Menaces sur les témoins

Les victimes ou anciens subordonnés de l’ex-dictateur libérien appelés à la barre du Tribunal de La Haye craignent pour leur vie. Et celle de leurs proches.

Publié le 18 février 2008 Lecture : 2 minutes.

La Haye, enceinte du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), 8 février : pantalon noir, veste violette et chemise jaune sans cravate, Suwandi Camara témoigne. De nationalité gambienne, il s’exprime en mandingue. Les interprètes ont parfois du mal à traduire ses propos. Dans les années 1990, Camara était officier au sein du Front national patriotique du Liberia (FNPL), l’armée de Charles Taylor, l’ex-dictateur libérien actuellement jugé aux Pays-Bas pour avoir soutenu les rebelles du Front révolutionnaire unifié (FRU) chez son voisin sierra-léonais. Douze chefs d’inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité pèsent sur lui. Le témoin raconte devant la cour comment il a rencontré l’ancien homme fort de Monrovia en Libye, à la fin des années 1980, puis comment il l’a suivi jusqu’au Liberia.
Suwandi Camara détaille ensuite le fonctionnement du camp Cobra. C’est dans cette base que les recrues destinées à aller combattre en Sierra Leone sont entraînées au maniement des armes. Certains soldats, réunis au sein des Small Boys Units (SBU, des bataillons qui comptent en moyenne 230 éléments), ont entre 9 et 13 ans. En raison de leur jeune âge, les futurs guerriers sont dispensés de quelques exercices. Tout comme les femmes, regroupées au sein d’une armée spéciale. Par deux fois, en 1992, le « Général 245 », une femme, se rend au camp Cobra. Elle en repart à chaque fois en compagnie de combattants qui seront affectés en Sierra Leone ou à la frontière. Régulièrement, Charles Taylor vient, lui aussi, rendre visite à ses troupes. Il leur apporte de la nourriture, notamment de la viande. Le témoignage est d’une grande précision.
Pour le Gambien Suwandi Camara, se présenter devant le TSSL n’est pas très risqué. Las, ceux dont les proches résident toujours au Liberia ou en Sierra Leone ne peuvent pas en dire autant. Fin janvier, à Monrovia, des hommes armés ont débarqué dans la maison de Vamba Sherif, insultant sa famille et la menaçant de mort. La veille avaient débuté, à La Haye, les audiences de son frère, Varmuyan Sherif, ex-bras droit de Taylor.
Le procès de l’ancien dictateur ne s’est tenu ni à Freetown ni à Monrovia pour des raisons de sécurité. Et par crainte que le récit des différents témoins ne ravive les hostilités. L’éloignement géographique semble ne pas suffire tant la popularité de Taylor est encore vivace.

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