. Par la suite, son nom a été associé à toutes les opérations d’envergure menées par celui-ci : attaques au camion piégé contre les troupes américaines et françaises à Beyrouth, en 1984 ; rapt et assassinat de plusieurs Occidentaux, comme William Buckler, chef de l’antenne locale de la CIA, ou le Français Michel Seurat. En 1985, il dirige le détournement d’un avion de la TWA au cours duquel un passager américain est tué. « Hadj Redouane » (son nom de guerre) est également soupçonné d’avoir monté, en 1994, deux attaques anti-israéliennes à Buenos Aires, en Argentine. Poursuivi par quarante-deux services de renseignements, il était l’un des dix terroristes les plus recherchés de la planète. Le FBI offrait 5 millions de dollars pour sa capture.

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Comment a-t-il été tué ?
Le mode opératoire ressemble étrangement à celui utilisé par le Mossad en 2004, à Damas, pour assassiner de manière « ciblée » un cadre du Hamas palestinien. Ce 12 février, Moughniyeh sortait d’une importante réunion dans les locaux des Moukhabarat, les services syriens, à Kafr Sousseh, un quartier résidentiel de Damas où se trouve aussi une école iranienne. Rompu aux techniques de la clandestinité, il ne fait aucun doute qu’il avait pris toutes les précautions d’usage. Selon toute vraisemblance, son véhicule a donc été piégé au cours de cet ultime déplacement. On peut supposer que l’engin explosif a été placé à l’arrière, à l’aide d’un aimant, au cours d’un bref arrêt à un feu rouge ou lors d’un ralentissement de la circulation. Belle revanche pour le Mossad, dont la réputation d’infaillibilité avait été sérieusement écornée par Moughniyeh pendant la dernière guerre du Liban, en juillet 2006. Le démenti officiel du gouvernement d’Ehoud Olmert n’a d’ailleurs pas empêché un ministre de se réjouir : « Nous avons fini par l’avoir, notre Ben Laden ! »

Pour Assad, une nouvelle humiliation
Aussi sécurisée soit-elle, la ville de Damas a toujours constitué un champ de manuvres et un théâtre d’opérations pour le Mossad et le Shin Bet, qui, dans le passé, ont réussi à y éliminer plusieurs personnages recherchés par la justice israélienne. Mais le cas Moughniyeh est particulier dans la mesure il avait jusqu’ici réussi à déjouer toutes les tentatives de localisation. Son élimination est donc la conséquence d’une grave défaillance. Qui en est responsable ? Une trahison au sein du Hezbollah est improbable, l’efficacité du dispositif mis en place pour assurer la sécurité de ses dirigeants n’étant plus à démontrer. Les regards se tournent donc vers les Moukhabarat, dont certains éléments auraient pu être retournés par les services israéliens. Après tout, le véhicule de Moughniyeh n’a-t-il pas explosé alors qu’il quittait un parking situé dans l’enceinte même de leur QG ? Tout cela tombe fort mal à propos pour Bachar al-Assad, qui voulait faire de 2008 l’année du retour en grâce de son pays sur la scène internationale (voir aussi p. 52).

Pour le Hezbollah, une perte immense
Le coup est rude, en effet, pour le mouvement dirigé par Hassan Nasrallah. Sans doute plus rude encore que l’élimination, en 1992, d’Abbas Moussaoui, son secrétaire général, mort carbonisé en compagnie de son épouse et de son enfant de 3 ans dans l’explosion de sa voiture, atteinte de plein fouet par plusieurs roquettes tirées à partir d’un hélicoptère de Tsahal. Imad Moughniyeh était le symbole de l’efficacité militaire de l’organisation chiite. Il avait réussi à transformer sa milice en une armée disciplinée capable de tenir tête à Tsahal. Au fil des années, il était devenu un véritable mythe, cité en exemple, à plusieurs reprises, par Oussama Ben Laden lui-même. « C’est un modèle pour nous, déclara un jour le chef d’Al-Qaïda, car c’est lui qui a provoqué le retrait de l’armée américaine de Beyrouth, en 1984 ; lui encore qui a contraint Tsahal, en 1992, à un humiliant retrait du Liban. »
Pour le remplacer, le nom de Talal Hamiyeh, son fidèle lieutenant, est le plus souvent évoqué.

Vers des représailles ?
Le 14 février à Beyrouth, les funérailles du chef militaire, en présence de Manouchehr Mottaki, le chef de la diplomatie iranienne, ont rassemblé une foule immense. L’oraison funèbre a été prononcée par un Hassan Nasrallah visiblement affecté, mais déterminé. « Nous disposons de preuves de l’implication des services de l’ennemi sioniste, a-t-il indiqué. Mais en tuant Imad Moughniyeh à Damas, loin du champ de bataille, Israël a franchi une ligne rouge. Je prends à témoin le monde : si les sionistes veulent une guerre ouverte, ils l’auront ! »
L’État hébreu n’a évidemment pas attendu ces menaces de représailles pour prendre ses dispositions. Dès l’annonce de la mort de Moughniyeh, toutes ses représentations à l’étranger ont été mises en état d’alerte maximale. Et des renforts ont été acheminés en Galilée pour prévenir une éventuelle attaque.
Le moins que l’on puisse dire est que cette disparition ne paraît pas chagriner outre mesure la Maison Blanche. Porte-parole du département d’État, Sean McCormack a, par exemple, estimé que « le monde est meilleur sans Moughniyeh ».

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